Fin de l'Arenh : quelles conséquences pour l'achat d'électricité ?
La disparition du tarif régulé pousse les entreprises à réinventer leur stratégie d'approvisionnement énergétique. Sa suppression redessine profondément les règles du jeu pour les acheteurs d'énergie.

Jusqu'à présent, l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique) permettait aux entreprises de bénéficier d'un prix avantageux pour une partie de leur électricité : 42 euros le MWh, un tarif figé depuis sa création en 2011. En agissant comme un bouclier contre les soubresauts du marché, ce mécanisme public offrait une relative prévisibilité budgétaire.
« Désormais, les entreprises vont se retrouver au même niveau que les acteurs expérimentés du marché de gros », analyse Benoît Vilcot, cofondateur de Capitole Energie, filiale du groupe EPSA. Privées de cette assise tarifaire, elles doivent apprendre à naviguer dans un univers volatil, où les prix sont fixés en temps réel et fluctuent en fonction de multiples paramètres géopolitiques, climatiques et industriels. Une complexité qui impose d'adopter des stratégies d'achat plus dynamiques et diversifiées.
Vers une gestion plus agile des contrats énergétiques
La fin de l'Arenh coïncide avec une période de relative accalmie des prix sur le marché, bien que les projections à l'horizon 2028-2030 annoncent une remontée progressive. « On assiste à une courbe inédite où les prix futurs pour 2028 et au-delà repartent à la hausse, notamment sous l'effet attendu des besoins des data centers et de l'IA », souligne Benoît Vilcot. Pour faire face, les entreprises peuvent jouer sur plusieurs leviers : prix fixes, prix indexés, contrats "click & fix", ou encore achats en tranches. Cette modularité permet une gestion plus fine du risque et une meilleure adaptation au profil de consommation et à la politique de couverture financière de chaque organisation.
Des fournisseurs alternatifs plus souples et innovants
En parallèle, les fournisseurs d'énergie, privés d'une partie de leur accès au tarif Arenh, ajustent leur offre. « On voit apparaître des solutions plus flexibles, combinant des briques fixes et variables, voire du prix spot. Cette ouverture correspond aux standards anglo-saxons déjà en vigueur en Belgique ou au Royaume-Uni », précise l'expert. Ce repositionnement pousse les entreprises à renforcer leurs capacités d'analyse et de pilotage. L'enjeu ? Évaluer en continu si le prix de leur contrat est compétitif, en s'appuyant sur des outils de price reporting et de benchmark sectoriel.
Efficacité énergétique : le levier complémentaire
Sans filet tarifaire, la maîtrise de la demande énergétique devient un levier de compétitivité. « L'absence de mécanisme de substitution pousse les entreprises à s'impliquer davantage dans des démarches de sobriété », observe Benoît Vilcot. D'autant plus que les actions sur la consommation permettent d'ouvrir l'accès à des subventions, notamment via les certificats d'économie d'énergie (CEE). Tout commence par un audit : consommation, profils tarifaires, puissances souscrites, historique budgétaire. À partir de là, des plans d'action sont élaborés, alliant "quick wins" - comme la récupération de taxes ou l'optimisation de contrats - et projets structurants, incluant le remplacement d'équipements ou l'installation de capteurs pour un pilotage plus granulaire.
Une implication croissante des directions générales et de la RSE
« L'énergie n'est plus seulement une affaire d'acheteurs ou de techniciens, elle mobilise désormais la direction, la RSE, la finance », constate Benoît Vilcot. Cette approche pluridisciplinaire reflète l'évolution des attentes : performance économique, impact environnemental, et gestion durable des actifs. Face à cette nouvelle donne, la première étape consiste à cartographier l'existant : nombre de sites, maturité énergétique, appétence au risque. « Il s'agit presque d'une procédure KYC appliquée à l'énergie, pour s'assurer que les solutions proposées soient en ligne avec la gouvernance de l'entreprise », conclut-il.
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