Pour économiser, les communes achètent groupées
Groupements de commandes ou centrales d'achats, mutualiser ses achats au-delà de son cercle intercommunal est une voie intéressante à explorer pour optimiser ses budgets.
Je m'abonneLe contexte budgétaire contraint pousse les collectivités à innover et, de plus en plus, à se regrouper. En matière d'achats publics, si les groupements de commandes créés à l'échelle intercommunale sont de plus en plus fréquents, ils ne répondent pas toujours aux besoins, parfois particuliers, des collectivités. C'est la raison pour laquelle certaines décident de mutualiser leurs achats avec d'autres collectivités non liées dans un EPCI (Établissement public de coopération intercommunale). Une solution bien adaptée aux besoins spécifiques qui nécessite certains prérequis.
Un schéma de mutualisation des services obligatoire depuis mars 2015
Les groupements de commandes concernent traditionnellement les achats classiques, "sur étagères", comme les fournitures de bureau ou les prestations de services communes. Des achats récurrents qui nécessitent de la proximité et une bonne réactivité, et se réalisent donc entre communes liées dans un EPCI. L'article L.5211-39-1 du Code général des collectivités territoriales oblige désormais les collectivités à mettre en place (depuis fin mars 2015) un schéma de mutualisation des services dont l'objectif est de réduire les coûts en augmentant les volumes. Si les groupements de commandes ne sont plus une procédure nouvelle, "ils ne sont pas forcément formalisés via une convention de groupement car les montants ne l'imposent pas. Mais de part ces schémas de mutualisation, cela devrait monter en puissance", explique Alain Bénard, le vice-président de l'Association des acheteurs publics (AAP).
En plus de permettre l'obtention de meilleurs tarifs auprès du ou des fournisseurs, cette procédure - aujourd'hui considérablement simplifiée - favorise un partage des frais de consultation entre les membres du groupement et des gains de temps lors de la gestion des dossiers grâce à la mutualisation des ressources et des compétences. Alain Bénard conseille également aux acheteurs de se mettre régulièrement à jour, car les formulaires administratifs ont beaucoup évolué.
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Jusqu'à 30% d'économies
Rennes Métropole a ainsi mutualisé ses achats avec la ville de Rennes via la mise en place d'un groupement de commandes permanent sur les achats courants (familles d'achats révisées tous les ans). Un groupement a, par exemple, été constitué pour la gestion de la fourrière animale afin de créer un volume de prestations suffisant qui puisse faire émerger une concurrence. "On pourra faire le constat d'une réussite si l'on observe, lors de la prochaine mise en concurrence, l'émergence d'un ou plusieurs prestataires sur ce marché-là", explique Dominique Chevalereau, responsable animation politique d'achat au sein de la direction de la commande publique mutualisée. Un nouveau groupement a également vu le jour il y a peu. Constitué de toutes les communes de la métropole pour l'achat de prestations topographiques pour les réseaux enterrés (devenu une obligation réglementaire), l'objectif vise à conclure des marchés à bons de commande multi-attributaires.
Par ailleurs, grâce aux économies d'échelle réalisables, ces communes peuvent aussi passer par des centrales d'achat comme l'Ugap qui propose, à l'échelle nationale, ce type de prestations (fournitures et services) ainsi que des véhicules, du gaz naturel, des offres de formation ou encore du voyage d'affaires. À la clé: jusqu'à 30 % d'économies, un large choix de prestataires, un allégement de procédures de passation de marché, une facturation simplifiée ainsi que des échanges le plus souvent 100% dématérialisés. Les centrales d'achats ont d'ailleurs le vent en poupe et les initiatives se multiplient.
Se regrouper entre communes non liées pour les achats spécifiques et coûteux
Les groupements d'achats entre communes non liées s'effectuent principalement pour répondre à des besoins spécifiques qui ne peuvent être satisfaits ni par des groupements réalisés à l'échelle intercommunale, ni par des centrales d'achats. Il s'agit surtout de marchés très techniques et spécifiques aux volumes financiers importants, avec, souvent, un fournisseur bien identifié notamment lors d'achats dans le domaine des transports. En septembre 2009, les agglomérations de Brest et Dijon avaient ainsi choisi conjointement Alstom pour l'achat groupé de rames de tramways. Via ce groupement de commandes, les deux villes avaient pu réaliser entre 12 et 20 millions d'euros d'économies. Autre exemple avec Nantes et Angers qui se sont regroupées en 2013 pour acheter ensemble et tester cinq bus articulés hybrides diesel/électrique. Le secteur de l'habitat n'échappe pas non plus à cette logique. Rennes Métropole s'est ainsi rapproché de l'agglomération de Grenoble. Mais la pérennité de tels regroupements - au service souvent de projets emblématiques et politiques - est régulièrement remise en cause lors d'élections municipales.
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Des difficultés à surmonter
Si les gains financiers escomptés sont importants, la mise en place de tels groupements entre communes géographiquement éloignées nécessite quelques prérequis. "Cela nécessite au préalable une analyse du besoin en commun et nous conseillons fortement la présence d'un référent de chaque côté", explique Alain Bénard de l'AAP, ajoutant qu'"il faut un pilote bien identifié. Sa mission: aller voir chaque collectivité pour identifier avec elle son besoin. C'est assez simple à mettre en place". Une analyse du besoin capitale qui, bâclée, peut s'avérer contre-productive et plus coûteuse, in fine, pour une commune. Explication de l'AAP: "En raison d'une mauvaise analyse du besoin, nous avons observé que certaines collectivités ne réitéraient pas l'opération. Elles se sont aperçu qu'elles n'avaient pas besoin de ce type de procédures au regard des montants qu'elles dépensaient sur ces mêmes prestations. Elles pensaient qu'un groupement de commandes leur permettrait d'avoir de meilleurs prix, ce qu'elles ont eu mais le montant de leurs volumes de commandes n'était pas à la hauteur du montant du marché estimé, elles auraient pu donc se passer d'une procédure formalisée."
Sur un plan opérationnel, les aspects logistiques ne sont pas non plus à négliger. "Cela fait partie de l'analyse du besoin car, en fonction de la typologie des achats, il est important de bien identifier les dessertes de livraison des structures et de préciser s'il y a des facilités d'accès (ascenseurs...), des étages...", recommande Alain Bénard.
À la fin du groupement, l'acheteur doit également penser à faire un état des lieux: le groupement a-t-il fonctionné? Les prix étaient-ils intéressants? La convention exécutive du groupement a-t-elle bien été suivie et respectée? Quels sont les points à améliorer? " Nous disons aux acheteurs de ne pas oublier de boucler leurs procédures par un reporting sans oublier d'auditionner les clients pour savoir si les prestations ont bien été exécutées. Cela commence à venir dans les collectivités moyennes de plus de 10000 habitants car cela fait partie souvent de leur charte qualité", témoigne Alain Bénard.
Wilfrid Clément, responsable du service marchés publics à Rennes Métropole et à la ville de Rennes
"Lorsque nous arrivons au stade de la commission d'appel d'offres, la présence physique est obligatoire"
"Rennes Métropole a mutualisé les achats courants avec la ville de Rennes. Pour les achats techniques, nous avons réalisé quelques groupements de commandes avec d'autres collectivités. Nous avons ainsi acheté en 2013 avec Tisséo, syndicat mixte de transport en commun (SMTC) de la ville de Toulouse, des systèmes de récupération d'énergie au freinage pour nos deux métros VAL. Outre l'intérêt financier, nous avons amélioré la prestation: grâce à un marché négocié, chacun a aidé l'autre à mieux identifier ses besoins. Par ailleurs, nous avons acquis avec les agglomérations de Grenoble et Dunkerque, un logiciel de gestion d'aides à la pierre. Dans le cadre des aides à l'habitat, un prestataire a été désigné par les services de l'État. Nous avons donc fait ce groupement de commandes dans le but d'acheter ce logiciel pour ensuite l'adapter à nos propres besoins. Si ce type de groupement se justifie pour l'achat de commandes très techniques et spécifiques, cela demeure très complexe à mettre en oeuvre et à gérer dès lors que l'on arrive à trois membres car cela nécessite des déplacements. Si nous pouvons travailler par mail ou visioconférence, lorsque nous arrivons au stade de la commission d'appel d'offres, la présence physique est obligatoire. Le prochain défi sera la transition du groupement de commandes vers un système de centrale d'achats."
Des centrales d'achats en réponse aux baisses des dotations de l'État
Centrale d'achat du transport public (CATP)
Créée en 2011 par des élus locaux et des techniciens de collectivités territoriales, la CATP référence une quarantaine de bus et cars de 15 marques différentes. La centrale étoffe désormais son catalogue : systèmes d'information voyageurs, poteaux d'arrêt, etc. Elle propose également des moyens de financement innovants tel que le crédit-bail. Rens.: www.achat-transport.eu
Cap'Oise
Centrale d'achats publics de l'Oise, cette association a été initiée en 2009 par le conseil général de l'Oise. Elle mutualise les achats de matériels, fournitures et travaux, services ou prestations intellectuelles. Rens.: www.cap-oise.fr
Centrale d'achats publics Aquitaine
Cette centrale propose une large palette de produits et services : fournitures, produits d'entretien, équipements, uniformes, téléphonie mobile, impression scan et fax ou encore crèches. Rens.: www.capaqui.org
Centr'Achats
Association créée en juillet 2014 à l'initiative de la région Centre, qui compte 160 adhérents en 2015, soit deux fois plus qu'en 2014. Elle propose de gérer tous les achats de fournitures et de services régionaux : énergie, matériel informatique, contrats de maintenance des ascenseurs, extincteurs... L'objectif : susciter des mises en concurrence en augmentant la visibilité de l'achat public, d'une part, et mutualiser les ressources, d'autre part. " Nous menons de nombreux groupes de travail pour envisager l'achat groupé de véhicules, la mise en place de politiques voyages, l'achat d'équipements technologiques et pédagogiques pour les lycées, la formation professionnelle, les contrôles réglementaires ou encore la maintenance ", explique Marc Sauvage, directeur achat de la région Centre et président de la CDAF. Sur l'offre de gaz naturel, la centrale a généré 4 millions d'euros d'économies. Rens.: www.centrachats.fr
Epsilon
Association créée en février 2014 qui regroupe cinq régions pour les seuls achats liés aux projets informatiques, comprenant les logiciels, la maintenance et le développement.
Approlys
Groupement d'intérêt public créé par trois départements, l'Eure-et-Loir, le Loir-et-Cher et le Loiret. 23 familles d'achats. La centrale promeut, à l'instar de son homologue de la région Centre, des achats responsables, locaux et durables. Rens.: www.approlys.fr