Les relations donneurs d'ordre / fournisseurs se rééquilibrent
Mais les achats seront marqués par un basculement dans la relation donneurs d'ordre-fournisseurs. Ce sont les fournisseurs "best in class" qui choisissent leurs clients. Ces mêmes clients doivent alors devenir les clients préférentiels de leurs fournisseurs.
Je m'abonneC'est un des premiers points marquants de l'édition 2020 de l'étude "Tendances et priorités des départements achats", réalisée par le cabinet AgileBuyer avec le CNA: si les relations donneurs d'ordre-fournisseurs ne semblent toujours pas au beau fixe, elles semblent cependant se rééquilibrer. Ainsi, 49% des départements achats interrogés avouent subir des relations déséquilibrées et/ou défavorables avec leurs fournisseurs cette année, contre 54% l'an passé. Soit une baisse de 5 points. Même avec un certain retour à l'équilibre, presque tous les secteurs sont concernés par des relations défavorables avec certains fournisseurs. Seuls les secteurs des services/conseil/formation, de la mode/luxe, mais surtout le secteur communication/médias semblent être plus épargnés.
La technique de certains fournisseurs : hausse de prix et menace de rupture d'approvisionnement
Comment se traduit ce déséquilibre ? Le premier indicateur est celui de l'augmentation des prix qui est le nerf de la guerre entre donneurs d'ordre et fournisseurs. Il est cité par 90% des directions achats (89% en 2019). La menace de rupture d'approvisionnement arrive en 2e position avec 54% des répondants. On notera que la technique de la déstabilisation et de l'intimidation remonte à 26% contre 10% en 2019. Ce chiffre souligne l'assurance des fournisseurs face aux directions achats. Les achats seront marqués par un basculement dans la relation donneurs d'ordre-fournisseurs. Ce sont les fournisseurs "best in class" qui choisissent leurs clients. Ces mêmes clients doivent alors devenir les clients préférentiels de leurs fournisseurs.
La gestion des risques fournisseurs : encore et toujours un axe de travail
La gestion des risques fournisseurs est et demeure une préoccupation essentielle pour les directions achats. Les chiffres de l'étude démontrent une certaine linéarité des réponses depuis 2017. Ainsi, depuis 2017, les directions achats ont un objectif en matière de gestion des relations fournisseurs qui avoisine les 75%. En 2020, les directions achats affichent un objectif en matière de relations fournisseurs de 71% soit une baisse de 4 points non significative. Les achats ont un rôle primordial dans la réduction des risques de l'entreprise, à commencer par l'identification et la mise sous contrôle des risques fournisseurs", pointe Elisabeth Philippe, directrice des achats d'Agromousquetaires (pôle agroalimentaire du groupement des Mousquetaires). "En faisant cela, c'est notre réputation que nous préservons. Tout le monde est concerné."
De nouveaux secteurs concernés par la gestion des risques
Si en 2019, les secteurs de la mode-luxe, de la banque-finance-assurances et de la mécanique/métallurgie trustaient les premières marches du podium en matière de gestion des risques fournisseurs, en 2020 tout se bouscule. Les secteurs de la communication (100%), de l'informatique/télécoms (85%) et de l'aéronautique (83%) remontent en tête du classement.
"La gestion des risques contraint très fortement les équipes achats de par les nombreux contrôles à mettre en place et à effectuer", commente Pascal Pelon, directeur des achats de Axa France. "Elle s'avère toutefois être une opportunité pour une meilleure connaissance des fournisseurs."
Lire aussi : Les achats, fer de lance des politiques publiques ?
Une sécurisation des approvisionnements plus importante
Si 66% des directions achats estiment que la sécurisation des achats/approvisionnements en 2020 ne sera pas plus importante qu'en 2019, elles sont cependant plus d'un quart (29%) à penser le contraire et à en faire un enjeu de 2020."Sans produit livré, pas de chiffre d'affaires !, souligne Emmanuelle Wallon, directrice des achats Groupe de Clarins. "Sécuriser notre business, c'est l'un des fondamentaux achat car la valorisation de la perte de chiffre d'affaires pourrait être plus importante que celle des économies d'achat générées sur une année..."
Là encore, l'étude 2020 bouscule les chiffres et rebat les cartes des familles d'achats. Ainsi, dans un contexte géopolitique incertain, la sécurisation des approvisionnements concernera avant tout les secteurs du tourisme et du transport (à 47%), de la pharmacie-santé (40%) et de l'industrie lourde (34%). En 2019, la sécurisation des approvisionnements concernait au premier plan l'automobile à 53% (reléguée en 2020 à la 8e place), la conso/distribution à 44% (reléguée à la 5e place) et la mécanique/métallurgie à 44% (reléguée à la 12e place).
Des directions achats davantage formées à l'éthique des affaires
Avec le déploiement de la loi Sapin 2, la hausse de la lutte anti-corruption, le devoir de vigilance, les directions achats prennent les devants. Ainsi, il est intéressant de constater que 67% des directions achats avouent avoir été formées au respect de l'éthique des affaires sur les 12 ou 24 derniers mois. Aujourd'hui, gérer sa relation fournisseurs de manière optimale et efficiente requiert de nouvelles compétences et connaissances juridiques, réglementaires, ... Les directions achats en ont conscience et n'hésitent pas à former leurs équipes sur tous ces sujets sensibles.
Les délais de paiement : un sujet toujours d'actualité
Le respect des délais de paiement fournisseurs est clé dans une bonne gestion des relations fournisseurs. Depuis la promulgation de la loi Sapin 2, du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, des peines d'amende peuvent être requises allant jusqu'à 75 000 euros pour une personne physique et jusqu'à 2 millions d'euros pour une personne morale. Selon le ministère de l'Economie et des Finances, au cours du premier semestre 2019, 964 entreprises ont fait l'objet de contrôles. Au final, 130 décisions de sanction ont été notifiées aux entreprises contrôlées, pour un montant total d'amendes de 8,3 millions d'euros, soit une hausse de plus d'1 million d'euros par rapport au premier semestre 2018. Citons par exemple le cas d'EDF qui a écopé début 2019 d'une amende de 1,8 million d'euros.
Ainsi, 64% des directions achats disent qu'assurer le pilotage et/ou le respect des délais de paiement fournisseurs fait partie de leurs objectifs. S'ils étaient 21% à avouer en 2019 que ce n'était pas une priorité achats ou que ce n'était pas de leur ressort, ils ne sont plus que 17% en 2020 (soit une baisse de 4 points). "Peut-être peut-on y voir une meilleure distribution des rôles impartis entre les fonctions finance et achats au sein des entreprises dans le pilotage des KPI's ?", s'interroge Olivier Wajnsztok, directeur associé de AgileBuyer et grand chef d'orchestre de cette étude
"Les délais de paiement sont une préoccupation pour un grand nombre de directions achats", assure Pascal Pelon, directeur des achats d'Axa France. "Il s'avère toutefois que l'amélioration de l'indicateur "délai de paiement" viendra d'une bonne collaboration entre les fournisseurs et les donneurs d'ordres, les responsabilités en la matière étant partagées."
A la question, quelle(s) action(s) spécifiques de sécurisation entreprendrez-vous en 2020 ? 58% des répondants mettent en tête de liste la sécurisation des approvisionnements (contre 64% en 2019). Mais le respect des délais de paiement arrive juste après avec 48% des directions achats interrogées. Soit une hausse de 9 points par rapport à 2019. Cet axe de travail sur les délais de paiement est un point clé dans l'amélioration des relations fournisseurs et les directions achats en ont conscience. Sans compter l'obligation de dématérialisation des factures qui est un enjeu crucial pour les années à venir. Il est amusant de constater qu'en 2019, la gestion de la protection des données arrivait en 2e place et recule en 2020 à la 3e place après le respect des délais de paiement. Une préoccupation alors liée à la RGPD qui était le sujet d'actualité du moment. De son côté, la loi Sapin 2 n'arrive qu'en 4e position avec 29%. "A chaque année son axe de travail en fonction de l'actualité", conclut Olivier Wajnsztok.
Lire tous les sujets traités dans le cadre de cette enquête:
Les grandes priorités des services achats en 2020
Les achats se détachent (un peu) de la réduction de coûts
"Made In France" ou pays à bas coût : les achats à l'heure du choix
La fonction achats accélère sa digitalisation
Les achats durables, une vraie préoccupation... mais pas une priorité
Les achats côté RH : une grande satisfaction et quelques désagréments