Evaluer ses fournisseurs
Ce n'est pas un hasard si l'appel d'offres de la LFP a été remporté par un nouvel arrivant. Les acteurs historiques au premier rang desquels Canal+ et Bein Sport sont restés conservateurs en proposant des offres plus en lien avec la réalité du marché. Altice, qui avait pourtant créé la surprise en remportant les droits des compétitions européennes n'a même pas fait d'offres. Peut-être et même très probablement avait-il senti ce qui allait se dérouler. Inconnu en France, Mediapro ne l'était pas chez nos voisins européens, mais pas forcément pour de très bonnes raisons. En Italie par exemple, la ligue de football a retiré les droits qu'elle avait attribués au groupe espagnol faute de garantie suffisante sur leur solidité financière. Ironie de l'histoire, cette décision est intervenue... en mai 2018. Vous avez dit timing ?
Nous observons depuis plusieurs années une volonté croissante des entreprises ; souvent grandes, de s'assurer de la bonne santé et de la pérennité de leurs fournisseurs. Cette démarche qui est entrée dans les moeurs doit servir de contrepouvoir quand cela s'avère nécessaire. L'acheteur se doit de rester factuel et de s'extraire du caractère subjectif et des pressions extérieures. Un fournisseur en mauvaise santé financière doit bien sûr vous alerter immédiatement. Facile à dire lorsque l'on parle d'un dossier aussi médiatisé ou lorsque votre patron a décidé qu'il était le meilleur...
Mediapro peut-elle négocier à la baisse sa promesse, quelles solutions pour la LFP ?
Pour répondre à cette question, il est important de comprendre le contexte juridique dans lequel s'inscrit cet appel d'offre. Afin de gérer les compétitions professionnelles, La Fédération Française de Football (FFF) est agréée à exécuter par le biais du ministère des Sports une mission de service public. De plus, l'article L132-1 du Code du sport prévoit que la FFF peut créer une ligue professionnelle pour gérer les compétitions professionnelles de football.
Ainsi, la LFP est la détentrice exclusive de ces droits, la plaçant au coeur des négociations. Etant donné que la LFP est délégataire de l'exécution d'une mission de service public, cette dernière bénéficie d'un régime plus favorable dans l'exécution des contrats qu'elle signe avec les entreprises privées, mettant Mediapro dans une situation juridique complexe lui laissant peu de marge de manoeuvre. Par principe, un marché signé par deux parties ne peut être modifié ou suspendu sans nouvelle procédure de mise en concurrence. La seule solution possible serait d'invoquer les circonstances imprévues de façon à modifier "la nature du marché". Bien que la Covid-19 présente des circonstances imprévues, il serait difficile de convaincre le législateur du bien-fondé de la demande puisque la cause réelle n'est pas la pandémie mais plutôt le faible nombre d'abonnés et le business model.
Les achats au coeur de la stratégie
Il est vrai que cet appel d'offres regroupe de nombreuses actions "à ne pas faire". Toutefois, il serait réducteur de jeter la pierre à la seule fonction achat. Tout ce qui est préconisé dans cet article relève des basiques. Mais parfois le contexte, les objectifs des uns et des autres et l'importance des enjeux peuvent prendre le pas sur le bon sens du métier. L'occasion de constater une fois de plus que la fonction achat doit être un point central de la stratégie dans tous vos projets.
Les trois points à retenir lorsque l'on prépare son appel d'offres :
- Utiliser le calendrier pour saisir une opportunité ou réduire un risque
- Estimer votre marché le plus finement possible en collant à la réalité économique.
- Evaluer vos fournisseurs pour assurer la pérennité de votre business model.
Par Alexis Viart, consultant achat chez Enabling Procurement, et Derin Condon, juriste spécialiste du droit du sport.
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