Le big bang des achats verts
Les fournitures sont une famille d'achats sans risque pour développer ses achats verts, à condition de bénéficier d'un certain volume. L'offre produits n'est pas complète, mais elle s'étoffe au travers d'écocatalogues lancés depuis l'an dernier. À charge pour l'acheteur de se repérer entre les différents labels.
Je m'abonne
Thierry Gaerthner, Ecoburo
Pour certaines entreprises, le prix importe bien moins que la plus-value écologique.
Les fournitures de bureau sont l'une des familles privilégiées pour l'intégration des critères de développement durable. « Ces dépenses sont communes à toutes les entreprises. Il est donc possible d'identifier les bonnes pratiques. Déplus, la masse d'achats est suffisamment importante pour permettre un effet de volume vis-à-vis des fournisseurs », explique Guy Courtois, du cabinet de conseil en achats durables Factea Durable. Chez Euro-Nat, spécialiste de la fabrication et distribution de produits bio, le développement durable est une démarche appliquée au papier. « Nous utilisons du papier recyclé, recyclable ou biodégradable pour tous nos usages », explique Séverine Daujam, en charge des achats. Le papier de catégorie supérieure (grammage supérieur à 80 grammes, plus blanc) est réservé à la communication interne et externe, ainsi que pour les factures clients et fournisseurs. « Notre catalogue clients d'une centaine de pages est entièrement réalisé à partir de papier et de cartonnage recyclables », indique-t-elle. Le grammage inférieur (papier moins blanc) sert, en interne, pour l'impression.
Plusieurs écueils aux achats durables
Dans la pratique, la prise en compte de critères de développement durable rencontre plusieurs écueils. Dont le foisonnement de labels, que l'on constate, par exemple, pour l'achat de papier. Les labels développement durable y sont légion et recouvrent des réalités différentes. A contrario, pour les produits d'écriture et de correction (stylos, marqueurs, scotch...), il n'existe pas de labels universels. Chaque fabricant développe donc ses propres gammes de produits dites « durables », conçues à partir de matériaux recyclés, disponibles en modèle rechargeable, n'intégrant pas ou peu de PVC, nocif pour l'environnement, etc. Pour remédier à ce problème, l'AIPB (Association des industriels de la papeterie et du bureau) s'est dernièrement rapprochée de l'Ademe pour plancher sur le sujet. Mais rien n'a encore abouti. Pour compliquer le tout, la notion de label se mêle parfois au mode de production des produits ou à leurs propriétés (biodégradables, rechargeables, etc.).
Autre écueil supposé : le prix. Or les exigences vertes doivent être conciliables avec la maîtrise des coûts. « Les produits verts coûtent jusqu'à 20% plus cher, même si ce constat doit être nuancé », indique Guy Courtois. Pour afficher des prix équivalents, voire inférieurs, les fabricants réduisent le volume des matériaux utilisés pour la fabrication des produits, ou optimisent l'emballage. Acheter des produits limitant la consommation de ressources est une démarche de développement durable, selon Guy Courtois. C'est le cas des produits recyclés. « Les matériaux recyclés permettent d'économiser 50% d'énergie dans la fabrication du produit », affirme le consultant qui préconise également d'acheter des produits issus de forêts écogérées ou exempts de produits dangereux, comme le PVC ou le chlore.
Témoignage
« Les prix sont comparables ou légèrement supérieurs »
AIME GERMANEAU, acheteur, Maif
La Maif s'est engagée dans une démarche d'écoresponsabilité en sensibilisant ses collaborateurs sur la réduction des consommations (mise en place d'un intranet, de relais dédiés sur sites, etc.). Au niveau des achats, la politique intégrant des critères de développement durable a été entérinée en 2006 par le conseil d'administration : questionnaires et incitations en direction des fournisseurs, produits issus du commerce équitable respectant les contraintes de qualité, rapports durables avec les fournisseurs... Cette politique d'achats se concrétise notamment par l'identification d'un ou plusieurs produits phares dans chaque famille: appel à des entreprises de réinsertion pour les cocktails (événementiel), coursiers à vélos (gestion des flux), etc. Les fournitures de bureau offrent pour leur part une large palette d'actions. « Pour les produits d'écriture et le papier blanc recyclé, nous privilégions certains labels, explique Aimé Germaneau, acheteur. Par exemple, la boucle de Möbius qui précise le pourcentage de matières recyclées pour le papier, la norme ISO 14001, la norme ISO 9002, l'Ange Bleu (label allemand), l'Apur et la norme NF environnement pour le mobilier. » Les labels constituent donc un avantage compétitif pour les fournisseurs et une sécurité pour les acheteurs. « Pour notre catalogue de fournitures 2006 et 2007, nous avons effectué une sélection de stylos fabriqués à base de plastique ou de papier recyclé, expose Aimé Germaneau. Il s'agit d'un premier pas. Nous irons plus loin sur le catalogue 2008 en privilégiant les stylos rechargeables et en supprimant les jetables et autres fournitures ne respectant pas ces critères verts. Je regrette cependant qu'il n'existe pas, à ce jour, de cadre clair qui détermine un ou plusieurs labels rigoureux. » Il n'oppose pas maîtrise des coûts et développement durable. « Les prix sont comparables ou légèrement supérieurs, en tout cas acceptables pour les articles dont la chaîne de fabrication respecte le cadre écoresponsable. »
Maif
ACTIVITÉ : Assurance mutuelle
EFFECTIF : 6046 salariés
CHIFFRE D'AFFAIRES : 2,608 milliards d'euros
Susciter l'adhésion de tous
Pour éviter un dérapage des dépenses, l'acheteur dispose d'autres leviers. « La réduction du nombre de références de fournitures, le groupement de livraisons pour abaisser les coûts de transport sont des pistes exploitables », explique Guy Courtois. Il conseille également d'intégrer le développement durable aux critères de notation du fournisseur : quantité de références vertes proposées, mise en place de plans de progrès pour réduire la quantité d'emballage, etc. « Nous recevons de plus en plus de questionnaires des services achats sur cette question », témoigne Christine Desbois, directrice du développement durable, chez Bic. Ces documents traduisent un degré de maturité achats très contrasté. « Certains nous demandent une attestation générale sur notre société, prouvant notre éthique de développement durable. D'autres rentrent davantage dans le détail, et nous interrogent sur nos process internes : quelle politique de développement durable dans nos usines, quelles émissions de CO
La sollicitation et l'adhésion des utilisateurs sont deux autres points-clés pour l'efficience d'une politique d'achats verts. « Ils sont prêts à faire des efforts, mais pas à tout accepter », résume Guy Courtois. L'un des exemples typiques est celui des produits rechargeables. Contrairement aux porte-mines, les stylos rechargeables ont des difficultés à être adoptés. « Il faut éviter la surconsommation, reprend Guy Courtois. Cela exige de sensibiliser des clients internes qui ont l'habitude de jeter leur stylo vide, même s'il est rechargeable. » La durabilité des produits et leur valeur d'usage, inscrite comme critère d'achats, permet également de lutter contre la surconsommation. Pour Zeev Flath, directeur associé du cabinet 2CManagement, l'entreprise cliente doit également prendre en compte la chaîne d'utilisation globale du produit pour une bonne évaluation du coût total. « Pour le papier, il faut s'interroger sur la consommation générée par les imprimantes, les photocopieurs, etc. Pour que cette démarche de développement durable soit efficace, il faut également travailler sur le besoin de l'utilisateur. », conseille-t-il.
L'offre verte des fournituristes
De leur côté, les fournituristes attaquent de front le marché, en bâtissant des offres commerciales «vertes». Seule limite: certains segments, comme les outils d'écriture ou les produits de rangement sont pauvres en références. Depuis l'an dernier, Office Depot propose le «Livre vert du bureau», un catalogue de 1 000 produits écolo. «Sur nos 9000 références, nous avons regroupé, dans chaque famille de fourniture, celles qui intègrent des éléments de développement durable», expose Jacky Brondin, directeur commercial grands comptes. Cinq critères, non cumulables, ont été pris en compte dans la sélection: les produits verts certifiés, ceux issus de forêts gérées durablement, ceux limitant la production de déchets, ceux réduisant la consommation d'énergie (tels que les produits respectant le label Energy Star), et ceux dont la fabrication limite l'utilisation d'ingrédients chimiques (PVC, chlore...) « Pour faciliter le passage au vert, nous avons décrit les critères de sélection des produits, défini les termes écologiques, et décrypté le sens des pictogrammes qui identifient un réel point de vue écologique », poursuit le responsable. D'abord testé aux États-Unis, ce support a rapidement trouvé des débouchés commerciaux. Il a été lancé en France en octobre 2006. « Nous souhaitons pousser la démarche plus loin, avoue Jacky Brondin. Nous prônons la commande électronique et la facture dématérialisée. Le «zéro papier» est la suite logique d'une démarche de respect de l'environnement. »
Ecoburo, un vépéciste nantais, s'est positionné depuis 2006 comme le «spécialiste de la fourniture de bureau et d'équipement écologique pour les entreprises» grâce à son catalogue. Thierry Gaerthner, le directeur d'exploitation, identifie trois profils parmi sa clientèle. « Certaines entreprises s'attachent uniquement à la plus-value écologique réelle, le critère de prix ne vient qu'en seconde position; d'autres exigent des produits verts au prix des produits classiques; enfin, une dernière catégorie d'entreprises achète des produits verts uniquement dans un but de communication: en achetant du papier recyclé pour ses supports de communication externe. »
Chez JM Bruneau, le service achats est partie prenante de la démarche développement durable depuis 2004. Il a fait référencer ses produits avec l'aide de WWF, au travers d'un partenariat. « Nous avons passé au crible nos 15000 références. Nous proposons une alternative verte recommandée par WWF pour tous nos grands produits. » Cette année, les achats travaillent à la réduction des emballages, afin de réduire les coûts. Autre chantier : le transport. « Nous faisons désormais transiter des produits par barge plutôt que par la route pour réduire nos coûts et réduire l'impact environnemental. » Aujourd'hui, ces produits verts pèsent 18 % du chiffre d'affaires de JM Bruneau.
Guy Courtois, Factea Durable
« Les produits verts coûtent jusqu'à 20 % plus cher, même si ce constat doit être nuancé. »