"Le prix de revient international" du produit, clé d'une supply chain responsable
Qu'entend-on par supply chain responsable? Que recouvre le "prix de revient international" du produit? Réponses d'Anne Le Rolland, PDG d'Acte International, prestataire en global supply chain management.
Je m'abonnePeut-on parler de supply chain responsable?
Anne Le Rolland (photo ci-contre ©Emmanuelle Freget) : Oui, on peut parler de supply chain responsable si on ne se limite pas au seul maillon logistique de la supply chain. Les valeurs de RSE (Responsabilité Sociétale de l'Entreprise) doivent d'abord impérativement être formalisées dans la politique générale interne, qui se décline ensuite en critères de sélection des fournisseurs, fabricants, et sous-traitants de produits ou de service (transitaires, etc). Une supply chain responsable doit impérativement reposer sur des critères de sélection objectifs, exprimés de manière transparente, et en respect des règles de concurrence loyale. Si le donneur d'ordre a un code de conduite éthique et social, les offres de prix de ses différents fournisseurs potentiels doivent être comparés également au regard du niveau de respect de ses exigences. Un fabricant bangladais sera toujours moins cher qu'un marocain, un laboratoire de test turc sera plus économique que le français, un fret maritime d'une compagnie battant pavillon Libéria moins chère qu'une compagnie nationale européenne. L'allégation de supply chain responsable doit reposer sur des pratiques de passation de commandes cohérentes, en respect de règles d'équité.
Quels délais de production sont imposés au fournisseur ? Sa capacité à anticiper et gérer la production dans des temps de travail responsables en dépend. Quelle visibilité a-t-il sur la récurrence ou la pérennité des commandes qui lui sont passées ? Son investissement dans la compétence, les outils industriels et la sécurité de ses employés y sont liés. Quel est le niveau de prix en deçà le produit aura un coût social ou environnemental non conforme à la politique interne du donneur d'ordre ? La pratique des enchères inversées (commande passée au moins disant) hypothèque significativement les objectifs de supply chain responsable.
Vous parlez de "prix de revient international". Que recouvre-t-il?
A. Le Rolland : Les choix de sourcing d'une supply chain responsable doivent être directement justifiés par le " prix de revient international " (PRI) du produit. Ainsi, le seul prix de fabrication (matière + main d'oeuvre) n'est pas un critère suffisant pour choisir la zone de production. Tous les coûts induits par l'achat international doivent être ajoutés dans le PRI afin d'être comparé au prix de revient d'une fabrication locale ou régionale : coûts de transport, droits de douane, mobilisation de la trésorerie du donneur d'ordre, et aussi déplacements professionnels des acheteurs, responsables de produits, coût des contrôles qualité et de la non-qualité, charges de tests de laboratoire, ..
La cartographie logistique d'approvisionnement et de distribution fait partie inhérente d'une supply chain responsable. Il s'agit de réduire l'empreinte carbone, raccourcir le routing de circulation des produits entre le lieu de production et de distribution finale. Vendre aux USA des produits fabriqués en Chine qui transitent par un entrepôt européen, ou fabriquer un sous-ensemble en Europe, l'assembler au Mexique et livrer aux USA ? Des choix qui outre l'avantage environnemental peuvent contribuer à réduire significativement la facture douanière et fiscale des produits et permettre de laisser un peu plus de marge chez le fabricant.
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Le mode de transport semble le plus simple à traiter pour une supply chain responsable. Est-ce vrai?
A. Le Rolland : Oui. Le mode de transport est finalement le maillon le plus simple à traiter d'une supply chain responsable. Il s'agit de limiter le fret aérien, consolider les produits en fret maritime a maxima, et quand c'est possible utiliser des solutions de transport alternatives (routier électrique, ferroviaire, barge). Cela passe aussi par sélectionner des compagnies maritimes et aériennes engagées sur l'environnement, mettant à disposition des calculateurs d'empreinte carbone, ayant signé les conventions internationales, ou tout simplement investissant dans des flottes d'avion et de navires plus ecofriendly.
Les appels d'offre des donneurs d'ordre, particulièrement dans les secteurs du luxe et des biens de consommation intègrent de plus en plus souvent les critères RSE, allant parfois jusqu'à en faire un pré requis avant l'étape d'offre tarifaire. Il faut dire que les consommateurs sont de plus en plus curieux et sensibles aux engagements et à la réputation des marques à qui elles font confiance. Ce n'est pas un hasard si la prévention de la corruption internationale s'est ajoutée dans les politiques RSE des PME et multinationales. Les supply chain sont dans le collimateur des autorités judiciaires européennes, américaines, et anglaises.
*Depuis dix ans, ACTE International accompagne le secteur du luxe, de la mode & habillement premiers investis dans le sujet de la supply chain responsable, suivi de près par les filières industrielles (automobile, aéronautique...) et de service (transitaires, prestataires de service en transport international...).