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Achats sauvages : quels leviers face à une gestion qui se révèle épineuse ?

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Achats sauvages : quels leviers face à une gestion qui se révèle épineuse ?

Entre fardeau persistant et particularité nécessaire, les achats sauvages constituent un sujet de préoccupation permanent dans les entreprises. S'il semble inconcevable de les faire disparaître totalement, le digital fait figure d'étape cruciale sur la route de l'optimisation dans ce domaine.

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La réduction des coûts et sa contribution au résultat net est l'un des premiers objectifs des achats en 2023, comme le souligne le baromètre annuel CNA / AgileBuyer sur la priorité des achats. Une réduction souhaitée qui s'apparente surtout à une volonté de maîtrise des dépenses qui rognent les marges des entreprises, en particulier dans un contexte inflationniste. Un objectif qui place les achats sauvages en première ligne.

Ces derniers concernent classiquement des achats indirects ou hors production, caractérisés par des volumes importants, tels que des consommables informatiques ou des frais généraux. « Pour beaucoup d'entreprises, cette typologie d'achats n'est toujours pas maîtrisée et est parfois carrément invisible. Il n'est pas rare de constater que 50 % des achats indirects se font de manière sauvage », remarque Laurent Guillot, directeur général de l'éditeur de solutions digitales achats Oxalys. « 80 % d'actes d'achats représentent 20 % de la dépense. C'est sur cette famille d'achats principalement qu'on trouve des achats sauvages », rappelle Denis Di Vito, directeur général du spécialiste du conseil en achats Inverto. « Cette portion, qui peut paraître faible, recèle un potentiel de progrès considérable. »

Certes, des solutions existent d'ores et déjà dans certaines organisations. Les catalogues et plateformes d'achats en ligne, incluant des services automatisés de rapprochement, permettent de normaliser ces achats. « Ces outils viennent canaliser ces pratiques, mais ils viennent aussi se superposer les uns aux autres », poursuit-il. « Les achats sauvages sont globalement en baisse », relativise Quentin Bures, responsable Optimisation et Digitalisation des Achats clients chez Manutan. « Mais entre une grande organisation multisites et une structure plus réduite, c'est très hétérogène. »

Des risques multiples persistants

La démocratisation des audits internes, les nécessités d'amélioration sur un plan éthique, écoresponsable tendent à normaliser les pratiques. Mais les achats sauvages continuent à peser lourd dans les organisations. « Ils complexifient, alourdissent, et posent parfois des problèmes contractuels avec les fournisseurs avec des coopérations hors procédure qui représentent des coups de couteau dans les contrats-cadres. Si un fournisseur censé avoir l'exclusivité pour certains achats se rend compte que celle-ci n'est pas respectée, qu'en est-il de la crédibilité des acheteurs ? La responsabilité juridique peut être engagée », explique Alain Geay, directeur des achats au sein du groupe Butard, spécialiste de la restauration et de l'événementiel. « Dans une activité comme la nôtre, il en va aussi de la sécurité alimentaire, car il s'agit aussi de pouvoir à tout moment maîtriser la provenance des produits », ajoute-t-il.

« La maîtrise de l'origine des produits, de l'identité des fournisseurs est plus que jamais une préoccupation centrale aujourd'hui », reconnaît Quentin Bures. « À cela s'ajoute le risque sécuritaire, par exemple dans le cas d'achats de protection individuelle, avec les conséquences qu'on peut imagine en cas de non-conformité. Ou encore le risque financer, relatif aux situations de fraude. »

Des achats aux profils particuliers

Qui dit achats sauvages ne dit pas forcément pratiques isolées qui échappent au management en place. Au-delà des achats ponctuels de classe C, ils concernent également les besoins non couverts par la direction achats liés à des compléments de gamme ou d'offres qui peuvent revêtir un caractère stratégique important pour l'entreprise. « Nous approvisionnons en produits alimentaires de nombreuses stations-service sur le territoire français. En plus des produits standards gérés de façon centralisés, chacune d'entre elles dispose d'un droit de s'approvisionner en une centaine de produits locaux de façon autonome. Ceux-ci échappent ainsi à la gestion centrale. Mis bout à bout, avec des dizaines et des dizaines de stations de service, on aboutit à une volumétrie très importante de produits aux coûts difficiles à maîtriser, avec des marges difficiles à maîtriser, et une traçabilité RSE qui potentiellement pose également question. Cette offre locale est importante à maintenir car il existe une demande forte de produits de ce type, difficiles à massifier ou à centraliser car les coûts de traitement seraient trop élevés », illustre Alain Geay.

En ce sens, les achats dits sauvages permettent parfois un gain de réactivité, et nourrissent l'offre globale. « Dans chaque entreprise, l'enjeu est de décider de la latitude qu'on laisse pour les achats sauvages. Cela dépend de chaque activité », ajoute-t-il.

Le levier digital

L'apport des nouvelles technologies pour mieux prendre à bras-le-corps le sujet des achats sauvages semble ne faire aucun doute. « Les directions achats ayant digitalisé leurs processus bénéficient d'une approche bien plus simple et optimale », estime Quentin Bures. « Trouver le bon fournisseur, demander un devis, le faire valider, générer la facture associée se fait dès lors automatiquement, avec des conséquences très positives : entre un flux manuel complet non digitalisé et un flux totalement digitalisé, le coût global passe de 95 euros à 19 euros par achat. »

La formation et la sensibilisation en interne aux meilleures pratiques se sont répandues au cours des dernières années. Mais elles restent complexes. La capacité à faire appliquer les bons réflexes reste un problème. « Sans le volet digital, c'est presque mission impossible », assure Laurent Guillot. « Les organisations viennent nous voir justement pour mettre en place des contrôles. L'objectif d'un SI achat est d'inclure les fournisseurs dans les bonnes pratiques des procédures achats. Il est par exemple intéressant de mettre en place une absence de paiement d'un fournisseur s'il n'existe pas de numéro de bon de commande provenant de l'outil. Le respect de ces règles porte ses fruits, même si ce n'est pas sans débat. Certains estiment qu'il est contraignant d'entrer dans ces processus pour tous les achats. Faire des commandes à abonnement permettant de regrouper un certain nombre de factures récurrentes peut alors être une solution. »

En l'absence de SI achats, l'intelligence artificielle générative peut avoir une utilité pertinente. En explorant d'innombrables données non structurées existantes dans l'entreprise, dans les ERP, dans la gestion des factures, des contrats, ces nouveaux outils permettent d'y voir plus clair dans les pratiques existantes. Analyser l'ensemble de ces données a pour effet de connaître tous les achats passés, leur prix, les variations de ces derniers au fil du temps... Autant de données qui constituent une aide à la décision en termes de négociation future avec les fournisseurs.

Pour Denis Di Vito, une nouvelle génération de solutions, basées sur l'IA générative, n'est pas à négliger sur ce plan : « celles-ci sont de plus en plus tournées vers l'expérience utilisateur, avec une interface unique pour qualifier le besoin et orienter facilement l'acheteur. La start-up française Pivot fait partie de ces acteurs innovants. Cet outil vérifie la fiabilité du fournisseur, sa viabilité et de nombreux autres critères. Il compare également les tarifs et prend en compte des paramètres visant à mieux s'adapter à l'entreprise utilisatrice et à ses priorités.


« Ne pas être vu comme une source de contraintes »

Anthony Coutkas est responsable achats chez Mantion, une entreprise spécialiste des systèmes coulissants pour l'industrie. Il décrit le virage entrepris par son organisation pour réduire au maximum les achats sauvages.

Que représentent les achats sauvages dans votre organisation ?

Dans notre activité, bon nombre d'achats concernent des bobines acier, des profils aluminium, des roulements à billes, des pièces plastiques, de fonderie ou encore des emballages. Ceux-ci sont maîtrisés. Les achats sauvages couvrent plutôt des nécessités ponctuelles : des équipements de protection individuelle, du matériel informatique, du sel de déneigement, des fournitures de bureau. Ils ne sont pas négligeables, et nous avons d'ores et déjà entrepris des initiatives pour les minimiser.

Par quels moyens ?

La formation des collaborateurs est importante à nos yeux. Nous organisons par exemple des réunions portant sur les procédures achats. Communiquer sur les procédures mises en place permet de faire évoluer les comportements. Les achats ne doivent pas être perçus comme une source de contraintes. Il faut expliquer pourquoi les démarches adoptées sont légitimes.

Nous avons un cadre de fonctionnement énonce la responsabilité de chacun, la manière de procéder, qui a le droit de passer commande dans chaque service, qui doit valider la commande...

Le digital est-il important dans cette évolution ?

Oui. Dernièrement, nous avons lancé un projet visant à supprimer les bons de commande manuels. Par le passé, les collaborateurs passaient soit par l'ERP, soit par des carnets de commandes papier. C'est bien sûr contraignant. Le but est de supprimer ce volet manuel, avec lequel on ne dispose d'aucune donnée statistique. Les informations de commandes, d'approbation et de facturation sont désormais automatisées. Nous avons fait un grand bond en avant. Il nous reste encore à faire évoluer d'autres commandes d'investissement qui ne passent toujours pas par l'ERP, comme les achats relatifs au bâtiment, à la réparation de machines par exemple.


 
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