Réforme de la commande publique : un pétard mouillé?
Quel est le ressenti des acheteurs publics face à la réforme de la commande publique? Quelles sont leurs attentes? Réponses à l'occasion d'une conférence "Bougez les lignes de l'achat public!" de l'Ugap le 5 avril dernier.
Je m'abonneLa réforme de la commande publique : un pétard mouillé? "Non, répond Yves-René Guillou, maître de conférence à l'Université de Lille et avocat associé gérant chez Cabinet Earth Avocats, si ce n'est pas une révolution, on peut qualifier cela de réformettes. Cependant, il souligne l'intérêt de cette réforme qui apporte "une amélioration et une simplification des procédures complexes (partenariat, innovation...)". Et de rappeler : "Dans l'ensemble, il y a 3 éléments intangibles. Soit la transparence (avec le Dume), l'égalité de traitement des entreprises et enfin la concurrence saine entre les prestataires".
"S'il y a une révolution, elle se fera dans votre approche de l'achat public"
Et de juger : Dans l'ensemble c'est une bonne réforme car elle apporte de la psychologie à l'achat. S'il y a une révolution, elle sera périphérique des marchés publics et elle se fera dans votre approche de l'achat public", lance-t-il face à un auditoire composé presque essentiellement d'acheteurs publics dans le cadre d'une journée organisée par l'Ugap le 5 avril dernier.
Une des avancées de cette réforme de la commande publique est notamment de "simplifier le recours à la négociation". En d'autres termes, la négociation devient un outil utilisable de manière simple. "Or, il y a 5 ou 6 ans, ce genre de procédé était impossible pour des Marchés à procédure adaptée de moins de 90 000 euros", rappelle Yves-René Guillou.
Simplifier la négociation
Pour rappel, l'article 26 de la Directive 2014/24/UE instaure une nouvelle procédure de passation, baptisée " procédure concurrentielle avec négociation ", dont les cas d'ouverture sont liés à la spécificité du besoin du pouvoir adjudicateur. L'avènement de la procédure concurrentielle avec négociation est-il un outil pour la performance de l'achat public?
Le sujet des pénalités de retard en cas de non respect des conditions générales d'exécution fait débat. "Il faut développer le suivi d'exécution. Car les leviers de sanctions sont trop minimes pour faire bouger les sociétés qui ne respectent pas les conditions générales d'exécution, souligne Yves-René Guillou. Vous, [NDLR : acheteurs publics] n'appliquez pas ces sanctions de peur de froisser les entreprises. Et par conséquent ces dernières ne sont pas incitées à provisionner. Or, une faute de gestion rappelle-t-il peut-être soumise au droit pénal". Et de citer le cas d'une grande entreprise en charge des travaux d'un port maritime dont 1/4 des travaux sont aujourd'hui bloqués. Un dossier avec des pénalités estimées à près de 37 millions d'euros si on s'en tient aux conditions générales d'exécution.
Les pénalités : le malaise de l'acheteur
Justement, pour quelles raisons les acheteurs rechignent-ils à appliquer ces pénalités? Pour Michel Grévoul, directeur des achats de l'Etat, "les pénalités sont vécues comme un échec par l'entreprise et l'acheteur, car cela veut dire qu'ils n'ont pas anticipé le problème. Or, les prescripteurs sont les premiers à se plaindre d'un mauvais achat. Mais quand on leur demande des traces écrites de ces problèmes rencontrés, il n'y a plus personne. Or, d'une manière générale, les pénalités sont proportionnées au besoin donc elles ne sont pas délirantes. Il faut les appliquer!"
Enfin, pour Sébastien Taupiac, directeur délégué à l'innovation à l'Ugap, "il existe un décalage entre la sévérité des clauses d'exécution et la recherche du prix". Autrement dit, le malaise de l'acheteur s'explique par le fait que s'il met le prestataire sous pression pour les prix, il peut être difficile pour lui ensuite d'avoir à réclamer des pénalités.
Vers des remises pour les interlots
Autre sujet couvert par la réforme : il devient désormais possible de faire de la performance interlots. Et si selon Yves-René Guillou, le gouvernement va un peu plus loin, il devrait être possible de faire des remises sur ces lots. Le gouvernement a oscillé entre le oui et le non pour rajouter un vademecum sur la question et aux dernières nouvelles, celui-ci préparerait bien un vademecum sur le sujet avec des "conditions de comparabilité dans les offres fournisseurs". Autrement dit, si un des prestataires a le droit de faire des remises dans le cadre de l'allotissement, l'ensemble des prestataires répondant aux mêmes marchés devront faire de même. "Ce sont eux qui fixeront les règles du jeu", juge l'avocat de chez Cabinet Earth Avocats.
Laissons le mot de la fin à Sébastien Taupiac de l'Ugap : "Il ne faut rien attendre du droit. Osez, innovez! Le droit doit vous guider et non vous contraindre".
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Sondage effectué en direct lors de la conférence de l'Ugap auprès d'une centaine de participants sur les 500 inscrits.