"Il faut avant tout miser sur l'innovation. L'effet Made in France ne vient qu'en second"
Le Made in France est devenue la marotte de l'économie française. A ce titre, Atol, chaîne coopérative française d'opticiens fait figure de cas d'école avec sa production Made in France. Philippe Peyrard, DGD d'Atol revient sur la stratégie de son entreprise et les difficultés rencontrées.
Je m'abonneLe Cocorico fut de courte durée. K-Way ne produira pas en France selon le Huffington Post. Malgré les incantations du ministre Arnaud Montebourg au Ministère du redressement productif, la célèbre marque de vêtements imperméables a décidé de mettre en stand-by la production d'une "capsule" (une petite collection événementielle) "made in France". A l'instar de K-Way, le Made in France est devenue la marotte pour une France en voie de désindustrialisation qui lutte pour retrouver le plein emploi.
Atol, cas d'école du Made in France
Certaines sociétés misent cependant sur une production française au prix de nombreux efforts. C'est le cas notamment d'Atol, chaîne coopérative française d'opticiens. "Il faut avant tout miser sur des produits innovants. L'effet Made in France ne vient qu'en second", insiste Philippe Peyrard Directeur général délégué (DGD) d'Atol. L'enseigne surfe aujourd'hui sur le succès avec sa collection D'Clip lancée en janvier 2012 et plus récemment avec sa collection de solaires "L'Essentiel" 100 % Made in France vantée par le chanteur M. Pokora.
Atol revendique sa production 100 % française et cela semble fonctionner aux dires de son DGD. "Nous avons délocalisé par dépit en 2003 car avec seulement 230 magasins, la volumétrie était insuffisante pour certains fournisseurs de l'Hexagone. La société a alors grossi avec près de 350 magasins. Aussi, nous avons décidé de relocaliser en 2004 et de lancer notre première production française en 2005", résume le DGD d'Atol. En 2008, l'enseigne a sorti sa collection de lunettes avec Adriana Karembeu comme égérie. "Un succès !" s'enthousiasme Philippe Peyrard.
Une relocalisation en 2004
Cette relocalisation s'explique pour des raisons techniques : les pays asiatiques et l'Inde, performants dans la réalisation de masse, demeurent décevants en termes de finition, quand la fabrication française garantit haute qualité et longévité des produits indique le site d'Atol. Mais aussi pour des raisons sociales : cet acte de capitalisme solidaire permet de préserver et de créer de nombreux emplois. "Il faut veiller à la prospérité de son entreprise en lien avec d'autres sociétés. Il s'agit de créer des emplois de traitants et sous-traitants pour favoriser le retour au plein emploi en France", souligne ce DGD engagé. Les commandes passées par Atol dans le Jura et l'Ain revendiquent le maintien d'environ 500 emplois directs et au moins autant d'emplois indirects. "J'ai travaillé dans l'industrie lunetière pendant 10 ans au coeur du berceau jurassien", met en évidence Philippe Peyrard pour expliquer son souci des emplois locaux.
Pour assumer le Made in France, la coopérative est passée par de nombreuses épreuves. Atol a misé sur les investissements financiers et... le temps. "Il aura fallu près de 10 ans pour mettre en place un microcosme de sous-traitants en France", résume Philippe Peyrard. Aujourd'hui, la coopérative travaille notamment avec 3 fabricants de verre français comme Essilor, BBGR basé à Provins et Zeiss à Fougères.
Fabriquer français? Une question de temps
Pour sa production, Atol a installé sa logistique industrielle et son atelier de montage sur le site de Beaune. "Un montage qui n'était pas encore compétitif en 2007", explique le PDG avant de détailler la démarche mise en place pour y parvenir. "Au départ, le coût de revient de l'équipement était de 4 dollars pour la main d'oeuvre et 3 dollars pour l'amortissement du matériel. Or, à l'époque, l'ensemble du coût de revient de montage n'était que de 5 dollars en Asie".
Sans diminuer le coût de sa main d'oeuvre, Atol a augmenté la cadence de ses équipes pour diminuer le coût d'amortissement de ses machines. En 2010, avec deux équipes (1 le matin et 1 le soir), l'amortissement est passé de 3 dollars à 1,5 dollars. Début 2013, une équipe "sur la base du volontariat" travaille désormais en 3x8 pour un amortissement des machines de 1 dollar. "Au final, il a fallu du temps mais nous sommes arrivés à obtenir un coût de revient inférieur aux 5 dollars en Asie", se félicite Philippe Peyrard. Une opération réussie, "d'autant plus que le coût de la main d'oeuvre augmente en Asie". Et "Nous investissons dans les machines mais nous demandons à nos sous-traitants d'investir dans la formation".
Miser sur l'innovation
La démarche d'Atol ne s'arrête pas à la fabrication de ses lunettes. Pour ses systèmes d'information, l'enseigne travaille depuis plus de 10 ans avec Generix, une société basée dans le Nord à Villeneuve d'Ascq. "Nous voulions un acteur de proximité", résume le DGD d'Atol. De même, pour son éditeur de logiciel, Atol a privilégié un acteur français. "Même si la prestation peut s'avérer 2 à 3 fois plus cher, c'est le coût du savoir-faire de l'entreprise". Le mobilier des magasins est signé Majencia, entreprise de mobilier français tandis que des menuisiers installés près de Chartres refont une centaine de magasins par an. Enfin, Atol travaille également avec la start-up française Total Immersion dans le domaine de la réalité augmentée pour l'essayage des lunettes.
Côté innovation, Atol mise aussi sur l'expertise hexagonale pour son "design to cost". "Nous sommes allés chercher l'expertise et l'inventivité technologique d'un fabricant de clapet de coeur artificiel", explique Philippe Peyrard. L'objectif ? Supprimer le maximum de construction manuelle pour pouvoir offrir des produits grand public à 230 euros. Désormais, seulement 8 soudures sont nécessaires grâce à cette nouvelle technologie. "Nous espérons gagner 20% de parts de marché d'ici la fin de l'année 2013", anticipe avec optimisme le DGD d'Atol.
Fiche d'identité
Atol, coopérative française d'opticiens
806 magasins
Panel de 150 fournisseurs
CA : 400,4 millions d'euros fin 2012.
Retrouvez notre dossier "Made in France" dans le DA n°168 du mois d'octobre.