Le Covid-19 fait trembler le voyage d'affaires
Après trois mois d'extension de la crise issue du coronavirus Covid-19, l'ensemble des échanges économiques se retrouve grippé, compromettant d'innombrables déplacements professionnels. Entre panique et surenchère médiatique, l'information sanitaire est au coeur des problématiques pour les décideurs.
Je m'abonneDès le mois de février, alors que l'épidémie de Covid-19 était encore à ses balbutiements sur le territoire français, un vent de panique a brusquement soufflé sur les entreprises de l'Hexagone. Chez BNP Paribas, Société générale ou encore Accor, l'interdiction de se rendre dans les zones à risque est décidée. Du côté de L'Oréal et Nestlé, c'est même l'intégralité des déplacements professionnels à l'international qui se retrouve suspendue, quelle que soit la destination. Les conséquences sont bien sûr fortes sur l'économie, comme en témoigne le plongeon du CAC40 à la Bourse de Paris de plus de 8 % le 9 mars dernier. On évoque une possible récession en Chine pour le premier semestre 2020. Du jamais vu depuis des décennies.
La chute est tout aussi vertigineuse dans les activités relatives au voyage d'affaires. "L'un de nos clients, une grande entreprise française du secteur du luxe a vu ses dépenses travel s'affaisser de 70 % sur le seul mois de février", confie Christophe Drézet, directeur associé au sein du pôle mobilité du groupe EPSA, spécialisé dans le conseil en matière d'achats. "Les compagnies aériennes sont également touchées par des pertes sèches considérables. Certaines d'entre elles annoncent d'ores et déjà d'importantes conséquences économiques qui se feront ressentir au minimum jusqu'à la fin du premier semestre 2020." La compagnie FlyBe a été placée en redressement judiciaire le 5 mars, cessant de ce fait toute activité avec effet immédiat, alors qu'elle avait échappé de justesse au dépôt de bilan en janvier dernier grâce à un soutien fiscal du gouvernement britannique.
Dans un communiqué récent, le spécialiste de la gestion des notes de frais Expensya constate que les voyages d'affaires ont globalement baissé de 35 % vers l'étranger sur les 10 premiers jours de mars. La région Asie-Pacifique est sans surprise la plus affectée avec une diminution de 95 % des déplacements vers la Chine continentale, 80 % vers Hong-Kong, 55 % vers la Corée du Sud et plus de 30 % vers le Japon. L'Europe est la deuxième zone la plus touchée avec un effondrement de 55 % des voyages vers l'Italie, et 25 % vers l'Espagne. Christophe Drézet ajoute que "le secteur du MICE souffre également avec près de 80 % des événements annulés dans les prochaines semaines."
La panique est-elle plus contagieuse que le virus ?
Bon nombre d'experts redoutent des effets à long terme non négligeables sur les agences de voyages d'affaires. "Aucune d'entre elles ne communique actuellement sur le sujet, alors qu'elles le font habituellement dans les contextes difficiles comme lors des grèves récentes. Ce n'est pas du tout rassurant", s'inquiète Christophe Drézet.
Pour Philippe Guibert, directeur médical régional, Consulting Santé au sein d'International SOS, "il importe de savoir que voyager à l'international n'implique pas un risque foncièrement différent." Les autorités sanitaires soulignent par ailleurs que si les personnes âgées ou fragilisées par d'autres pathologies affichent des complications et un taux de mortalité plus élevés, les 10-59 ans sont concernés par des décès dans 0,2 % des cas. Soit le même taux de létalité que pour la grippe saisonnière.
La médiatisation de masse semble jouer en défaveur d'un traitement raisonné de la situation sanitaire en cours. "Les chaînes d'information en continue ont pour habitude de s'emparer d'un sujet, de le traiter à outrance de façon très contestable pendant plusieurs semaines, en négligeant les nuances et les autres réalités de terrain. En conséquence, le principe de précaution prime sur toute forme de décision, occasionnant des pertes considérables", s'indigne Christophe Drezet. Des fléaux plus dramatiques, qui concernent également les voyageurs d'affaires, passent ainsi totalement sous silence, à l'image de la grippe très virulente qui touche les Etats-Unis cet hiver : au cours de ses 16 premières semaines, cette épidémie a conduit à l'hospitalisation d'environ 400 000 personnes et provoqué 14 000 décès. Plus grave, le coronavirus MERS-CoV, qui sévit actuellement au Moyen-Orient, s'avère bien plus dangereux que son homologue surmédiatisé du moment, puisque son taux de mortalité atteint la barre inquiétante des 35 %.
"Dans ce contexte, il est nécessaire d'accéder à des informations précises mises à jour quotidiennement. Ce qui est vrai un jour ne sera plus nécessairement vrai le lendemain", assure Philippe Guibert. "Les questions les plus fréquentes par rapport aux déplacements sont d'ordre sanitaire mais aussi administratif. Les entreprises ont besoin de faire le point fréquemment et le plus précisément possible. Y voir clair permet de mieux se projeter. Nous actualisons nos d'informations jour après jour."
Lire la suite en page 2 : Être au clair sur ses droits et devoirs
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