Miles, indemnités de retard ou d'annulation de vol : des leviers d'économies ?
En France, les programmes fidélité des transporteurs sont généralement laissés au bénéfice des voyageurs d'affaires qui en usent (et en abusent ?). Ailleurs, ils sont plutôt appréhendés comme un moyen parmi d'autres de réduire le budget voyage... Zoom sur de nouvelles sources d'économies potentielles.
Je m'abonneDans le domaine des transports, la fidélité a du bon. Développés il y a une trentaine d'années par les compagnies aériennes, les programmes de fidélité, qui permettent le cumul de points / miles à chaque trajet, sont toujours très prisés des voyageurs d'affaires. Plus ils empruntent ladite compagnie, plus ils multiplient leur chance d'acquérir des billets gratuits... "Aussi rémunérateur, le programme SNCF ne procure pas le même rêve aux voyageurs de par les destinations", constate Jean-Michel Comte, consultant chez Areka Consulting.
Moins nombreux et plus récents, les programmes corporate dans l'aérien, comme BlueBiz (Air France, KLM, Delta et HOP !) et PartnerPlusBenefit (Lufthansa), se voient plutôt destinés aux TPE-PME. "Les grands groupes ne sont pas la première cible dans la mesure où, de par leur volume de vols, ils bénéficient déjà d'une réduction de l'ordre de 1 à 3 % sur leur budget aérien", explicite Ravindra Bhagwanani, gérant de Global Flight.
Avec son Business Rewards, la compagnie Emirates se distingue en choyant les grandes entreprises - qui cumulent des points à chaque déplacement - et les salariés qui perçoivent des miles Skywards. Ce modèle gagnant-gagnant représente une minorité des pratiques ; les efforts marketing déployés par les transporteurs se concentrant majoritairement sur les voyageurs. Au grand dam des travel managers ?
Compression budgétaire oblige, les travel managers pourraient être tentés de se réapproprier les miles de leurs employés pour réduire le prix des billets. En pratique, "le sujet est peu abordé en interne. En France, cela s'avère compliqué d'imposer un pareil changement", commente Véra Strezyk, présidente de GBTA France. La plupart le considèrent comme un avantage, venant compenser et reconnaître la fatigue induite au voyageur.
Les miles, un levier de motivation intouchable ?
"Source de bien-être, cette récompense maintient en quelque sorte la paix sociale au sein de l'entreprise", estime Julien Chambert, directeur de CBT Conseil. Jusqu'à devenir un acquis salarial ?
Pour Ravindra Bhagwanani, "tout est une question de mentalité. En Allemagne, en Autriche ou dans les pays scandinaves, les miles obtenus lors de voyages professionnels sont reversés naturellement à l'entreprise qui les a financés. Cela lui permet d'obtenir des billets moins coûteux ou, dans de plus rares cas, de les redistribuer en interne."
En Allemagne, le législateur s'est montré tranchant, appréhendant le billet prime comme un avantage en nature, déclarable en tant que tel auprès des autorités fiscales par le voyageur.
En France, le vide juridique concernant la propriété des miles découragerait les quelques partisans au changement selon Ravindra Bhagwanani : "Beaucoup de travel managers finissent par croire que cette pratique n'est pas légale. Alors que les miles peuvent revenir à l'entreprise dès lors qu'elle fait signer à ses employés un règlement intérieur le stipulant."
Vouée sans doute à être plus usitée à l'avenir, cette approche doit être mûrement réfléchie, répondre à une stratégie et satisfaire à ses objectifs. Et doit impliquer à minima les ressources humaines et le comité d'entreprise pour une meilleure préhension. "Si les employés respectent la politique voyage, mieux vaut leur laisser la contrepartie des miles qui représente un surcoût d'environ 10 % sur le prix du billet ; un déplacement professionnel restant une contrainte parfois fort éprouvante", préconise Jean-Michel Comte.
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Une politique voyage claire et précise
Dans le cas où les points fidélité sont laissés au bénéfice des salariés, il appartient au travel manager de border au mieux la politique voyage, au risque d'encourager indirectement la course aux miles. "Les sociétés sous-estiment l'impact des politiques de miles sur le comportement d'achat des voyageurs. Leur laisser la liberté de choisir la compagnie aérienne qui alimente leur programme de fidélité peut copieusement alourdir la facture", avertit Romain Drosne, cofondateur de RefundMyTicket.
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Après avoir défini une stratégie d'achat, le travel manager doit garder un oeil ouvert sur chacun des déplacements, en étant vigilant quant au pilotage des réservations. "Dès lors qu'un voyageur sait que ses réservations sont étudiées de près, son comportement est plus adéquat", affirme Véra Strezyk. Sans interdire l'adhésion à des programmes de fidélité - qui ne peut vraisemblablement se vérifier -, il peut être judicieux de faire état de mentions, depuis le document synthétisant la politique voyage, afin de guider les salariés vers un acte d'achat moins opportuniste. "Une politique voyage qui prône le meilleur prix oriente a fortiori vers des compagnies low cost", donne en exemple Julien Chambert. Il peut également y être écrit que les miles acquis dans le cadre de voyage d'affaires sont à utiliser en priorité lors de déplacements professionnels. "Acheter son billet au moins 14 jours à l'avance permet de réduire le prix du billet et de verser potentiellement moins de miles au collaborateur, en regard du prix payé", ajoute Jean-Michel Comte.
Pour ne pas risquer de diminuer le confort des voyageurs, réfléchir à des solutions compensatrices peut être opportun. Comme leur octroyer une carte easyJet Plus pour conserver un niveau de services équivalent. Tarifée environ 130 euros hors TVA, elle offre à son détenteur le choix de son siège, un dépose-bagages dédié, un coupe-file au contrôle de sécurité, un embarquement prioritaire, etc.
Alternative : accorder des services supplémentaires (accès aux salons, comptoir dédié pour la location de voiture...) aux salariés qui réservent leurs billets via le canal corporate, en négociant des accords avec des partenaires. "Le service limousine avec chauffeur est très apprécié", illustre Véra Strezyk. Ils contribuent grandement à l'acceptation interne de ces nouveaux fournisseurs. "Les compagnies aériennes ont tout intérêt à réinventer la relation qui les unit à leurs clients via des programmes qui ne sont pas des programmes cartes", ajoute Sabah Kahoul, directrice générale de Business Travel Purchase.
Quid des indemnités ?
Autre sujet épineux, celui des indemnités de retard ou annulation de vol. Cela concerne près de 12,5 millions de voyageurs par an, pour environ 5 milliards d'euros de dédommagements dus en 2016, d'après Romain Drosne : "En réalité, 5 % des voyageurs accomplissent les démarches pour être dédommagés et seuls 15 % obtiennent gain de cause." Ce constat est à l'origine de l'apparition sur la toile d'une poignée de prestataires (Air Refund, RefundMyTicket, Air Indemnité...) qui proposent de gérer les réclamations des employés afin de leur faire obtenir une indemnisation (jusqu'à 600 euros par vol). Le business model est simple : ces acteurs identifient les voyageurs éligibles et prennent en charge la réclamation. Ils se rémunèrent à la commission (entre 20 et 50 % HT des sommes collectées).
Certains se différencient en reversant un pourcentage à l'entreprise, jusqu'à 30 % des sommes collectées avec RefundMyTicket, par exemple. "Les entreprises qui ont une politique voyage mature ont tout intérêt à mettre en place cette solution qui représente une appréciable source inexploitée d'économies. C'est aussi une forme de reconnaissance pour les collaborateurs", soutient Sabah Kahoul. Voire d'en faire don à des associations caritatives ; ce qui peut servir la politique RSE de l'entreprise sans que cela n'affecte sa trésorerie.
Pour l'heure, les travel managers se montrent assez frileux. "Ils hésitent à recourir à ce type de service de peur sans doute d'entacher les accords actuels et futurs noués avec les compagnies aériennes", regrette Romain Drosne. En bref, une famille d'achats qui reste finalement assez conservatrice ?
Lire la suite page 3 - Témoignage de Stéphanie Zetlaoui de Suez
Témoignage
Stéphanie Zetlaoui, travel managez chez Suez
"La récupération des programmes de fidélité des collaborateurs ne constitue pas un réel levier d'économies"
Dans le cadre d'un plan de consolidation de ses achats voyages, le groupe Suez s'appuie, depuis février 2016, sur la TMC American Express GBT. Pour effectuer leur réservation, les collaborateurs n'ont qu'à emprunter son outil de réservation en ligne. Ils peuvent librement adhérer à des programmes fidélité, renseigner leur numéro d'abonné depuis leur fiche profil, et bénéficier des avantages inhérents.
"Nous n'envisageons pas de récupérer les points fidélité obtenus par nos employés car cela ne constitue pas un réel levier d'économies ; la maturité de la catégorie achat travel en France n'étant pas suffisante pour déployer une telle politique. Surtout, les cartes étant nominatives, c'est un point assez sensible ; d'autant que ni les compagnies aériennes ni la SNCF ne sont en mesure de dissocier les voyages effectués à titre personnel et professionnel", détaille Stéphanie Zetlaoui, travel manager chez Suez.
Pour autant, cela n'entraîne pas de pratiques abusives en interne ; les déplacements étant balisés par les règles de la politique voyage. "Le train en seconde classe est à privilégier pour une destination qui peut être desservie en moins de 3 h 30 par le train, sauf si un billet aérien low cost, avec tarif promotionnel ou avec carte d'abonnement, s'avère moins coûteux", illustre Stéphanie Zetlaoui. Et si les voyageurs accusent un retard ou une annulation de leur vol/train, rien ne les empêche d'accomplir les démarches pour être dédommagés. "Dans la mesure où ce sont eux qui subissent les désagréments, l'indemnisation leur revient de droit", conclut Stéphanie Zetlaoui.
FFP manager, quèsaco ?
Le logiciel FFP Manager (Frequent Flyer Programs), développé par Global Flight, permet à l'entreprise cliente d'administrer et de gérer tous les programmes de fidélisation (aériens ou non) de ses collaborateurs. Et d'utiliser, de manière optimale, les primes obtenues à son profit ou pour le compte de ses salariés. "En recourant systématiquement aux primes, cette approche peut se solder par une réduction du budget aérien de 10 % pour les vols court-courriers, entre 15 et 35 % pour les vols long-courriers", selon Ravindra Bhagwanani, gérant de Global Flight. Compter à partir de 324 euros HT par an.