Gestion des notes de frais : la version papier s'efface petit à petit
Les cartes corporate et les interfaces de gestion s'imposent doucement mais sûrement dans les entreprises. La crise et le besoin de maîtriser les dépenses jouent en faveur de cette tendance. Mais le sujet des notes de frais n'intègre pas que des données économiques. Il est aussi "politique".
Je m'abonneLe sujet produit un sourire entendu chez Flucticiel, intégrateur de solutions de gestions de frais de déplacement développées par Notys : "C'est un problème hautement "politique" dans les entreprises", explique le directeur commercial, Ralph Robail. Et une source d'économies importante.
Selon une étude réalisée en 2005 par Cegos, les notes de frais représentaient près de 1,3 % du chiffre d'affaires de toutes les sociétés en France. Le coût unitaire de traitement par salarié oscille entre 20 et 60 euros par mois. "Il s'agit du troisième poste de dépenses après les impôts et les salaires", commente Yan Mortreux, directeur général gestion des frais France chez Edenred.
Du côté d'American Express, on évalue le total dépensé à 25 milliards d'euros en France en 2012 pour les seuls frais de déplacements et d'hôtellerie. À ce total, il convient également d'ajouter diverses consommations télécoms, de connexions internet, etc. Mises bout à bout, ces factures finissent par peser sur des sociétés contraintes par une conjoncture peu porteuse. Le temps des remboursements "à l'aveuglette" ou sur simple remise de factures, sans vérification, décline doucement, mais sûrement. "Les entreprises ont tout intérêt à maîtriser les coûts liés aux déplacements professionnels. Elles peuvent ainsi faire des économies sur les coûts directs mais aussi réaliser des gains en termes de productivité. Il s'agit aussi des dépenses les plus faciles à couper, avec celles de la communication", glisse Yan Mortreux.
Outre une réduction du confort des voyages, de leur fréquence, ou même de leur arrêt total, les états-majors dotent toutes leurs équipes nomades, commerciales ou pas, de cartes de paiements et équipent leurs directions achats ou services généraux de solutions permettant un suivi en temps réel et l'établissement de tableaux de bord. Concur - repris le mois dernier par SAP -, American Express et bien d'autres géants des services aux entreprises ou de la high-tech, prospectent ce marché estimé à plus de 30 milliards d'euros dans l'Hexagone. Avec des propositions plus fines. Désormais, les dépenses se contrôlent a priori.
Lire la suite en page 2 : Des notes de frais, souvent gonflées, et en page 3: La gamification
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La gamification
Si le débat entre l'avance des frais par les salariés (70 % des cas) ou par les entreprises n'est pas encore tranché, une autre tendance monte en puissance : la gamification. Sous ce terme, se cache un programme d'incitations à la bonne dépense, pour le plus grand profit des entreprises mais aussi de leurs salariés. Les premières obtiennent des réductions chez des enseignes ou des établissements proposés par l'émetteur de la carte de paiement ou avec lesquelles elles ont au préalable négocié.
Quant aux seconds, ils accumulent des miles et autres avantages à mesure qu'ils règlent des dépenses, toujours contrôlées et plafonnées par leur employeur, chez les partenaires de ces "parcours". Selon une étude d'American Express, près de 7 % des salariés porteurs de cartes corporate profitent de ces incitations. De son ccôté, Edenred a, lui aussi, lancé son bouquet de points. La marge de progression semble considérable par rapport aux États-Unis. En effet, dans ce pays, près de 30 % des salariés profitent déjà de tels avantages.
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Des notes de frais, souvent gonflées
La crise n'explique pas, à elle seule, le succès de ces solutions qui ont aussi vocation à diminuer la fraude. Selon un sondage d'American Express, plus de 70 % des salariés interrogés ont avoué avoir "gonflé" leurs notes de frais. ICertains présentent deux fois la même facturette de carte bancaire... glissée au milieu d'autres justificatifs, à un mois d'intervalle, pour se faire rembourser deux fois la même dépense. Ralph Robail, de Flucticiel, chiffre les économies réalisables à 20 % des montants réglés, au moins. À condition de mener toutefois au préalable un patient travail de persuasion de toutes les parties concernées par la mise en place de ces programmes.
Les cartes corporate offrent un réel gain de temps puisque les dépenses des collaborateurs sont immédiatement débitées et transmises au siège. Plus besoin pour eux de remplir des papiers. D'où l'implication très forte des directions générales dans les processus de décision, de négociation et d'implémentation de ces programmes. Ou pas. Car, comme le souligne Ralph Robail, "l'autonomie laissée aux salariés nomades ou en déplacement contribue à maintenir la paix sociale dans beaucoup d'entreprises".
Chez American Express, comme chez d'autres fournisseurs de cartes de paiements ou d'interface de traitement de ces dépenses, on évoque également les craintes liées à la suppression de postes dans les services achats ou comptabilité. L'argument purement factuel de la "baisse des erreurs de saisie" et de leurs conséquences financières n'emporte finalement pas toujours l'adhésion des décideurs.