Billet d'humeur - Le grand flou du make or buy en 2025
Billet d'humeur. Il fut un temps où la réponse au dilemme « make or buy » coulait de source et n'en était pas un. Acheter, bien sûr. Loin, si possible. Moins cher, surtout. L'externalisation massive, érigée en dogme, a longtemps dicté sa loi aux directions achats. Mais les directions achats doivent aujourd'hui revoir leur copie. Certes. Mais comment ?

Il fut un temps où les achats avaient 20 ans. Il fut un temps où la réponse au dilemme du « make or buy » coulait de source. Acheter, bien sûr. Loin, si possible. Moins cher, surtout. L'externalisation massive, érigée en dogme, a longtemps dicté sa loi aux directions achats. Produire en interne ? Trop cher, trop lent, trop rigide ? Pour tirer le trait, on sourçait en Chine, on assemblait au Maghreb, on pilotait depuis Paris - le tout avec une solide foi dans les vertus du lean et de la « globalisation heureuse », si tant est qu'elle l'eût déjà été...
Et puis vint la fin de la naïveté. Plus précisément, un énième mouvement de repli économique. Comparable à celui de la fin du 19e mais plus violent compte tenu d'écosystèmes devenus tentaculaires et de modes d'échanges devenus instantanées.
Tensions sino-américaines, taxation croissante, décarbonation imposée... En quelques années, le « buy global » a perdu de sa superbe. Lointain n'est plus synonyme d'efficace. Pas plus qu'externalisé ne rime encore avec maîtriser. Les entreprises ont dû revoir leur copie, et vite. D'autant plus quand les chaînes d'approvisionnement sont fragilisées, et certaines relocalisations contraintes. Le « make » fait son retour. Il devient une stratégie.
Mais attention : relocaliser n'est pas recentrer. Et géosourcer n'est pas renoncer à la mondialisation. C'est juste l'art de composer, avec lucidité, entre souveraineté et dépendance assumée. Le nouveau dogme des directions achats pourrait se résumer ainsi : acheter mieux, plus près, quand c'est possible ; produire soi-même, quand c'est vital.
Cette tactique prend désormais la forme de matrices complexes, où la distance géographique pèse autant que la stabilité politique, et où la criticité d'un composant vaut plus que son coût unitaire. On ne source plus en Inde ou au Vietnam parce que c'est moins cher, mais parce que c'est moins risqué que Shanghai. L'ingénieur est rappelé à la table pour évaluer si ce composant en rupture ne pourrait pas, finalement, être fabriqué maison ou différemment. Et le directeur industriel découvre soudain qu'une usine locale, ça peut aussi servir à absorber des chocs.
Ce nouveau make or buy, version post-globale, ne sera ni simple, ni linéaire. Il va falloir arbitrer, requalifier, tester, abandonner parfois. Mais il est porteur d'une vertu rare dans les sphères achats : la réversibilité. Celle qui permet de ne plus être captif d'un fournisseur à l'autre bout du monde, d'un cargo bloqué à Panama, ou d'un décret signé à Washington.
Alors certes, il est vain de penser que les entreprises referont tout par elles-mêmes. Les relocalisations sont à l'arrêt d'ailleurs. Mais l'hallali de l'externalisation à prix bas mais au coût carbone élevé semble résonner.
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