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Billet d'humeur: La démondialisation, ça a du bon ?

L'aviez vous vu venir ? Cette fameuse fin de la mondialisation avec en toile de fond une recomposition stratégique de l'ordre mondial aux conséquences majeures pour les entreprises, les États... et les acheteurs est en cours...

Publié par Geoffroy Framery le - mis à jour à
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Billet d'humeur: La démondialisation, ça a du bon ?
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Une nouvelle logique de blocs voit le jour. La fragmentation des échanges, déjà amorcée après la crise financière de 2008, s'est accélérée sous l'effet d'un triptyque désormais bien connu : pandémie, guerre en Ukraine, tensions sino-américaines. Aux promesses d'un monde interconnecté et "glocal", succède une ère de relocalisations, de sécurisation des approvisionnements et de souveraineté stratégique.

Les chaînes de valeur, longtemps optimisées dans une logique de coûts, n'est-ce pas un peu ironique de se plaindre des Shein et consorts ? - se réorganisent selon des critères de résilience. L' "atelier du monde" chinois fait place à un réseau plus éclaté, parfois régionalisé. Le Japon, pionnier en la matière, subventionne le retour de ses industriels sur son sol ou vers des pays tiers choisis. Les États-Unis ont dégainé l'Inflation Reduction Act, avec à la clé 369 milliards de dollars pour rapatrier certaines productions. En Europe, la réindustrialisation devient un mantra politique, même si les moyens tardent à suivre l'ambition.

Cette démondialisation ne signe pas un repli autarcique, mais une reconfiguration stratégique. Elle révèle aussi la montée de nouvelles logiques de puissance, où le commerce n'est plus un facteur de paix, mais un instrument de rapport de force. Les États-Unis imposent leurs normes technologiques, restreignent l'exportation de semi-conducteurs vers la Chine et contraignent leurs alliés à choisir leur camp. Non sans contradiction, car l'actuel gouvernement souhaite du capex chinois pour investir sur son sol. En parallèle, Pékin réplique par des restrictions sur les terres rares et développe sa doctrine de « double circulation » pour réduire sa dépendance extérieure. L'Europe, prise en étau, cherche encore sa doctrine. Aïe, aïe, aïe... Replaignons-nous des plateformes chinoises.

Pour les entreprises, notamment les directions achats, cette nouvelle donne impose une remise à plat des modèles. Il ne s'agit plus seulement de sourcer au meilleur prix, mais de cartographier les risques, bâtir des filières alternatives, contractualiser des engagements de long terme. Dans certains secteurs comme les batteries, l'agroalimentaire ou l'électronique, cette transformation passe par des partenariats publics privés, l'activation de dispositifs incitatifs, voire une logique de planification. Ce travail de longue haleine n'est pas sans embûches comme l'illustre le rétropédalage d'Eramet sur son projet de Gigafactory à Dunkerque (Hauts-de-France).

Car cette reterritorialisation a un coût : celui de la hausse des prix et des investissements de relocalisation. Elle est aussi un pari sur la durée : créer de la souveraineté industrielle sans tomber dans le protectionnisme défensif. Le défi est de taille, car il faut réconcilier efficacité économique, impératifs écologiques et cohésion géopolitique. Comme l'écrivait Pascal Lamy, ancien directeur de l'OMC : « Ce n'est pas la mondialisation qui meurt, c'est sa forme naïve. » À l'heure où les guerres commerciales deviennent structurelles, c'est une mondialisation régulée, stratège et sélective qui s'impose. Plus âpre, sans doute. Mais aussi plus lucide.

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