Les achats, vecteur de modernité dans l'entreprise - L'exemple du Groupe Logement Français
Arrivé depuis moins d'un an à la tête de la direction achats et méthodes du Groupe Logement Français, Yann Schenowitz s'est donné pour mission d'accompagner l'entreprise dans sa transformation et d'y insuffler un vent de modernité en faisant évoluer le rôle et la vision des achats en interne.
Je m'abonne> Le Groupe Logement Français regroupe plusieurs entreprises sociales pour l'habitat, comment se positionne la direction achats dans l'organisation?
En effet, les bailleurs sociaux regroupent à la fois les organismes publics que sont les OPHLM et les entreprises sociales pour l'habitat ou ESH, qui ont un actionnaire privé de référence, en l'occurrence ici Axa. Le Groupe Logement Français fait partie de cette deuxième catégorie. Et même si nous ne sommes pas un organisme public à proprement parler nous sommes soumis au code des marchés publics et avons une culture publique assez marquée. Le Groupe Logement Français est composé d'une holding qui gère les différentes filiales sur le territoire et d'un GIE qui regroupe les missions transverses de développement. Les achats font partie du GIE avec une action transversale au service de l'ensemble des filiales. La direction achats est rattachée à la fonction finance avec pour objectif premier l'accroissement de la performance économique.
> Quel est le plan de développement du groupe?
Le groupe est l'un des principaux acteurs du logement social en France avec 86 000 logements et 1 300 résidences à son actif historiquement implanté en Ile-de-France mais aussi en Rhône-Alpes en PACA et depuis deux ans une filiale a été ouverte à Bordeaux. Le groupe a fêté ses 60 ans l'année dernière et a donc une histoire assez longue, pour autant il est en pleine phase de transformation avec notamment le déploiement du projet Smart LF qui vise à simplifier, moderniser, anticiper et réussir notre transformation. Autrement dit rechercher l'excellence et la performance économique en vue d'améliorer les services aux locataires. Cela passera entre autres par la transformation de l'organisation vers un modèle plus centralisé pour optimiser notre fonctionnement et la fusion de nos deux filiales d'Ile-de-France Coopération & Familles et Logement francilien soit environ 60 000 logements. Ce regroupement va permettre de redéfinir le maillage sur ce territoire et de le développer de façon plus pertinente et plus performante.
> Comment s'inscrivent les achats dans ce plan de transformation entreprise?
Le seul moyen de se développer pour une ESH est de développer son patrimoine HLM. Il faut donc travailler deux axes principaux : déployer des partenariats avec les acteurs publics du logement (communes, intercommunalités...) pour trouver de nouvelles opportunités patrimoniales et disposer de fonds propres. La mission première des achats est donc la maîtrise économique des dépenses. Dans le cadre du projet Smart LF nous avons mis en place un plan d'économies ambitieux sur 5 ans afin de dégager des ressources et favoriser le développement patrimonial. La mutualisation de nos achats entre les différentes filiales en cours de mise en oeuvre en fait partie. Mais notre action ne s'arrête pas à un simple aspect procédural juridique, de contractualisation ou d'ouverture d'appel d'offre. L'objectif est de donner une vision stratégique des achats au sein des projets. Nous allons donc développer la notion d'amélioration continue en accompagnant les contrats tout au long de leur vie, en développant des partenariats fournisseurs et en développant la captation d'innovation. Pour cela nous sommes en phase de transformation de la direction achats pour réorganiser les équipes par familles d'achats et sur le terrain avec des ressources distribuées ce qui nous permettra d'avoir une vision élargie et un fonctionnement plus agile.
> Quels sont les axes sur lesquels vous comptez mettre l'accent?
L'innovation et l'approche TCO. Pour in fine améliorer la qualité des produits et des services aux locataires nous devons être acteur de l'innovation. Grâce à l'évolution du code des marchés publics qui favorise le sourcing et les partenariats fournisseurs nous allons pouvoir développer de nouveaux réflexes dans les échanges fournisseurs/acheteurs pour explorer toutes les pistes d'innovation qui peuvent venir de grands groupes comme de start-up. Les start-up s'expriment souvent par les territoires il nous faudra donc structurer la remontée d'informations. De même, la veille sur internet, une présence sur les salons du secteur et une veille sur les technologies et les techniques de construction utilisées à l'étranger sont autant de moyen de développer l'innovation. Il existe peu de fournisseurs spécialisés dans le logement social ce qui limite l'apport d'innovation. Il va donc falloir d'une part recruter de nouveaux fournisseurs et d'autres part pousser certains de nos fournisseurs historiques à développer leur portefeuille client. Cela leur permettra de développer le chiffre d'affaires et ce sera aussi bénéfique pour nous puisqu'en diversifiant leur expertise métier ils seront potentiellement apporteurs d'innovation.
La difficulté sera ensuite la mise en oeuvre de ces innovations. Dans les métiers de la construction nous avons besoin de tester des prototypes que nous suivrons et évaluerons dans le temps. Nous inscrivons nos investissements sur un futur long ce qui implique d'être dynamique au quotidien mais pas fougueux. D'où l'intérêt aussi d'une approche TCO. Les achats doivent être un acteur sur ce point, qui est déjà bien implanté dans l'industrie mais en est à ses débuts dans le secteur bâtiment. Le groupe Logement Français est à la fois promoteur et exploitant il est donc important d'avoir une logique TCO sur la phase construction mais aussi sur la phase exploitation. L'objectif est donc de développer la collaboration entre services notamment en travaillant en mode projet plus que par famille d'achats.
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> Quel sera selon vous le plus gros challenge?
A n'en pas douter la conduite du changement. Les changements structurels mais surtout le changement de la vision du rôle de l'acheteur au sein du groupe vont nécessiter un gros travail de communication et de pédagogie ainsi qu'une présence renforcée en interne afin de démontrer la valeur ajoutée de l'acheteur tant en amont qu'en aval d'un projet.
> Quelle est votre position en matière d'achats responsables?
C'est un axe de travail important. Nous souhaitons inscrire la direction achats et le groupe dans son ensemble dans une politique RSE. Pour cela nous travaillons avec l'association Delphis (pôle de R&D pour le logement social regroupant 21 entreprises sociales de l'habitat - ndlr) à la création d'un label achats responsables spécifique au secteur car de nombreuses composantes construction entrent en jeu. L'objectif est de développer des bonnes pratiques environnementales, notamment sur les typologies de construction à énergies passives puis positives, et sociales en travaillant sur des sujets d'insertion, de handicap, d'égalité homme/femme au travail. Cette feuille de route nous l'appliquerons d'abord chez nous mais en tant qu'important donneur d'ordres notre rôle est aussi d'inciter nos fournisseurs à suivre cette voie en distinguant bien sûr les grands groupes des petites structures en termes d'actions réalisables.
Données clés :
86 000 logements
1300 résidences
340 M€ de volume d'achats annuel
maillage territoire Ile-de-France, Rhône Alpes, PACA, Bordeaux
Bio express :
Ingénieur de formation diplômé de l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers (ENSAM), Yann Schenowitz a débuté sa carrière dans le privé d'abord chez Veolia puis au sein du groupe de grande distribution Kingfisher et enfin en tant que directeur achats groupe chez Loxam avant de basculer dans le secteur public en prenant la direction achats et méthodes du Groupe Logement Français en mars dernier.