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[Avis d'expert] Le transport de marchandises en temps de crise : un secteur indispensable mais fragile

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[Avis d'expert] Le transport de marchandises en temps de crise : un secteur indispensable mais fragile
© jdarius - Fotolia

Si le risque de pénurie de la main d'oeuvre est une question à ne pas ignorer pour l'approvisionnement en produits nécessaires, la plupart des entreprises de transport rencontrent une toute autre problématique : la raréfaction de la demande.

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Dans le contexte exceptionnel lié à la pandémie de COVID-19, les activités essentielles au pays sont forcément sous le feu des projecteurs. La santé, bien évidemment, est au coeur des préoccupations et ses acteurs effectuent un travail exceptionnel dans des circonstances très difficiles. D'autres secteurs sont également très sollicités pour assurer des services indispensables aux populations. Le transport de marchandises, ses femmes et ses hommes, en fait partie et attire légitimement beaucoup d'attention et de reconnaissance. La situation du secteur est paradoxale. Si sa continuité est indispensable à l'approvisionnement des populations, la crise pourrait gravement l'affecter.

Maintenir l'approvisionnement des populations dans les meilleures conditions possibles

Certains transporteurs, assurant l'approvisionnement en produits clés (alimentaires, médicaux...) doivent maintenir leur activité, parfois intense du fait des ruées sur certains produits dans la grande distribution, en dépit de nombreuses difficultés. D'une part, il y a beaucoup d'incertitudes liées aux ressources humaines. Il faut avant toute chose assurer la sécurité des salariés, qu'ils soient conducteurs, manutentionnaires ou opérationnels. Les équipements de protection étant en l'état une denrée rare, c'est une mission délicate. Par ailleurs, les mesures de distanciation peuvent s'avérer compliquées à appliquer, surtout dans les entrepôts où il peut être difficile d'échapper à une certaine promiscuité. Par ailleurs, les mesures de confinement et la fermeture des frontières gênent bien naturellement la circulation des marchandises.

Enfin, la fermeture des commerces non-essentiels a eu une conséquence fâcheuse : l'indisponibilité des infrastructures dédiées aux chauffeurs le long des routes (restaurants, douches, sanitaires...). Toutes ces conditions réunies posent nécessairement la question du droit de retrait de salariés qui, au vu de leur importance, méritent d'exercer leur métier en tout sécurité et de bénéficier d'un confort minimal. Si la disponibilité en ressources humaines devait être entamée par un exercice important de ce droit de retrait et une multiplication des contaminations, l'approvisionnement du pays en produits essentiels pourrait en être affecté. Le gouvernement agit pour la réouverture des douches et restaurants routiers, tandis que e-commerçants et logisticiens restreignent de plus en plus leur activité aux produits prioritaires, ce qui permettra, espérons-le, de répondre aux inquiétudes légitimes des salariés.

Des inquiétudes pour la santé du secteur

Si le risque de pénurie de la main d'oeuvre est une question à ne pas ignorer pour l'approvisionnement en produits nécessaires, la plupart des entreprises de transport rencontrent une toute autre problématique : la raréfaction de la demande. La fermeture de nombreux sites de production, dans le pays et ailleurs en Europe, contribue à tarir davantage le flux de marchandises, déjà bien mis à mal par la suspension pendant plusieurs semaines des approvisionnements en provenance de Chine. Mais, surtout, la fermeture des commerces non-essentiels va nécessairement entraîner une chute des volumes transportés, qui pourrait durer plusieurs semaines voire davantage. Le e-commerce sera-t-il en mesure de prendre le relai ? Peut-être, mais c'est loin d'être une certitude : d'une part, il n'est pas sûr que le moral des ménages soit à la consommation. D'autre part, la possibilité même de commander des produits non-indispensables en ligne pourrait bien disparaître avec les mesures prises non seulement par le gouvernement, mais aussi par les e-commerçants et expressistes.

Les entreprises de transport sont majoritairement fragiles. Si les très grands transporteurs ont les reins assez solides pour encaisser une chute momentanée de l'activité, il ne faut pas oublier que la sous-traitance est une pratique courante. L'immense majorité des entreprises de transport, en bout de chaîne, possèdent moins de 10 véhicules et s'appuient sur des ressources financières limitées et une marge très réduite. Un ralentissement prolongé de l'activité pourrait être fatal à beaucoup d'entre elles. Dans ce contexte, le soutien de l'Etat sera nécessaire. On le rappelle, le transport de marchandises est indispensable, en temps de crise comme en cas de reprise : sans capacités de transport pour acheminer les marchandises, cette dernière pourrait bien être plus difficile que prévue.

Lire aussi l'article "Les mesures adoptée par les transporteurs français" - Résultats d'une étude menée par bp2r qui a interrogé 86 transporteurs français afin de mieux cerner l'impact de la pandémie sur leur activité ainsi que les mesures prises en réponse.

Par Xavier Villetard, directeur associé de bp2r
 
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