Une supply chain fonctionnelle : un levier stratégique de différenciation en temps de crise ?
La raison d'être de toute supply chain est de garantir la mise à disposition de produits ou services en temps, en heure et en quantité suffisante, auprès de ses clients. Mais la... ou plutôt les crises ont tout changé.
Je m'abonneLa raison d'être de toute supply chain est de garantir la mise à disposition de produits ou services en temps, en heure et en quantité suffisante, auprès de ses clients ? Considérée comme dysfonctionnelle à partir du moment où elle ne peut plus atteindre cet objectif de qualité de service, en respectant un certain niveau de coûts, délais et volumes, la succession des crises que nous éprouvons depuis quelques années, sanitaire d'abord, économique et sociale ensuite, désormais géopolitique et énergétique a révélé que les rouages des chaines d'approvisionnement relèvent d'une imbrication complexe.
Cette dernière est susceptible de dérailler précipitamment avec des répercutions d'une ampleur insoupçonnée jusqu'ici. Pénuries alimentaires dans les supermarchés, usines de composants électroniques à l'arrêt, transports de marchandises désorganisés... Pourquoi la sécurisation de ses approvisionnements est-elle devenue une priorité absolue ?
La supply chain à l'épreuve de risques toujours plus nombreux
Les récentes crises d'approvisionnement ont révélé que l'ensemble des composantes de la chaine de valeur d'un produit ou d'un service sont stratégiques et prioritaires. Dans les industries d'assemblage, par exemple, il faut pouvoir regrouper l'ensemble des pièces avant d'amorcer la production. Un seul boulon manque, et c'est l'ensemble de la chaine qui s'arrête.
Face à ces risques de plus en plus marqués dans un contexte incertain, les relocalisations peuvent être une réponse, a minima pour des produits considérés comme particulièrement stratégiques comme certaines molécules pharmaceutiques. Mais le passage à l'action n'est pas simple. Il s'agit non seulement de reconstruire une usine, mais aussi de recréer ses filières d'approvisionnement, d'équipementiers et de savoir-faire, tout en s'assurant un bilan économique intéressant dans un contexte où les barrières fiscales au retour sont primordiales.
Les crises, moteurs efficaces pour inciter à la sécurisation des supply chains
Les chaines logistiques apparaissent aujourd'hui profondément bouleversées et mises en défaut. Alors que la crise du Covid n'a pas fini d'impacter la Chine, bloquant les ports et limitant fortement les exportations, une crise mondiale frappe les opérateurs de fret routier, accentuée par le conflit ukrainien puisque plus de 30 000 chauffeurs de poids lourds en Europe sont actuellement sur le front. Les problématiques se lient entre elles, la paralysie des approvisionnements devient systémique et incite le secteur à repenser totalement ses modes de fonctionnement.
La crise du Covid a notamment montré les limites d'une massification à outrance des approvisionnements conduisant à du monosourcing. Dans ce type de configuration, lorsque la source se tarit, toute la chaine de valeur s'arrête. Se développent alors de nouvelles tactiques afin de sécuriser l'ensemble de ses approvisionnements, en toutes circonstances. Une opération de remplacement permet par exemple de substituer certaines matières premières à d'autres produits pour un résultat similaire. Quant aux stratégies de stockage, elles apparaissent désormais indispensables. Si les supply chains étaient auparavant synchronisées grâce à une régularité fiable, les aléas d'approvisionnement ont depuis montré l'utilité de bénéficier de stocks rapidement exploitables pour pallier toute carence. En période d'inflation, le stockage apparaît également comme une option intéressante puisqu'il permet d'acquérir une denrée à un prix n'ayant pas encore augmenté.
Diversification des sources d'approvisionnement et raccourcissement des circuits d'approvisionnement sont les deux clefs majeures pour sécuriser le fonctionnement de nos usines et fiabiliser la continuité du service attendu.
Lire aussi : La supply chain face aux défis actuels : Comment transformer les menaces en opportunités ?
Une transformation de la stratégie d'approvisionnement à l'aune de nouveaux impératifs
La révision des schémas directeurs de la supply chain est donc à considérer. A la nécessaire optimisation des coûts et des services s'ajoute également la maîtrise des enjeux ESG, notamment l'empreinte carbone. Il incombe désormais aux entreprises de cartographier l'ensemble de leurs émissions et de mettre en place les bonnes politiques à toutes les échelles, des intermédiaires lointains, à la livraison finale du produit ou du service. Dans les usines, il devient nécessaire d'utiliser des énergies propres, tout en révisant les modes opératoires pour réduire les consommations inutiles. Lors des distributions, le schéma directeur logistique doit ensuite être optimisé pour décarboner l'ensemble de la chaine : limiter le nombre de kilomètres effectués, favoriser l'usage d'énergies plus propres comme l'électricité ou l'hydrogène...
Face aux basculements radicaux qui s'annoncent, les politiques industrielles sont appelées à se renouveler entièrement. Quant aux responsables des supply chains, ils apparaissent plus que jamais comme des pivots influents, en mesure d'assurer la continuité stratégique de l'entreprise et la satisfaction des clients, dans une logique de maîtrise des coûts et de l'empreinte CO2. Continuons de faire de la chaine d'approvisionnements un levier de performance stratégique pour l'entreprise.
Pour aller plus loin
Didier Krick, Associé KPMG France Operations & Performance Strategy. Au cours de ses 18 années d'expérience dans cette sphère, il a piloté de nombreux programmes d'excellence opérationnelle majeurs auprès de grands groupes industriels (automobile, énergie...), de sociétés de services et dans le secteur public.