" Nous demandons à nos fournisseurs de porter notre croissance "
> Quelle politique de gestion des risques avez-vous adoptée ? Et comment abordez-vous, par exemple, le risque de dépendance ?
Nous avons une approche très structurée et avons développé un modèle très formel, le Risk Screening Tool, qui scanne tous les types de risques liés à une activité (risques marchés, fournisseurs et produits). Nous avons cartographié ces risques et nos équipes doivent mettre en place des plans d'action pour les limiter. Nous bâtissons des matrices, des plans de progrès et de suivi des actions menées. La gestion des risques demande de travailler en étroite collaboration avec nos fournisseurs. C'est sans doute un des grands défis des achats de demain.
En ce qui concerne le risque de dépendance, nous évitons, si cela est possible, d'avoir des parts de marché trop importantes concentrées sur un même fournisseur. Nous essayons surtout de faire grandir nos fournisseurs en leur permettant de développer du business avec d'autres groupes. Et si le risque de dépendance est trop important, nous mettons en place des plans d'action.
> Parlons digitalisation. Où en êtes-vous ?
Nous avons la chance d'avoir chez Michelin un ERP standard qui couvre tous les pays. Cet ERP alimente des logiciels spécifiques aux achats ; nous travaillons avec Ivalua dont nous utilisons certaines briques comme suivi fournisseurs, savings, contract management, spent... Notre approche est, là aussi, mondiale, avec un système similaire dans tous les pays.
Nous avons encore de nombreux besoins à couvrir ; nous sommes en train de déployer des portails fournisseurs et des catalogues en ligne. Nos équipes travaillent actuellement sur ces sujets. Ainsi, nous venons de lancer en Europe, pour commencer, un système de réception des factures par PDF qui nous a permis d'abaisser les temps de réception et d'améliorer les délais de paiement. Nous visons 92 % des factures payées à temps car, ne rêvons pas, 100 % est impossible. Il y aura toujours des impondérables.
> Comment abordez-vous la question de la data ? L'utilisez-vous, par exemple, pour connaître la structure des coûts des produits que vous achetez ?
Pour les produits importants, en particulier les matières premières, nous avons une approche qui nous permet, pour chaque produit, de connaître le détail de son coût de fabrication. Connaître la structure des coûts permet de mieux négocier. En particulier, comme nous avons nous-mêmes des usines de produits semi-finis, nous avons une assez bonne idée de la structure du coût de certains produits. Les acheteurs doivent travailler à la fois sur les analyses marchés et les analyses de coût. Mais un bon acheteur doit aussi avoir un bon relationnel, être dans l'empathie, avoir l'intelligence des situations pour comprendre les intérêts de chacun, les déchiffrer, et répondre aux besoins. Le respect des fournisseurs est très important pour moi.
> Quel est votre prochain challenge ?
Certainement le contrôle de notre supply chain, et en particulier le respect par nos fournisseurs de nos valeurs RSE. Sur un autre plan, la direction générale de Michelin nous demande, depuis quelques années, d'aller plus loin sur d'autres sujets comme le challenge des spécifications elles-mêmes si nous jugeons qu'elles conduisent à des surcoûts.
Bio Luc Minguet Group Chief Procurement Officer chez Michelin
Nommé Chief Procurement Officer du groupe Michelin en septembre 2011, il pilote l'ensemble des achats du groupe dans le monde. Il a occupé plusieurs postes de cadre supérieur au sein de Michelin et d'autres entreprises internationales. Depuis septembre 2007, il était président de l'activité génie civil. Précédemment, il était directeur général de l'activité poids lourds de Michelin en Amérique du Nord.
Auparavant, il a travaillé pour le groupe Royal Dutch Shell dans divers pays dont la France, le Royaume-Uni, l'Espagne, les Pays-Bas, les États-Unis, l'Afrique de l'Ouest... Il y a occupé des fonctions de direction générale, des rôles financiers et a été responsable des fusions-acquisitions.
Après ces expériences et avant de rejoindre Michelin, il était membre du comité exécutif du groupe Valeo en charge du marché mondial de l'après-vente et de la distribution.
Diplômé d'une grande école d'ingénieurs, il possède un master en économie, un DESS en droit international et un certificat de corporate finance de la London Business School.
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