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"Les achats seront responsables ou ne seront pas", rencontre avec Yasser Balawi

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'Les achats seront responsables ou ne seront pas', rencontre avec Yasser Balawi

Suite à la reprise de Yoplait en décembre 2021, la direction achats de la coopérative Sodiaal se restructure. Mais le cap reste le même : rendre les achats encore plus responsables dans un contexte d'urgence climatique en misant sur l'innovation.

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Comment se réorganise votre direction achats suite à la reprise de Yoplait en Décembre 2021 ? (ndlr : La coopérative laitière Sodiaal a confirmé la reprise de Yoplait sur le périmètre France/Europe ainsi que les franchises)

Les achats de Sodiaal évoluent avec l'accueil de nouvelles équipes Yoplait. La Coopérative Sodiaal compte à présent 45 acheteurs avec un budget de 1,2 milliards d'euros de dépenses annuelles. Nous sommes donc en train de de reconsolider l'organisation achats en englobant les équipes de Yoplait qui sont très centrées sur les achats directs (achats de matières premières et emballages). Car chez Sodiaal, nous sommes organisés en six pôles d'activités achats (emballage, ingrédients, énergie, technique (qui englobe donc les capex les opex...), logistique et supply chain et un pôle achat indirects tertiaire.

Nous avons donc choisi de ne pas multiplier les profils et de miser sur l'efficacité collective en essayant de travailler tout de suite sur les synergies entre les catégories d'achats qui existent entre Yoplait et Sodiaal en sachant qu'on est sur des métiers qui sont globalement identiques puisqu'on est toujours dans le secteur produits laitiers. On s'adresse à des marchés fournisseurs qui sont à 80% les mêmes avec des problématiques de gestion de catégories,.. etc qui sont les mêmes. Et puis de par mon expérience passée chez Danone, je retrouve avec plaisir des fournisseurs avec qui j'avais déjà travaillé.

Quelles sont les spécificités des achats dans une coopérative ?

Tout d'abord, une coopérative a une vision plutôt sur le moyen/long terme. Il faut avoir une vision, une trajectoire qui s'inscrit dans le temps. Le modèle coopératif est un modèle solidaire qui a pour objectif premier de valoriser le lait de ses associés coopérateurs. Les producteurs de lait de notre coopérative sont les patrons. Dans la gouvernance de Sodiaal, le président est lui aussi producteur de lait, sa ferme est située en Aveyron. Cette recherche de meilleure valorisation du lait de nos producteurs nous amène à faire des arbitrages liés à notre modèle.

C'est important de bien comprendre le modèle d'une coopérative puisque cela permet de projeter son organisation et ses activités achats dans un contexte particulier avec d'autres enjeux. On doit vraiment être créateur de valeur sur les marques en essayant de capter la valeur ajoutée à travers l'innovation de nos fournisseurs et être aussi extrêmement efficace sur les business qui sont des business de commodité pour lesquels il faut assurer d'un taux de service, d'un engagement et d'une réactivité maximale. Dans ce modèle, nous avons un rôle important celui d'accompagner le développement de nos activités, d'améliorer la proposition de valeur de Sodiaal et donc d'engager une politique d'achats responsables en lien avec notre démarche RSE globale.

Quels sont vos enjeux sur la transition climatique ?

Ce sont des enjeux énormes. Comment engager les achats dans une démarche responsable ? Car les achats seront responsables ou ne seront pas. D'autant que nous nous sommes engagés dans une démarche de labellisation RFAR en 2022. Il faut penser l'offre avec un critère de proximité. Cela passe notamment par le fait de rendre notre chaîne d'approvisionnement la plus proche possible. Nous avons des enjeux de territoire et de relocalisation car nous sommes présents dans 73 départements français avec certaines implantations très anciennes. Rappelons que la coopérative est née dans les années 60 et qu'elle est à l'origine de la création de marques de grandes consommation de notoriété comme Yoplait, Candia, Le Rustique, Richesmont,... Nous nous fixons l'objectif de relocaliser des filières ou les aider à se développer. Par exemple, il faudrait développer une filière sur le recyclage du PS (polystyrène). Pour cela, il faut mettre en commun des savoirs au niveau européen.

Comment les achats participeront à la réduction de votre empreinte carbone ?

Nous avons pour objectif de baisser de 30% les émissions de carbone de Sodiaal (Scope 1 et 2). Les achats sont bien entendu contributeurs par la gestion des catégories et des filières achats. Par exemple, dans le secteur du transport, nous allons baisser de 10% nos émissions sur l'ensemble de la chaîne logistique d'ici à 2025. Nous avons déjà baissé celles-ci de 3% grâce aux camions de nos fournisseurs roulant au diesel et qui sont passés aux énergies propres. Sur nos emballages, il y a une bonne dynamique des équipes internes (achat, R&D, marketing, RSE,...) sur les enjeux de recyclabilité, de réduction et demain de réemploi. Aujourd'hui, 96% de nos produits sont recyclables grâce à l'allègement du poids du plastique. Enfin, nous développons un outil pour évaluer l'impact des investissements dans nos usines pour mesurer la sobriété énergétique et la consommation d'eau. Ainsi, chaque famille d'achats a une feuille de route pour 2025 avec des engagements et des KPI's RSE.

Comment captez-vous l'innovation ?

Pour capter l'innovation, il faut structurer le processus pour l'avoir sur nos produits. Par exemple, dans le packaging, nous avons conçu une brique éco-responsable qui ne contient plus en aluminium mais 100% de matériaux recyclables. D'une façon générale, nous travaillons avec les start-up et d'ici à 2025, nous voulons que 10% de notre chiffre d'affaires achat soit réalisé avec les start-up dans des domaines aussi variés que les transports, le digital, le service ou le pilotage. Nous avons engagé plus de 10 journées d'innovation avec nos fournisseurs stratégiques et d'autres fournisseurs nouveaux dans le but de leur permettre de présenter des idées et prototypes de produits aux différentes instances de BU's afin d'échanger sur les opportunités business. Des produits sont déjà retenus dans le "pipe innos" 2023-2025.

Comment travaillez-vous avec vos fournisseurs ?

Nous organisons des rencontres régulières avec nos fournisseurs afin d'avoir une convergence stratégique dans nos projets d'investissement. Nous sommes transparents avec nos partenaires sur les projets d'innovation basés sur des critères éthiques français. Enfin, nous travaillons dans le respect des règles éthiques des délais de paiement et avec la signature de la charte relations fournisseurs et achats responsables (RFAR). Nous avons également un membre du Comex qui est chargé de la médiation auprès des fournisseurs.

95% des achats sont réalisés en Europe. Nous appartenons à l'alliance France UHT qui consolide les briques de lait sur le marché français. Les 5% restants achetés hors UE concernent quelques ingrédients pour des formulations chimiques. Par exemple en Asie, nous achetons un mix huile de palme / huile de cacao.

Enfin, comment faites-vous face à la crise Covid et l'inflation galopante ?

Pendant la crise Covid, il a fallu sécuriser la chaîne d'approvisionnement et continuer à travailler avec nos fournisseurs. Depuis avril-mai 2021, il y a une crise inflationniste sur l'énergie, les transports, les composants et les ingrédients avec des risques importants. Ces risques inflationnistes sont plus forts que les risques sanitaires. Ainsi, le prix du carton a bondi de plus de 30%, le transport plus de 15% et les énergies de plus de 250%.

Le packaging et des emballages ont augmenté de plus de 50%. Cette hausse du coût de transformation a un effet de ciseau. Selon moi, il n'y aura pas de retour à la situation de 2020, c'est un phénomène plus structurant que conjoncturel.

Quelles sont les répercussions des marges sur la grande distribution ?

Nous sommes sur un second tour de négociations avec les enseignes françaises. Nos demandes oscillent entre 15 à 20% sur l'ensemble de nos catégories : lait UHT, Crème, Beurre, Fromage, Ultra-frais. Ces demandes de hausses compensent tout juste les inflations que nous qualifions de dynamiques. Rappelons aussi que les inflations impactent aussi nos producteurs de lait dans leur ferme et qu'aujourd'hui nous devons retrouver le juste prix de l'alimentation pour préserver une agriculture française souveraine et surtout pérenne. Cela reste notre priorité numéro une à nous tous collaborateurs et éleveurs de la coopérative.

Le parcours de Yasser Balawi, CPO de la Cooperative Sodiaal

Juin 2019 Il devient CPO de la Cooperative Sodiaal (Yoplait, Entremont, Candia, Nutribio & Euroserum)

Fevrier 2009 - Mai 2019 Au sein de Danone il occupe successivement pendant 6 ans les postes de VP Sourcing & Supplier Developement Africa Division / Group Danone - director sourcing & supplier developpement pour l'Afrique du Nord - Procurement & Danone Farm Managing Director pour l'Egypte.

Janvier 2002 - Décembre 2009 CPO chez Heineken France

2000 - 2002 Directeur achats France Visteon Interiors

1998 - 2000 Purchasing Manager Avionics Air France

1994 - 1998 Responsable achats Composants et Matières Groupe Valeo

 
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