Miser sur des "success stories"
Pour les puristes, le marketing achats se définit comme le fait de réaliser des actions de marketing à destination des fournisseurs et promouvoir l'entreprise. Mais le marketing achats, c'est aussi promouvoir la fonction achats en interne. " Seulement on n'utilise pas le terme de marketing achats en interne, on parle davantage de communication interne, souligne Isabelle Carradine, en charge de l'activité de conseil en Achats au sein de PwC France et Afrique francophone, qui poursuit : Au final, tout cela dépend beaucoup de la maturité achats et du secteur de l'entreprise. Ainsi, dans les entreprises à forte maturité achats, l'effort de marketing interne est moins fort car de fait les prescripteurs travaillent en bonne coordination avec les achats. En revanche, dans les organisations moins matures en achats comme les services financiers ou le secteur de l'énergie, il y a encore des efforts à faire de promotion achats vis-à-vis des clients internes." C'est pourquoi des entreprises comme le Crédit Agricole, la Société Générale ou Michelin disposent à l'intérieur de leur direction achats d'une cellule communication dédiée à la promotion des achats en interne auprès des collaborateurs des autres services, et parfois en externe vis-à-vis des fournisseurs.
En interne, il s'agit de parler de "success stories" pour donner envie aux prescripteurs de s'adresser aux achats. " Il s'agit de communiquer sur la valeur ajoutée apportée par les achats aux prescripteurs ". Côté opérationnel pur : " Il faut veiller à ce que le niveau d'information et le pilotage soit bien dimensionnés. Mais il faut avoir aussi des sujets hiérarchisés pour une communication régulière ", explique Henri Kieffer, directeur associé au sein du cabinet Harpagon, spécialisé dans l'accompagnement opérationnel des annonceurs dans l'optimisation de leurs dépenses marketing, édition et diffusion .
"Embarquer les opérationnels" : l'exemple de Colas
Communiquer et échanger pour mieux faire adhérer au projet et embarquer les parties prenantes. C'est le pari réussi par Colas, spécialiste de la construction de route, où la direction achats est " moteur et au coeur de la transformation du groupe ", souligne le CPO, Daniel Righetti. Une évidence quand on sait que " la dépense externe chez Colas représente 60 % du chiffre d'affaires ". Dans les faits, Colas est un groupe mondial décentralisé où chaque société juridique, agence, chantier était autonome et indépendant. Il en résultait peu de transversalité, et de synergies. Le chantier de la direction achats est immense.
" Au départ, personne sur le terrain ne voulait des achats. Avec une activité moyenne de seulement 50 000 euros, les chantiers n'en voyaient pas l'intérêt, mais seulement les contraintes ", souligne le CPO. C'est donc un travail de longue haleine qui attend Daniel Righetti. Au lieu de construire une feuille de route France globale pour ensuite la déployer dans les filiales, le CPO décide d'établir des feuilles de route par filiale et de leur laisser la main sur la détermination des besoins afin " d'embarquer l'ensemble des présidents ". Pari réussi. Désormais un acheteur gère 50 millions d'euros d'activité, soit une quinzaine d'acheteurs par filiale, là où ils étaient entre 1 et 3 début 2014. Les stratégies d'achats définies sont alors très locales, avec feuilles de route déclinées par agence. Les négociations et les choix de fournisseurs sont gérés localement pour embarquer et faire adhérer les opérationnels sur le terrain. En parallèle, pour asseoir au mieux sa légitimité en tant que contributeur à la performance du groupe, " la contribution au free cash flow est intégrée dans la création de valeur achats ", explique le CPO.
Mais certaines directions achats semblent perdre en chemin leur coeur de métier : à savoir acheter au meilleur coût et gérer leur relation fournisseurs. Ainsi, un directeur achats dans le secteur public de l'énergie travaille de manière intensive sur le marketing achats en interne auprès des directions opérationnelles, à savoir comment améliorer son reporting grâce à la data ? (taux de satisfaction des clients internes, nombre de contrats signés, etc.). " On s'éloigne du marketing fournisseurs ", s'interroge Isabelle Carradine, qui voit là une démarche symptomatique d'une direction achats qui cherche à prouver sa légitimité.
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