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[Avis d'expert] Digitalisation des voyages d'affaires : les nouveaux usages bousculent la travel policy

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[Avis d'expert] Digitalisation des voyages d'affaires : les nouveaux usages bousculent la travel policy
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La digitalisation du secteur voyages et déplacements a induit de nouveaux usages dans l'univers privé. Ceux-ci s'étendent désormais au monde professionnel. Comment la travel policy doit-elle évoluer pour permettre à l'entreprise de continuer à maîtriser son budget ?

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Après l'apparition des transporteurs low-cost comme Easy Jet, c'est au tour de la révolution digitale apparue dans la première décennie des années 2000 de révolutionner le secteur voyages et déplacements. Comparateurs de prix (Kayak, Booking, Google Flight...), plateformes communautaires liées à la mobilité (Blablacar, Uber...) et à la location de logements (Airbnb) bouleversent les habitudes.

Conquis par leur facilité d'utilisation, notamment grâce au déploiement des applications mobiles, ce sont les particuliers qui s'en sont emparés les premiers. Aujourd'hui, ces derniers répliquent ces nouveaux usages dans le cadre de leurs activités professionnelles. Mais à quels prix pour l'entreprise ? Quelles précautions prendre ? Entre une travel policy rigide et une politique souple, où placer le curseur pour gérer au mieux le budget ? Au-delà, comment la faire accepter des voyageurs ?

Un besoin prégnant de centralisation des données

Historiquement, l'entreprise a eu une approche top down des déplacements des salariés avec une politique de voyages (travel policy) mise en place par la direction et gérée par une seule personne grâce à un outil de réservation dédié. Départs, retours, modes de transport, hôtellerie... tout est géré conformément à la stratégie de l'entreprise. Un moyen pour les dirigeants de s'assurer que les collaborateurs ne transgressent pas les règles internes en réservant dans des classes supérieures à ce qui leur est attribué. Reflet d'une volonté de pilotage et de maîtrise du budget, elle invite les voyageurs à respecter les accords-cadres qui ont pu être signés avec les prestataires (ex. accord avec des loueurs courte durée tels qu'Europcar).

Mais les nouveaux usages liés à la digitalisation du secteur bousculent ce schéma. Selon le Baromètre FCM-DéplacementsPros, moins de 10 % des collaborateurs affirment utiliser les outils de réservation de l'entreprise pour la majeure partie de leurs déplacements, et 22 % des sondés le font parfois : "En réalité, une grande partie des voyageurs d'affaires interrogés (48 %) préfèrent se tourner vers internet." Notons également que 35 % des utilisateurs Airbnb ont réservé en dehors de la travel policy.

Or, si les collaborateurs sont de bonne foi, faisant de la recherche des meilleurs tarifs un jeu, leurs réservations en ligne hors de l'outil de réservation de l'entreprise privent cette dernière d'informations cruciales.

Centraliser les données de chaque voyage est impératif. Pour une question de sécurité tout d'abord. Selon le Code du travail, l'entreprise a l'obligation de mettre ses salariés hors de danger (attentats, événements climatiques, contexte géopolitique...) sans délai quel que soit le lieu où ils se trouvent dans le cadre de leurs activités professionnelles. C'est le "duty of care" ou devoir de protection. Un manquement à cette obligation peut conduire l'entreprise à supporter de lourdes condamnations pécuniaires.

Les retours d'informations sont tout aussi impératifs pour optimiser un budget qui peut aisément dépasser 400 000 € par an pour une PME. Avec les nouveaux usages, le poste devient de plus en plus opaque. En effet, trajets, nuitées, repas font régulièrement l'objet de notes de frais dont les saisies sont incomplètes malgré l'existence de logiciels de reconnaissance optique. Ville de destination, nom de l'hôtel, montant TTC et HT, nombre d'invités à un repas, sont absents des indicateurs... limitant ainsi les moyens de comparaison, d'arbitrage, et de négociation. C'est sans compter qu'en règle générale, les entreprises ont préalablement négocié avec des opérateurs tels SNCF, Air France, chaînes hôtelières, compagnies de taxis...

Lire la suite en page 2: Des outils digitaux, vecteurs de souplesse


Des outils digitaux, vecteurs de souplesse

Si l'utilisation de solutions Uber, Blablacar, Airbnb... n'est pas encore tout à fait intégrée dans le monde des affaires, par défiance pour ce nouveau modèle jugé non conforme aux us et coutumes, besoins et attentes des entreprises, il n'en reste pas moins que leur taux de pénétration continuera de croître. Aussi, c'est dès aujourd'hui qu'il faut réfléchir à leur intégration dans les travel policies. Notons que les Uber et Easy Jet, par exemple, qui fournissent des reporting complets, sont des prestataires susceptibles d'être considérés comme des opérateurs traditionnels. C'est d'autant plus vrai qu'ils sont ouverts à des négociations de tarifs. En revanche, les plateformes telles Blablacar ne sont pas conseillées car elles n'offrent aucune information pertinente et ne sont pas véritablement tournées vers l'entreprise.

Afin de susciter l'adhésion des salariés, nécessaire à la récupération de données, la travel policy doit être souple et adaptée à leurs besoins. Les travel policies sont souvent mal appliquées car jugées trop rigides. Selon le dernier Baromètre FCM- DéplacementsPros, "51 % des voyageurs d'affaires interrogés jugent la travel policy de leur entreprise restrictive et contraignante, vécue comme une contrainte dans un contexte où le déplacement est déjà une contrainte en soi".

La flexibilité permet d'éviter des frustrations inutiles en raison de limitations parfois non appropriées. Les frais de repas, par exemple, doivent être décents. Il peut être judicieux de tolérer un dépassement de budget de quelques euros ; ce n'est pas dramatique, en revanche pénaliser un talent parce qu'il dépasse son budget peut le devenir. Une travel policy cohérente constitue un excellent outil de management. En effet, elle fait partie des éléments mis dans la balance au moment où un salarié doit choisir une entreprise, ou lorsqu'on tente de le débaucher.

Nous invitons les entreprises à interroger leurs collaborateurs quant à leurs attentes et leurs expériences en termes de voyages. Pour cela nous conseillons d'organiser des enquêtes qui invitent les voyageurs à répondre à des questions telles : Avez-vous déjà constaté sur internet des prix plus intéressants que ceux proposés par votre agence ? Qu'attendez-vous de votre entreprise sur le sujet des déplacements professionnels ? Selon vous, quel est le premier principe qui guide la politique de voyages de votre entreprise ? Combien de déplacements professionnels réalisez-vous chaque année ? Préférez-vous réserver vous-même vos déplacements professionnels, et si oui, pour quel motif ?

Par ailleurs, les entreprises devront porter une attention particulière aux services associés telles les conditions d'annulation et de modifications de trajet ou de dates, qui sont légion dans le monde professionnel. Avec Airbnb, l'entreprise ne peut annuler sa réservation et la prestation est due. En utilisant BlablaCar, des annulations sont possibles mais des frais sont exigés : 50 % du montant de la réservation est due si l'annulation est faite 1 jour avant la prise en charge ; et l'intégralité de la facture sera à régler si l'annulation s'effectue après.

De plus, l'entreprise devra s'assurer que les prestations sont conformes aux offres et respectent les normes de sécurité (incendies par exemple, dans le cadre de l'hébergement). Une tâche complexe dans la mesure où ces plateformes d'un nouveau genre permettent à des particuliers de proposer leurs services, telles Airbnb pour le logement.

Par Pascal Daveau - associé président d'Euklead - Pascal Daveau a d'abord travaillé pour le groupe Vivendi en qualité de Key Account Manager puis Lexisnexis, dans les mêmes fonctions. Il rejoint ensuite le groupe Lamy, pour lequel il est directeur de la business unit commerciale et marketing. En 2009, il crée son cabinet de conseil opérationnel en optimisation des coûts, MP Conseil, avant de participer à la création d'Euklead en 2013. Il en est Président et en charge du Business Development.

 
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