Limiter les impacts de l'inflation grâce aux mécanismes juridiques
Tous les secteurs sont confrontés à une augmentation inédite de leurs coûts de production, couplée à des tensions d'approvisionnement sur certains matériaux indispensables à la fabrication des produits. Des mécanismes légaux et conventionnels existent pour faire face à cette situation et limiter ses coûts financiers.
Je m'abonneL'année 2022 est marquée par une crise inflationniste impactant la chaine de valeur des industriels.
Ces mécanismes de renégociation ou de résolution du contrat doivent être soigneusement préparés en amont, pour être mis efficacement en oeuvre. La maîtrise de ces mécanismes est aujourd'hui une clé indispensable à la défense des entreprises.
Les mécanismes permettant la renégociation automatique du contrat
Conscients de la difficulté pour les opérateurs d'obtenir une prise en compte dans l'exécution des contrats des hausses de prix des intrants, les pouvoirs publics ont initié une réforme législative (Egalim).
Ainsi pour les contrats comprenant des matières premières agricoles, une clause de révision automatique doit être insérée. Les parties définissent des indicateurs permettant de répercuter les variations des prix des matières premières dans les prix de vente, indépendamment de toute demande des parties.
Les parties doivent être très précises quant à la rédaction de cette clause. Si les indicateurs prévus sont inadaptés, elle ne pourra pas être efficacement mise en oeuvre. Cette clause est à distinguer d'une clause de renégociation qui n'ouvre qu'un droit à renégociation.
Les mécanismes ouvrant droit à renégociation
Dans l'exécution du contrat, les parties peuvent prévoir une possibilité de renégociation des prix en fixant par avance le cadre d'application.
La révision pour imprévision permet d'ouvrir la renégociation du contrat si un changement de circonstances, qui ne pouvait être anticipé, rend l'exécution du contrat excessivement onéreuse pour l'une des parties.
La renégociation n'est pas automatique, la partie qui subit l'imprévision doit en faire la demande et doit alors prouver que l'exécution du contrat est devenue excessivement onéreuse pour elle. En pratique, cette condition peut s'avérer difficile à démontrer. Ce mécanisme n'étant pas obligatoire, il est courant qu'une des parties souhaite l'écarter.
Dans les contrats d'une durée supérieure à trois mois portant sur la vente de produits agricoles et alimentaires dont le prix de production peut être significativement affecté par les fluctuations, une clause de renégociation du prix des produits indexée sur les intrants nécessaires à la production, notamment l'énergie, les matières premières, l'emballage et le transport doit être rédigée. Cette clause doit indiquer les indicateurs devant être pris en compte dans la renégociation, ainsi que les seuils de hausse ou de baisse de prix permettant d'actionner la clause.
Les parties choisissent les indicateurs qu'elles souhaitent utiliser et les conditions pour renégocier le contrat. Pour les industriels dans l'agroalimentaire, cette clause semble indispensable afin de se prémunir contre des fluctuations fortes de prix, notamment des matières premières. La qualité de rédaction de la clause sera déterminante sur son effet protecteur du compte d'exploitation de l'entreprise.
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Les mécanismes permettant de mettre fin à l'exécution du contrat
Enfin, il peut s'avérer nécessaire de faire cesser un contrat devenu inexécutable en cas de force majeure.
Il y a force majeure lorsqu'un évènement qui ne pouvait être anticipé à la signature du contrat et qui échappe au contrôle des cocontractants rend l'exécution du contrat impossible. Au-delà d'une simple renégociation du contrat, la force majeure permet de mettre fin à son exécution.
Cette clause peut être insérée dans les contrats par les parties, qui peuvent la rédiger à leur convenance. Le point le plus délicat sera celui du périmètre des événements contractuellement considérés comme étant de force majeure. Cette souplesse rédactionnelle doit permettre de distinguer les cas d'inconfort dans l'exécution du contrat (devenu plus couteux par exemple) des cas d'impossibilité d'exécution (à raison d'un coût devenu non supportable).
La négociation préalable et la traduction précise dans la rédaction de ces mécanismes contractuels, ouvrant droit à renégociation, est essentielle à leur bonne efficacité de mise en oeuvre. En cours d'exécution, il s'avère très difficile de renégocier des conditions commerciales portant sur le prix en dehors d'un cadre contractuel prévu.
L'importance de cette rédaction se vérifie pendant l'exécution du contrat car elle permet d'organiser le contrôle de la mise en oeuvre (atteinte de seuils ou de conditions) et l'activation dans le bon tempo puisqu'une des principales raisons d'être de ces clauses est de permettre de prendre rapidement des mesures correctrices par rapport à une situation d'exécution obérée.
On notera que l'activation de la clause choisie - ou s'imposant - requiert une réflexion de la part des parties. Par exemple, pour certains de ces mécanismes, l'obligation de justifier les hausses de prix, peut être délicate en termes de confidentialité des affaires, en particulier sur la politique de sourcing. De même l'activation d'une clause de force majeure peut révéler une vulnérabilité opérationnelle de l'entreprise.
L'anticipation de ce type de difficultés s'impose. Plusieurs solutions peuvent être proposées pour encadrer les risques identifiés. Par exemple, la possibilité de faire appel à un tiers de confiance, mécanisme permettant d'interfacer un tiers pour contrôler la matérialité factuelle des éléments avancés pour justifier d'une fluctuation des prix à la hausse comme à la baisse.
Les mécanismes contractuels doivent donc être réfléchis dès leur conception et dans leur mise en application pour produire l'effet de protection attendu.
Pour aller plus loin
Hugues Villey est avocat associé, co-responsable du département Concurrence/Distribution du cabinet BCTG Avocats. Il conseille spécifiquement ses clients dans la définition de leur politique commerciale, la rédaction et la négociation de leurs contrats commerciaux et autres formes complexes de coopération, leurs questions de concurrence et de réglementation.
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Charlotte Lecourt-Schmidt est juriste au sein du département Concurrence/Distribution du cabinet BCTG Avocats. Elle intervient principalement en droit de la concurrence, en conseil et dans le cadre de procédure contentieuse devant l'Autorité de la concurrence. Charlotte accompagne également les clients dans la mise en place et le respect de réseau de distribution.