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La fonction achats juge son action face à la crise économique

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Plutôt que d'anticiper une éventuelle sortie de crise, les directions achats analysent pour l'heure l'impact de la récession sur l'image de leur fonction. Dégradation de la relation fournisseur, pression sur les prix... autant d'éléments qui ont été débattus lors de la table ronde précédant les Trophées Décisions Achats.

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Et si la sortie de crise n'était qu'un leurre ? Cette interrogation a taraudé bon nombre de directeurs achats lors de la table ronde organisée le 9 mars dernier par le groupe Editialis (éditeur de Décision Achats), à l'occasion des Trophées Décision Achats. « Les acheteurs ne doivent pas espérer une véritable sortie de crise, car nous nous dirigeons vers des marchés volatils et indépendants les uns des autres. De plus, des périodes de croissance et de récession vont se succéder. Par exemple, le cours de certaines matières premières continuera de se dégrader, incitant les donneurs d'ordres à généraliser leur stratégie de délocalisation », estime Gordon Crichton, directeur du MAI de Bordeaux, le mastère spécialisé dans les achats internationaux de Bordeaux Ecole de Management.

Si les intervenants, à l'instar de Louis-Marie Gaudemet, directeur délégué des achats de GDF Suez, ont rappelé avec enthousiasme « l'envergure prise par les services achats durant cette période de crise », ils ont aussi déploré la recrudescence des pratiques «brutales» en matière de réduction des coûts. « J'ai le sentiment que la crise a fait revenir en arrière certaines directions achats qui ont favorisé le cost killing pur et dur », déplore Cyril Pourrat, directeur des achats indirects de France Télécom. Même constat pour Gordon Crichton (MAI de Bordeaux) : « Nombre de donneurs d'ordres ont taillé net dans les dépenses, notamment celles générées par les achats hors production, apparus avec la crise comme les familles les plus génératrices d'économies. » Par ailleurs, des entreprises, comme la Société Générale, ont connu pour la première fois une baisse de leurs volumes d'achats. « Durant la crise, nos commandes ont chuté de 8 %. Avec un volume d'achats de 5 milliards d'euros, autant dire que cette baisse s'est avérée non négligeable», constate André Sépaniak, directeur achats de la banque.

Gordon Crichton, MAI de Bordeaux

La profession a besoin de profils davantage ouverts sur les autres fonctions de l'entreprise, capables de convaincre et de se créer un vrai réseau. »

Vers une gestion durable de la relation fournisseur

Réduction des budgets, pression sur les prix... la crise a largement dégradé les relations entre clients et prestataires. Un contexte qui a engendré une réduction, parfois excessive, des panels fournisseurs, excluant notamment beaucoup de petites entreprises. «Mais dans un contexte économique tendu, nos préoccupations se sont également davantage focalisées sur les risques de défaillances de nos prestataires », rappelle André Sépaniak.

Si cette mauvaise conjoncture économique a donc porté préjudice à nombre de sous-traitants, elle a également pénalisé les directions achats en ternissant leur image. « Même les pouvoirs publics ont une perception négative des acheteurs. Ils les associent à des traders sans foi ni loi, prêts à tout pour réduire les coûts et augmenter leur bonus en fin d'année », regrette Jean-Pierre Rouffet, directeur achats du groupe Legrand. Et d'ajouter : « Nous devons donc absolument profiter de la crise pour restaurer notre image, et surtout évoluer vers une gestion plus durable de la relation clients-fournisseurs », précise le directeur achats, en faisant référence à la charte des bonnes pratiques entre grands donneurs d'ordres et PME signée en février dernier, au ministère de l'Economie. Un événement qui a été perçu par bon nombre de professionnels comme un vrai signe de reconnaissance, au plus haut sommet de l'Etat, de l'importance de la fonction achats.

André Sepaniak (Société Générale) adopte une position similaire : « La crise nous a fait prendre conscience de l'interdépendance qui existe entre donneurs d'ordres et sous-traitants, souligne-t-il. Il est donc primordial que les achats évoluent vers un modèle plus responsable en développant des partenariats sur le long terme avec les fournisseurs les plus stratégiques. » Une politique qui permettra aux services achats de valoriser leur action en interne.

Le 9 mars dernier, les intervenants ont déploré le retour en force du cost killing et rappelé l'importance des bonnes relations avec les fournisseurs.

Le 9 mars dernier, les intervenants ont déploré le retour en force du cost killing et rappelé l'importance des bonnes relations avec les fournisseurs.

Créer une relation de proximité avec ses fournisseurs

«Au-delà de la négociation pure, les achats doivent démontrer que leur valeur ajoutée repose avant tout sur leur capacité à capter l'innovation chez les partenaires-clés pour générer de la croissance auprès de leur entreprise», indique Gordon Crichton (MAI de Bordeaux). Mais pour viser cet objectif, quelques prérequis s'imposent. « Les acheteurs doivent devenir des professionnels encore plus pluridisciplinaires », explique André Sépaniak (Société Générale). Pour Gordon Crichton, il est nécessaire que les directions achats développent les «soft skills» de leurs collaborateurs. « La profession a besoin de profils davantage ouverts sur les autres fonctions de l'entreprise, capables de convaincre et de se créer un vrai réseau », estime-t-il. Même discours pour Jean-Pierre Rouffet (Legrand) : « Les acheteurs doivent apprendre à mieux communiquer sur leur action, à être plus visibles et plus transparents, aussi bien à l'égard des clients internes que des fournisseurs. » Des compétences nouvelles qui sont d'ailleurs bien plus stratégiques qu'elles n'y paraissent : « C'est en étant plus ouverts et réceptifs que les acheteurs pourront s'adjoindre la confiance de leurs clients internes et mieux définir en amont les besoins. En travaillant sur le terrain auprès des fournisseurs-clés et en créant une relation de proximité avec eux, l'acheteur sera davantage en mesure de capter l'innovation et de négocier sereinement avec eux », insiste Gordon Crichton (MAI de Bordeaux). Et si la crise devenait le fer de lance de cette mutation en profondeur de la fonction achats?

Jean-Pierre Rouffet, Legrand

Les acheteurs doivent mieux communiquer sur leur action, être plus visibles et plus transparents, à l'égard des clients internes et des fournisseurs. »

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Les intervenants
Gordon Crichton, directeur du MAI de Bordeaux
Louis-Marie Gaudemet, directeur délégué des achats du groupe GDF Suez
Cyril Pourrat, directeur des achats indirects du groupe France
Télécom Jean-Pierre Rouffet, directeur achats du groupe Legrand
André Sépaniak, directeur achats du groupe Société Générale

 
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Charles Cohen

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