Rapport Badinter : les futures bases du code du travail
Robert Badinter a remis son rapport sur les fondamentaux du droit du travail, lundi 25 janvier 2016. CDI, licenciement, salaire minimum, santé au travail, dialogue social... 61 articles ont été retenus. Ce texte servira de base au projet de loi de Myriam El Khomri, dévoilé en mars prochain.
Je m'abonneC'est la première pierre de l'édifice de la réforme du code du travail. Lundi 25 janvier 2016, Robert Badinter a remis au Premier ministre Manuel Valls son rapport sur ce qui devrait être "les principes essentiels du droit du travail".
Créé en novembre dernier, le comité présidé par l'ex-ministre de la Justice a retenu 61 articles répartis en huit thèmes principaux. Leur vocation : poser les jalons du socle des droits fondamentaux des salariés et employeurs auxquels nul ne pourrait déroger. Passage en revue.
1. Libertés et droits de la personne au travail
Le rapport rappelle les libertés et droits de toute personne au travail : respect de la dignité, respect du secret de la vie privée et protection des données personnelles, égalité homme/femme ou encore recherche de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Il souligne, par ailleurs, l'interdiction des discriminations, de toute forme de harcèlement, ou encore, sur un autre plan, d'employer un mineur de moins de seize ans "sauf exceptions prévues par la loi".
Le plus notable, sur ce thème, est la notion de "religion" présente dans le rapport. L'article 6 précise en effet que "la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise". Ces restrictions doivent aussi être "proportionnées au but recherché".
Remise du rapport Badinter : principes essentiels du droit du travail pic.twitter.com/40EoZhSneQ
- Myriam El Khomri (@MyriamElKhomri) 25 Janvier 2016
2. Formation, exécution et rupture du contrat de travail
Le rapport stipule explicitement que "le contrat de travail est à durée indéterminée" (article 13). Ce dernier "ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas prévus par la loi", précise ce même article. Par ailleurs, il peut être assorti d'une période d'essai "à durée raisonnable", sans que davantage de précisions ne soit données afin de permettre d'évaluer cette durée.
" Le contrat de travail est à durée indéterminée " (article 13 du rapport Badinter)
Si rupture il doit y avoir, le rapport réaffirme de grands principes. La rupture peut être à l'initiative de l'employeur, du salarié ou des deux ensemble. Tout licenciement "doit être justifié par un motif réel et sérieux" et ne peut intervenir sans que le salarié n'ait pu s'exprimer sur la situation.
Il est précédé d'un préavis "d'une durée raisonnable" et ouvre droit à une indemnité comme prévu par la loi. Pas de licenciement pour motif économique ou inaptitude physique du salarié sans possibilité de reclassement "sauf dérogation prévue par la loi".
Concernant la formation, le rapport rappelle que le droit de chacun à accéder à une formation et à se former tout au long de sa vie. Quant à l'employeur, il "assure l'adaptation du salarié à l'évolution de son emploi" et "concourt au maintien de sa capacité à exercer une activité professionnelle".
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3. Rémunération
Le rapport spécifie le droit de tout salarié à une rémunération lui assurant des conditions de vie dignes, versée selon une périodicité régulière et garantie en cas d'insolvabilité de l'employeur. Il recommande l'égalité de rémunération entre les salariés pour un même travail, ou de valeur égale, ainsi que la définition dans la loi, d'un salaire minimum.
La feuille de route du gouvernement
Ce socle de principes communs doit servir de base au futur projet de loi de Myriam El Khomri sur le code du travail, présenté au conseil des ministres le 9 mars 2016. Celui-ci s'attaquera en priorité à la refonte de la réglementation sur l'organisation du temps de travail. Créée par la loi, une commission élargie composée d'experts (juristes, universitaires, praticiens) sera ensuite chargée de réécrire d'ici 2018, l'intégralité du code du travail. À terme, la nouvelle architecture du code du travail doit reposer sur trois échelons :
- Le socle commun des principes fondamentaux ;
- les dispositions relatives aux accords de branche et d'entreprise ;
- les règles applicables en l'absence d'accord.
4. Temps de travail
Parmi les principes du droit du travail, le rapport rappelle l'importance de fixer par la loi, "une durée normale de travail" non précisée, impliquant une compensation pour tout salarié la dépassant. Y figure également le droit au repos quotidien et hebdomadaire le dimanche (sauf dérogation), ainsi que le droit à des congés payés dont la durée minimale est définie par la loi.
Par ailleurs, le rapport précise l'égalité de droit entre les salariés à temps complet ou partiel dans une entreprise.
5. Santé et sécurité au travail
Le rapport rappelle l'obligation de l'employeur d'assurer la sécurité de ses employés et de protéger leur santé. Il doit, pour cela, prendre les mesures nécessaires afin de les informer, de les former et de prévenir les risques.
De plus, tout salarié doit avoir accès à un service de santé au travail. Il bénéficie de "garanties spécifiques" en cas d'accident de travail ou de maladie professionnelle. Par ailleurs, en cas d'incapacité au travail médicalement constatée, l'exécution de son contrat de travail est suspendue.
6. Libertés et droits collectifs
Le rapport réaffirme la libre organisation des syndicats et associations professionnelles, ainsi que le droit des salariés à adhérer au syndicat de son choix, et à défendre ses droits et intérêts par l'action syndicale. Il rappelle également que "l'appartenance ou l'activité syndicale ne peuvent être utilisées par l'employeur pour arrêter ses décisions".
Le texte mentionne, par ailleurs, la participation des salariés à la gestion de l'entreprise par l'intermédiaire des représentants élus. Ces derniers ont le droit d'être informés et consultés sur les décisions concernant la marche générale de l'entreprise et les conditions de travail. Ils bénéficient également d'un statut protecteur.
Enfin, le rapport rappelle le principe fondamental, pour tout salarié, de défendre ses intérêts par l'exercice du droit de grève, ce dernier ne pouvant "justifier la rupture du contrat de travail ni donner lieu à aucune sanction, sauf faute lourde imputable au salarié".
7. Négociation collective et dialogue social
Le comité Badinter réaffirme par ailleurs les grands principes du modèle social français. La concertation préalable systématique du gouvernement avec les partenaires sociaux est ainsi érigée en principe fondamental pour "tout projet de réforme de la législation du travail". La définition des modalités de représentativité des partenaires sociaux sont, elles, du ressort de la loi.
L'extension des accords collectifs est de même consacrée comme l'un des socles du dialogue social français. Le rapport rappelle par ailleurs qu'"en cas de conflit de normes, la plus favorable s'applique aux salariés si la loi n'en dispose pas autrement".
8. Contrôle administratif et règlement des litiges
Selon le rapport, l'inspection du travail doit demeurer l'organe de référence chargé de veiller de manière indépendante au respect du droit du travail. L'instruction des litiges relève quant à elle du ressort d'une "juridiction composée de juges qualifiés dans le domaine du droit du travail".
Le rapport rappelle par ailleurs le droit fondamental des salariés à saisir la justice sans craindre de sanction. Il réaffirme enfin la prérogative des syndicats à défendre les intérêts collectifs de ceux qu'ils représentent devant n'importe quelle juridiction compétente.