DossierTravel manager : un acteur clé en pleine mutation
5 - Externaliser le Travel Management ?
Les entreprises souhaitent externaliser le Travel Management pour se recentrer sur leur coeur de métier. Elles gardent toutefois la main sur la stratégie, le pilotage et la mise en avant", note Christophe Drezet, Consultant Manager chez EPSA. Rencontre.
En quoi votre rôle de consultant en Travel Management est-il différent de celui d'un Travel Manager en poste au sein d'une entreprise ?
Christophe Drezet. Les entreprises attendent de nous trois choses : l'expérience multiclients, l'expertise, que l'on a pu acquérir au cours de nos différentes missions et valoriser et/ou sécuriser un retour sur un investissement sur les projets sur lesquels nous intervenons. Concernant notre rôle vis-à-vis des clients, les acteurs du voyage d'affaires ont tendance à penser que nous sommes là pour prendre les décisions à la place du client. En tant que consultants, notre rôle est de les éclairer et de leur apporter des éléments afin d'objectiver leurs décisions. Nous ne nous substituons jamais à nos clients pour la prise de décision.
Quels sont les avantages pour une société d'externaliser la fonction de Travel Manager ?
Nous avons observé des phénomènes d'externalisation sur différents secteurs d'activités comme les RH et l'informatique par exemple. L'externalisation du poste "voyages" est une nouvelle tendance : les entreprises souhaitent externaliser le Travel Management pour se recentrer sur leur coeur de métier. Elles gardent la main sur la stratégie, le pilotage et la mise en avant des objectifs qu'elles vont nous demander d'exécuter. Un cabinet extérieur peut s'engager sur l'atteinte des objectifs définis avec une rémunération en partie modulée par rapport à l'atteinte ou non des objectifs. Nous définissons des SLAs (Service Level Agreement) pour chacun de nos clients. Nos contrats sont majoritairement orientés vers des problématiques budgétaires et financières mais pour mesurer l'aspect qualitatif, nous menons également des enquêtes de satisfaction 3 à 6 mois après la réalisation de la mission qui peuvent porter sur la satisfaction des assistantes et des voyageurs par rapport à la qualité de services de l'agence de voyages choisie par exemple. Nous intervenons sur l'ensemble de la chaîne de valeur des déplacements professionnels. Le rôle d'EPSA est d'apporter une méthodologie objective et des éléments d'appréciation pour aider nos clients dans leur prise de décisions. Nous les accompagnons également dans la définition de leurs besoins et dans l'analyser des offres.
Que pensez-vous de la tendance BTO (Business Travel Outsourcing) que l'on voit actuellement émerger aux USA ? Est-ce que cette tendance arrive en France ? Êtes-vous sollicité sur ce type de prestations ?
Le BTO, ce n'est pas substituer, mais repositionner le Travel Manager sur d'autres fonctions comme la mobilité au sens large. Le champ d'expertise du Travel Manager se veut ainsi plus large. C'est une tendance nouvelle en France. Le BTO n'intervient pas en opposition avec le Travel Manager, mais doit se construire en complémentarité. Chez EPSA, nous avons aujourd'hui deux clients du CAC 40 pour lesquels nous intervenons sur des missions BTO. Nous souhaitons mettre en place des binômes entre Travel Managers et nos équipes pour faire en sorte que la stratégie Travel & Expense décidée par l'entreprise se concrétise au quotidien. Le BTO où l'on externalise l'ensemble de la gestion des voyages reste minoritaire en France. Les choses se font progressivement : une relation de confiance entre le consultant et le client doit d'abord être établie afin de se voir confier un périmètre plus large. Le client nous sollicite sur un sujet, et une fois que la relation de confiance s'installe, nous pérennisons notre collaboration et envisageons un BTO partiel sur des sujets précis ou total sur des sujets plus larges.
De par votre vision de consultant, avez-vous pu constater une nouvelle façon de penser et d'organiser les déplacements professionnels dans l'entreprise ?
La vision des acheteurs est une vision omniprésente : ils vont s'intéresser (quasi) uniquement aux coûts de l'agence de voyages. Or celui-ci représente entre 2 et 5 % de la totalité des coûts liés aux déplacements professionnels. Notre vision est qu'il est complémentaire de se focaliser sur les pistes d'optimisation qui couvrent le reste des coûts. Le mode de rémunération par transaction fees arrive selon nous a ses limites : il est difficile de les faire baisser encore davantage sans dégrader la qualité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les réflexions sont en cours chez les TMC pour passer à une rémunération sur un mode forfaitaire en fonction de chaque catégorie de voyageur. L'agence de voyages pourra ainsi mettre en place une bonne expertise. Les acheteurs ont pris la main sur cet aspect. D'autre part, la génération Y bouleverse les modèles et les entreprises ont parfois du mal à accepter les changements dont ils sont à l'origine. Les voyageurs issus de cette génération n'ont pas de mauvaises intentions, ils ont simplement besoin qu'on les responsabilise, qu'on leur fasse confiance et qu'on leur donne de l'autonomie pour choisir leurs prestations favorites, en phase avec la politique des voyages. Essayons d'écouter un peu plus les voyageurs et surtout essayons tous ensemble de concevoir un nouveau mode d'évaluation de la valeur ajoutée de la TMC. Aujourd'hui les limites induites par le mode de rémunération par transaction fees associées à la pression de la génération Y vont apporter des évolutions nécessaires. La norme NDA initiée par IATA qui est prévue en 2015 va également forcer l'industrie à repenser pas mal de choses. Ce sera aux TMCs d'évoluer pour ne pas subir.