Energie: Comment adapter sa stratégie d'achats en 2025 et 2026 ?
Après un hiver 2024-2025 placé sous tension, les prix de l'énergie connaissent un repli marqué. Mais cette accalmie ne doit pas masquer la persistance des risques. Les directions achats doivent affûter leurs stratégies entre sécurisation, flexibilité et analyse continue.

Un vent d'accalmie souffle sur l'énergie. Sur fond de ralentissement conjoncturel, de conditions météorologiques clémentes et de flux gaziers réorientés, les prix du gaz et de l'électricité se sont orientés à la baisse. Une correction bienvenue après deux années de flambée, mais qui ne signifie pas pour autant une sortie de crise. En toile de fond, la volatilité reste la norme. Pour les directions achats, le défi consiste désormais à tirer parti de cette respiration sans se laisser surprendre par un retournement.
Une accalmie sous haute surveillance pour le gaz
Sur le marché gazier, la séquence de début d'année a été marquée par une forte volatilité. L'arrêt du transit russe par l'Ukraine fin décembre a déclenché un regain de tension en janvier, rapidement tempéré par des températures clémentes et une montée en puissance des livraisons de GNL. Résultat, une baisse des prix de 10 % sur les produits 2026, et de près de 16 % sur les contrats à court terme.
"Ce reflux est à relativiser. Les stocks européens, bien que mieux anticipés, sont en recul notable par rapport à l'année précédente. Surtout, les marchés restent alimentés par une forte spéculation. Le volume d'échanges a atteint des niveaux inédits, dépassant 250 TWh. Dans ce contexte, une question se pose pour les acheteurs, faut-il sécuriser dès à présent des volumes, ou attendre une éventuelle poursuite de la décrue ?", décrypte Edouard Lotz, Head of Energy Market Research chez Omnegy.
L'expert énergie recommande une stratégie d'engagement partiel. "À 25-28 €/MWh sur 2026, les niveaux actuels sont jugés suffisamment attractifs pour verrouiller une première tranche, tout en gardant de la flexibilité pour saisir d'éventuelles opportunités sur 2027-2028", détaille Edouard Lotz. Le recours à des analyses de risque et à des outils d'aide à la décision s'impose comme un passage obligé dans ce nouvel environnement incertain.
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Électricité, un prix plancher dicté par la relance du nucléaire
Du côté de l'électricité, la situation apparaît plus lisible. Grâce à une baisse des coûts de production, les prix à terme ont reculé d'environ 10,5 %, tandis que le court terme a cédé jusqu'à 17 %. Mais surtout, les prix se stabilisent désormais autour du coût réel de production nucléaire français, estimé à 60 €/MWh. "Un effet d'ancrage qui limite les perspectives de nouvelle baisse, et qui incite à sécuriser rapidement", commente l'expert.
Avec près de 70 % du mix électrique assuré par le nucléaire, la France dispose d'un levier de compétitivité rare en Europe. Le premier trimestre 2025 a ainsi été l'un des meilleurs en matière d'exportations, confirmant la place centrale du pays aux côtés de la Suède ou de l'Espagne. Pour les acheteurs, notamment publics, qui doivent composer avec des budgets sans reforecast et des appels d'offres souvent longs à préparer, l'heure n'est plus à l'attentisme. Edouard Lotz préconise: "Verrouiller les approvisionnements sur 2026 ou 2027 à ces niveaux constitue un pari prudent dans un marché qui a retrouvé sa base, mais pas sa stabilité".
Diversification de l'approvisionnement et concurrence asiatique
Si l'Europe a su compenser la disparition des flux russes par une diversification accélérée - GNL américain, qatari, canadien ou encore azerbaïdjanais -, cette redéfinition des routes énergétiques n'est pas sans risques. La montée en puissance de la demande asiatique, notamment chinoise, pourrait créer des tensions imprévues sur les volumes disponibles. Cette concurrence s'ajoute à des facteurs techniques, logistiques ou encore environnementaux qui peuvent à tout moment déstabiliser un marché désormais mondialisé.
L'architecture énergétique européenne se complexifie aussi. Elle repose de plus en plus sur des corridors maritimes, sur des arbitrages de prix entre continents et sur la capacité à anticiper les chocs. Dans ce contexte, la maîtrise de l'information, l'agilité contractuelle et la gouvernance achat-finance deviennent des leviers structurants.
Rappelons que les acheteurs publics doivent composer avec des contraintes supplémentaires : délais réglementaires, procédures formalisées, plans de décarbonation et budgets strictement encadrés. Dans ce cadre, plusieurs leviers s'avèrent déterminants. "La rédaction des clauses de révision des prix, la valorisation des offres flexibles et la capacité à intégrer des critères environnementaux pertinents (origine de l'énergie, part renouvelable, émissions associées) peuvent faire la différence", analyse Edouard Lotz, Head of Energy Market Research chez Omnegy.
Le dialogue avec les fournisseurs, la connaissance fine des dynamiques de marché et la capacité à planifier les achats bien en amont constituent des facteurs clés de réussite. Plusieurs acheteurs territoriaux ou hospitaliers travaillent aujourd'hui avec des prestataires spécialisés pour co-construire leur stratégie d'achat énergétique sur 3 à 5 ans.
La Check-list pour adapter sa stratégie d'achat énergie
Sécuriser l'électricité à moyen terme : avec un prix de marché calé sur le coût de production nucléaire, 2025 est une fenêtre stratégique pour contractualiser sur 2026 et 2027.
Couvrir partiellement les besoins en gaz : sur 2026, les prix sont en repli significatif. Il est recommandé de sécuriser une partie des volumes tout en gardant de la flexibilité pour 2027-2028.
Surveiller les stocks et anticiper les perturbations climatiques : le niveau de remplissage des stocks, couplé aux prévisions climatiques, influencera directement le marché dans les mois à venir.
Anticiper la concurrence asiatique sur le GNL : la Chine et l'Asie du Sud-Est pourraient absorber une part croissante des flux disponibles.
Intégrer l'expertise externe : analyses de scénarios, conseil en stratégie d'achat, aide à la rédaction des marchés publics, l'expertise énergétique devient un atout de pilotage.
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