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[Étude CNA - AgileBuyer] De nouvelles priorités pour les directions achats en 2024 ?

Publié par Magdalena Saczawa le | Mis à jour le
[Étude CNA - AgileBuyer] De nouvelles priorités pour les directions achats en 2024 ?

Le 16 janvier, AgileBuyer et le CNA dévoilent leur étude sur les tendances et les priorités des départements achats en 2024. L'étude pointe les sujets de la performance achats par la réduction des coûts, de la décarbonation, de la dépendance à la Chine, du recul du Made in France, des ententes illicites entre fournisseurs, des situations de monopoles comme étant les défis à relever de cette année.

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Plusieurs tendances sont sources d'inquiétudes dans ce baromètre 2024 au premier rang desquels l'emprise des cartels vécue par les directions achats. En effet, 56 % des directions achats pensent avoir déjà fait face à des situations d'ententes illicites entre leurs fournisseurs d'une même famille d'achats. Un chiffre en hausse comparé aux années précédentes. Pour rappel, l'entente illicite est définie comme l'association de plusieurs entreprises à travers une décision, un accord ou tout autre pratique concertée qui a pour objet ou pour effet de fausser le libre jeu de la concurrence sur un marché. Ces ententes illicites ont en général lieu entre plusieurs entreprises concurrentes qui opèrent sur le même marché (pratique interdite par l'article 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.) Les secteurs les plus touchés par les situations d'ententes illicites sont l'immobilier et le BTP avec 81 % des directeurs achats pensant avoir affaire à des cartels. Le domaine de l'énergie et de l'environnement occupent la 2e place de ce podium préoccupant. À la troisième place l'on retrouve l'aéronautique et la défense, et l'automobile avec 70 % des répondants pensant avoir fait face à des cartels fournisseurs.

"56 % des directions achats pensent avoir déjà fait face à des situations d'ententes illicites entre leurs fournisseurs d'une même famille d'achats"

Les cartels fournisseurs : du nucléaire aux compotes

Pour illustrer cette tendance, en septembre 2023, six entreprises Nuvia Process (filiale du groupe Vinci), ENDEL (ancienne filiale d'ENGIE), Bouygues Construction Expertises, SNEF et SPIE Nucléaire.) ont été sanctionnées par l'Autorité de la Concurrence pour entente illicite dans le domaine du nucléaire. Celles-ci sont accusées d'avoir mis en oeuvre des pratiques de type cartel lors d'appels d'offres passés par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives pour le site de Marcoule dans le Gard. Ces entreprises ont été condamnées à verser une amende de 31 239 000 euros chacune. Seul le groupe Onet a été exempté "par clémence" après avoir témoigné dans le dossier. Le nucléaire n'est pas le seul milieu touché, dans l'agro-industrie les filières de la compote et de la charcuterie sont particulièrement touchés. Le motif ? La hausse des prix avec une entente de plusieurs acteurs de ces filières. Ainsi, le 18 décembre 2019 l'Autorité de la concurrence a infligé une amende de 58,3 millions d'euros à six entreprises productrices de compotes (dont Andros et Lactalis). Idem, le 16 juillet 2020, douze industriels dans le domaine de la charcuterie qui ont été condamnés à une amende de 93 millions d'euros après d'être entendu sur le prix du jambon et de la charcuterie entre 2010 et 2013.

"67 % des directions achats ont fait face à des situations de monopole en 2023"

Certains fournisseurs champions du "Monopoly"

En dehors des cartels, les directions achats font également face à des situations de monopole de fournisseurs. En effet, 67 % des directions achats ont fait face à des situations de monopole en 2023. Cette situation oblige les directions à s'interroger sur les leviers que celles-ci possèdent comme l'explique Alexandre Billard, directeur achats de Lumibird, interrogé dans le cadre de l'étude : "Dans un contexte où certains fournisseurs profitent de leur situation de monopole pour imposer des hausses de prix qui ne se justifient plus aujourd'hui, la négociation comme seul levier d'achat devient inopérante." Ce sont les secteurs de l'agroalimentaire, de l'hôtellerie, de la restauration et des loisirs qui sont les plus touchés avec 85 % des directions achats qui ont fait face à des situations de monopole. On retrouve ensuite le tourisme et les transports avec 81 % et enfin la santé, pharmacie et la cosmétique avec 79 %.

"51 % des entreprises concernées ont la volonté de diminuer leur dépendance à la Chine"

La dépendance à la Chine divise encore la fonction achats

La dépendance chinoise reste un sujet en 2024. Le contexte géopolitique actuel provoque de nombreux risques de rupture de la chaîne d'approvisionnement. Nombreuses sont les entreprises à avoir subi des pénuries d'approvisionnement dans un contexte où la question d'achats souverains est de plus en plus prégnante. Dans cette optique, 51 % des entreprises concernées ont la volonté de diminuer leur dépendance à la Chine. Cette volonté ne signifie cependant pas une sortie totale de la Chine comme l'indique Alexandre Billard : "La sortie de la dépendance à la Chine est difficile car elle est dans certains secteurs synonyme de perte de compétitivité."

Le secteur de l'informatique et des télécoms se place en tête de file dans l'objectif de réduire leur dépendance à la Chine à 88 %. Suivi par les services, conseils et formation à 73 % et la communication et les médias à 67 %. En effet, ce sont les entreprises qui utilisent les microprocesseurs qui sont le plus concernés. Dans le domaine de la pharmacie, la santé et la cosmétique, 56 % des entreprises souhaitent s'éloigner du continent asiatique. Entre autres, il faut souligner que 80 % des principes actifs des antibiotiques sont produits en Asie, et en grande partie en Chine.

"La performance achats est ainsi synonyme de cost killing pour 59 % des directions achats"

Le retour de la réduction des coûts : objectif numéro un dans de nombreuses industries

Pour 77 % des directions achats interrogées, la réduction des coûts redevient "LA" priorité en 2024. Cela s'explique par le contexte inflationniste qui devrait se maintenir dans le temps dans de nombreux domaines dont l'industrie comme l'exprime Jean Bouverot, responsable du service achats du Ministère de l'Intérieur : "Pour l'État, les économies d'achat, même si elles ne constituent pas le seul critère, représentent un indicateur important de mesure de la performance de l'achat." Les domaines de l'informatique et des télécoms font de la réduction des coûts leur premier objectif premier pour 88 % des directions achats. On retrouve ensuite la mécanique, le métal, les équipements, l'ameublement, le textile et l'automobile avec 87 % des directions achats déclarant la réduction des coûts comme objectif numéro un. L'industrie lourde est en troisième position.

"47 % des directions achats considèrent le Made in France, ou les achats locaux comme un critère d'attribution de business."

La performance achats est ainsi synonyme de cost killing pour 59 % des directions achats. Cet objectif se place devant la gestion de la relation fournisseur et les risques contractuels. Afin d'atteindre cet objectif, 59 % des directions achats qui auront recours à la négociation. Outre la négociation, s'ensuivent des leviers plus élaborés comme l'ajustement des spécifications, la revue des besoins, le demand management, la prise en considération du TCO et la rationalisation du panel. Dis autrement, les leviers traditionnels restent en tête. L'innovation ne représente que 11 % et la relocalisation 8 %, ceux-ci ne sont donc pas perçus comme des leviers stratégiques de réduction des coûts.

L'intérêt pour le Made in France en baisse dans les entreprises

L'intérêt pour le Made in France avait explosé suite aux ruptures de chaînes d'approvisionnement lié à la pandémie du Covid-19 et aux différentes crises géopolitiques. Les achats n'en sont pas exempts au regard de la nouvelle législation. En effet, pendant les années 2022 et 2023, le Made in France connaît une baisse importante dans la considération d'attribution de business. 47 % des directions achats considèrent le Made in France, ou les achats locaux comme un critère d'attribution de business. En 2023 ce chiffre était de 65 %. Il est de 61 % en 2024. Cependant, avec la normalisation et la résilience de nombreuses supply chain, l'intérêt pour le Made in France à diminuer et n'est plus perçu comme une solution contre les ruptures d'approvisionnement.

"59 % des directions achats ne mesurent pas l'empreinte carbone de leurs fournisseurs"

Activer la vitesse supérieure pour les achats responsables

Les objectifs liés au développement durable ou à la RSE représentent un objectif pour 74 % des directions achats interrogées en 2024. Cette tendance peut s'expliquer en partie par les réglementations en cours avec la directive CSRD comme l'explique Yasser Balawi, directeur achats de Sodiaal, interrogé dans le cadre de l'étude : "La transition climatique est un défi majeur pour les entreprises et leurs directions achats, certaines peuvent disparaître si elles ne s'adaptent pas. Je considère que c'est une formidable opportunité de transformation et de renaissance pour tous les acheteurs qui s'engagent."

Séréna Salamé, directrice achats chez Legrand, interrogé dans le cadre de l'étude décalre : "L'autre priorité saillante qui se dégage de l'étude concerne l'importance marquée et croissante de la RSE et en particulier de la décarbonation. C'est un enjeu clé des directions achats du fait du poids du scope 3." D'après l'étude, les achats représentent 70 % du bilan carbone du scope 3 de l'entreprise, ceux-ci sont également les plus grands émetteurs de CO2 à travers leurs fournisseurs. Cela explique donc que pour 85 % des directions achats, la réduction de l'empreinte carbone demeure la priorité de la stratégie RSE de l'entreprise. Le recours à l'économie circulaire le respect des droits humains demeurent certes des enjeux mais secondaires.

Autre fait d'importance, 59 % des directions achats ne mesurent pas l'empreinte carbone de leurs fournisseurs, pourtant étape incontournable dans une démarche de décarbonation. L'ambition de la France est pourtant de réduire d'au moins 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Les chantiers restent vastes sur le sujet.

"Seules 25 % des directions achats interrogées utilisent l'IA au quotidien"

L'intelligence artificielle, un outil encore peu utilisé mais prometteur

La digitalisation et l'intelligence artificielle prennent de plus en plus de place dans tous les secteurs. Pourtant seules 25 % des directions achats interrogées utilisent l'IA au quotidien. Ce chiffre montre le potentiel de cet outil malgré son exploitation encore restreinte. La technologie, encore récente, est principalement utilisée dans un objectif de prévision comme l'indique Yasser Balawi, toujours dans le cadre de l'étude : "Dans un monde devenu très volatil (risques géopolitiques, attaques, cybersécurité, raréfaction des matières, concentration des industries, etc.), les directions achats doivent se doter des moyens et outils plus intelligents comme l'IA générative et les solutions technologiques adaptées." En effet, selon l'étude, les directions achats utilisent ChatGPT, ou un autre outil d'IA, dans deux cas d'usage à savoir le sourcing et l'intelligence économique.

"85 % des professionnels achats se déclarent être heureux dans leur métier en 2024"

Un métier épanouissant qui manque de visibilité et d'attractivité ?

44 % des directions achats vont connaître une pénurie de main-d'oeuvre contre 50 % en 2023. Une des problématiques des directions achats demeure leur attractivité comme l'explique Coline Pont, directrice achats d'Axa, interrogée dans le cadre de l'étude : "Nous devons absolument renforcer l'attractivité de nos métiers achats si nous souhaitons être mieux positionnés dans nos organisations." Malgré tout, 85 % des professionnels achats s'expriment être heureux dans leur métier en 2024. En outre, 87 % des professionnels interrogés travaillaient déjà dans les achats il y a cinq ans et 81 % se projettent toujours dans le métier à cinq ans.

Méthodologie : L'étude a été réalisée grâce entre le 20 novembre et le 11 décembre 2023 à travers un questionnaire en ligne adressé aux professionnels des achats, tous secteurs confondus. Ce sont 870 professionnels qui ont répondu.

 
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