Energies: les acheteurs dans l'expectative
Depuis maintenant plusieurs années, les marchés de l'énergie sont ouverts à la concurrence pour les entreprises. Mais beaucoup de questions subsistent quant à l'opportunité de faire jouer son éligibilité, c'est-à-dire la possibilité de choisir un autre fournisseur que Gaz de France et EDF, Enquête.
Je m'abonnePas de solidarité entre EDF et Aéroports de Paris (ADP)! En avril 2006, l'ancienne entreprise publique a annoncé la signature avec un fournisseur alternatif (Electrabel, ndlr) d'un contrat d'approvisionnement de 25 % en électricité verte pour ses plateformes de Paris-Orly et de Paris-Roissy-Charles de Gaulle. Six fournisseurs européens ont répondu à cet appel d'offres, qui s'inscrit dans le cadre de la politique de développement durable d'ADP Les deux aéroports parisiens consomment annuellement près de 400 000 MWh d'électricité, ce qui correspond aux besoins d'une ville comptant 150 000 habitants. Pour l'anecdote, les quatre pistes de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle et leurs voies de circulation sont éclairées par 20 000 feux de balisage. Le soutirage de 100 000 MWh d'électricité verte permet ainsi à ADP d'éviter l'émission de plus de 7 500 tonnes de CO
Lorsqu'une entreprise comme ADP décide de s'adresser à la concurrence pour ses achats d'énergies, on dit qu'elle fait jouer son éligibilité. Depuis le 1er juillet 2004, tous les consommateurs professionnels sont éligibles et peuvent choisir librement leur fournisseur d'électricité et de gaz naturel. A noter que des sites industriels, dont la consommation dépasse certains seuils, sont éligibles depuis 1999. Aujourd'hui, les entreprises peuvent choisir entre deux types d'offres. Premièrement, toutes celles qui ont des tarifs réglementés fixés par les pouvoirs publics et proposés par les fournisseurs historiques (EDF et Gaz de France). Deuxièmement, les offres de marché dont les prix sont déterminés librement par les fournisseurs alternatifs (Poweo, Direct Energie, Electrabel, Tegaz...). Selon l'Observatoire de la CRE (Commission de régulation de l'énergie), seuls 15,9 % des sites éligibles sur le marché de l'électricité ont exercé leur éligibilité au 1er janvier 2007. Idem sur le marché du gaz naturel où seuls 15,3 % des sites sont éligibles.
Marc Aldebert, CRE
«Pour les acheteurs spécialisés, l'exercice de l'éligibilité s'est révélé être une opportunité de réaliser des économies.»
L'apparition d'acheteurs spécialisés
Une étude commanditée par la CRE et publiée en décembre dernier est revenue sur l'ouverture des marchés de l'énergie. Si seulement 9 % des établissements déclaraient avoir changé de fournisseur d'électricité et 5 % de fournisseur de gaz naturel, les entreprises de plus de 100 salariés étaient plus nombreuses à avoir exercé leur éligibilité: 14 % sur le marché de l'électricité et 15 % sur celui du gaz. Une différer! ce qui n'étonne guère Marc Aldebert, directeur adjoint au sein de la direction des marchés et services publics de la CRE: «C'est normal, les sites des grandes entreprises sont éligibles depuis plus longtemps que les petits clients professionnels. Dans l'industrie, où l'énergie représente une part substantielle des coûts de production, les grands comptes se sont organisés, avec l'apparition d'acheteurs spécialisés en gaz et en électricité pour qui l'exercice de la concurrence s'est révélé être une opportunité de réaliser des économies.» En outre, les grands comptes sont une cible privilégiée des fournisseurs alternatifs. Davantage sollicitées (62 % contre 25 % pour l'ensemble des clients professionnels), les entreprises de plus de 100 salariés sont mieux informées sur le sujet.
Au regard des résultats de l'étude de la CRE, la libéralisation des marchés de l'énergie semble plutôt bien perçue par les clients professionnels, puisqu'ils sont 66 % à considérer qu'il s'agit d'une bonne chose. Donnée intéressante: les grandes entreprises ne sont que 59 % à le penser, ce qui laisse sous-entendre une plus grande méfiance vis-à-vis de l'exercice de l'éligibilité. La qualité de service et la gestion de l'énergie ne sont pas en cause. En revanche, la question du prix est sensible. Depuis l'ouverture des marchés, les tarifs de l'énergie ont augmenté de plus de 50 %. Le prix de l'électricité tourne aujourd'hui aux alentours de 50 euros le MWh, sachant que l'année 2006 a connu des pointes à plus de 80 euros le MWh. Le marché du gaz, où le prix moyen du MWh est aujourd'hui de 20 euros (il était de 13 euros en 2004), est toutefois moins volatil. Dans ce contexte, les entreprises ont plutôt intérêt à ne pas changer de fournisseur et à rester sur le marché régulé où les tarifs, contrôlés par l'Etat, sont souvent moins élevés.
Les fournisseurs d'énergies alternatifs les plus reconnus
Du 30 octobre au 20 novembre 2006, l'institut BVA a interrogé par téléphone (système CATI) 1 502 établissements publics et privés. Il leur a demandé de citer spontanément un fournisseur sur le marché français de l'électricité et du gaz.
Des tarifs à la hausse
Les chantres du libéralisme en ont donc pris pour leur grade. Mais pourquoi, sur un marché ouvert à la concurrence, les prix connaissent-ils des hausses? «La production d'électricité en Europe repose essentiellement sur le gaz et le charbon. Or les prix de ces deux combustibles augmentent», expliquait Jean-Michel Glachant, professeur en sciences économiques à l'université de Paris-Sud dans une lettre d'information éditée par la CRE en mars dernier. Autre raison invoquée: le manque de concurrence. «Alors que les hausses de prix se répercutent facilement les unes aux autres, quand les causes disparaissent, les prix redescendent plus difficilement. C'est la preuve évidente d'un manque de concurrence, même si, encore une fois, ce sont les prix des principales sources d'énergies primaires qui sont à la hausse», reprend Jean-Michel Glachant. Selon la CRE, il y a actuellement 19 fournisseurs alternatifs sur le marché de l'électricité et 15 sur le marché du gaz. EDF et Gaz de France sont les seuls à dépasser les 80 % de notoriété spontanée.