Différences culturelles dans les achats : comment négocier avec la Chine
Entrée en matière, attitudes corporelles, sans parler des phases négociation et contractualisation, à l'étranger les codes des affaires varient. Christian Ladreyt, expert en achats internationaux vous livre des clés essentielles pour nouer des partenariats avec des fournisseurs chinois.
Je m'abonneEntrer en affaires avec un acteur étranger n'est pas chose aisée tant les habitudes culturelles déterminent notre appréhension du business. Si la France et la Chine partagent certaines similitudes culturelles, sur bien des points il s'agit de deux cultures radicalement différentes dans la façon de gérer une affaire, un projet, un partenariat. Pourtant rien d'impossible selon Christian Ladreyt, expert en achats internationaux, invité par BME pour nous familiariser avec la business étiquette chinoise : "si c'est parfois difficile, tout est réalisable avec le monde chinois et votre outil principal sera la relation que vous arriverez à construire avec votre interlocuteur."
On découvre ainsi que les deux cultures sont relativement proches en termes de relation au pouvoir et de distance hiérarchique à respecter ou encore en termes d'équilibre des rôles homme/femme. "Contrairement à ce qu'on peut croire, la femme chinoise trouve plutôt bien sa place dans le monde des affaires, beaucoup plus qu'au Japon par exemple", note Christian Ladreyt. Sur une échelle de 0 à 100 (0 représentant l'harmonie sociale homme/femme la plus totale et 100 représentant la distinction sociale la plus forte) la France se situe à 43 quand la Chine est à 66, l'écart n'est donc pas si important.
En revanche sur d'autres aspects comme la notion de collectivisme ou d'individualisme, de contrôle de l'incertitude ou d'orientation long terme, autrement dit l'appréhension du future, la France et la Chine sont radicalement différentes. "Les Chinois sont fondamentalement centrés sur le collectif quand les Français sont centrés sur l'individu. Il y aura donc là un gros effort de compréhension à faire. Votre objectif sera de vous faire accepter d'un groupe, il vous faudra envisager la relation d'affaires d'abord comme une relation de confiance". Connaître et se faire connaître sans barrière entre vie professionnelle et vie privée donc. "En Chine on négocie avec ses "amis", si on ne connait pas on ne négocie pas c'est aussi simple que cela", explique l'expert.
De même la relation au temps et à l'incertitude sont radicalement différentes : un Chinois aura une approche globale et pragmatique d'un projet, le changement est quelque chose de normal, il ne se sentira pas menacé par l'inconnu et ne sera pas en quête de contrôle comme peut l'être un Français. Toujours sur une échelle de 0 à 100, 0 exprimant le besoin de contrôle le plus faible et 100 le besoin de contrôle le plus fort, la France se situe à 86 et la Chine à 30. Ainsi, les business plans à 5 ou 10 ans de Français issus d'une société normative qui exige des résultats rapides et peu encline au changement, seront difficilement compréhensibles par les Chinois pour qui il est toujours possible de faire évoluer un contrat, le temps étant infini et le changement permanent.
Pour négocier soyez patient
Les Chinois ne négociant qu'avec des amis, ils vont passer beaucoup de temps à faire connaissance. La négociation est très chronophage de notre point de vue d'Occidentaux, il vous faudra faire preuve de patience, de persévérance et de résistance aux banquets sans fin (en Chine tant que vous mangez on vous sert!). "Ils savent très bien que le temps joue pour eux et contre nous, ne leur montrez pas que vous êtes limités dans le temps, ne parlez pas d'un horaire de retour à respecter sinon vous n'avancerez pas", conseille Christian Ladreyt.
Un déroulé classique se décompose en général comme suit : pour se connaître mieux on vous propose de faire quelque chose ensemble (visite de la ville ou autre), puis on discute encore. Si tout va bien on décide ensuite de travailler ensemble. "Il ne s'est toujours rien passé de concret", précise l'expert. Vient l'incontournable dîner au cours duquel on commencera à négocier. On discute encore pour se connaître encore mieux, on marchande (avec respect et tact). Enfin, on signe un contrat! Mais ce n'est pas fini, la négociation reprend. Bref, cela peut sembler sans fin mais il est important de respecter toutes ces étapes si vous voulez instaurer des relations pérennes. Plus vous travaillerez cette relation et plus vous apporterez de soin à la qualité du suivi, plus vous aurez de chance de développer une collaboration solide, pérenne et fructueuse avec vos fournisseurs chinois.
Communiquer tout au long du projet
- Privilégiez les modes de communication visio qui vous permettent de voir votre interlocuteur. Wechat est très utilisé par les Chinois par exemple. Car un sourire ne s'entend pas et comme on l'a dit plus haut, un Chinois ne peut pas dire non, s'il est gêné il sourira.
- Si vous devez échanger par mail ne posez qu'une question, ne traitez qu'un point par mail.
- Dirigez en contrôlant. Vérifiez les informations, datas et résultats fournis, instaurez des jalons courts termes très précis puisque pour eux le temps est élastique.
- Soyez très clair sur l'action à mener et faites un suivi hebdomadaire avec votre fournisseur. Une fois par mois ne suffit pas.
- Vous pouvez donc faire preuve de fermeté mais toujours avec tact. Plus la relation sera construite sur un respect mutuel plus elle sera fructueuse.
- Enfin pour construire dans la durée soyez fin dans le donnant-donnant.
L'entrée en matière
Le challenge sera de réussir à monter une relation professionnelle amicale. Pour ne pas compromettre votre relation éviter de parler du Tibet, de Taïwan et des Droits de l'Homme, n'abordez pas non plus les questions de salaire.
En revanche, parler librement de votre dernier voyage, de vos vacances en famille et montrer la photo de vos enfants ne choquera personne, au contraire. "Il est essentiel pour les Chinois de bien se connaître, être ami pour travailler ensemble est un passage obligé. Ils utilisent un système de networking très avancé. Réseau sur lequel vous pourrez vous appuyer pour développer vos activités, une fois que vous l'aurez intégrer bien sûr", indique Christian Ladreyt.
L'échange de carte de visite est en Chine un cérémonial important et votre premier point d'entrée dans le réseau. Interdiction donc de faire un faux pas. Une carte de visite se donne et se reçoit à deux mains (il en va de même avec les cartes de crédit pour les paiements à l'hôtel). "Commencez par le plus gradé c'est-à-dire le premier à être entré dans la salle et la personne qui s'est installée en face de vous au centre de la table. Lisez et commentez avec un compliment chaque carte reçue pour montrer votre intérêt. (Attention si elles ne sont pas occidentalisée, les cartes de visite chinoises présentent toujours le nom avant le prénom). Puis rangez-les dans un porte carte surtout pas dans la poche d'un geste insignifiant et n'écrivez jamais dessus!" insiste Christian Ladreyt.
L'art subtil de la communication
Autre point essentiel à toujours garder en tête : ne jamais faire perdre la face à son interlocuteur. Soyez donc très subtil et vigilent dans vos commentaires. Il faut au contraire "donner de la face" c'est-à-dire complimenter surtout quand vous êtes en groupe, en remerciant pour la qualité de la réunion ou l'organisation du diner par exemple. "Donner de la face à un subordonné devant son supérieur les mettra tous les deux dans une position favorable, vous plaçant de fait dans une dynamique positive".
La communication corporelle de vos partenaires chinois est particulièrement importante. En effet, un Chinois ne peut pas vous dire Non cela vous ferai perdre la face à tous deux. Il va donc utiliser le sourire, sensé vous exprimer sa gêne. "Les Chinois ont un mode de pensée global. En posant des questions ouvertes vous aurez des pistes pour comprendre si on tend vers le oui ou vers le non. Car un oui peut signifier oui ou peut-être, un peut-être peut signifier non, un "nous allons considérer" signifie généralement non, un silence ou une absence de réponse peut signifier ok, enfin une négociation qui traîne dans le temps équivaut à un non", décrypte Christian Ladreyt.
Enfin, à l'écrit comme à l'oral, on cite toujours une personne par son nom et son titre.