"La négociation doit se préparer sur un plan tactique en prenant en compte principalement les notions d'enjeu et de pouvoir"
Après un premier livre sur "Négocier avec la Process Com'(TM)- La négociation co-créative", Dominique Rondot creuse le sujet dans un nouvel ouvrage qui identifie notamment les "3 bastions de résistance" qui font obstacle à la satisfaction des intérêts des acheteurs.
Je m'abonneDominique Rondot a publié, aux éditions Dunod, un livre intitulé L'art de négocier - les techniques de créativité pour gagner en performance. Considérant que "les approches traditionnelles de la négociation produisent de moins en moins de résultats" parce que "la relation entre l'acheteur et le vendeur a évolué", il invite les acheteurs à "modifier leur façon de négocier" et propose une nouvelle approche qui "permet à la fois d'être plus performant dans ses négociations courantes et de gérer les négociations complexes ou bloquées". Rencontre.
Vous avez précédemment écrit un livre sur la Négociation co-créative. Aujourd'hui, vous reprenez ce thème. Qu'est ce qui vous a motivé à creuser le sujet plus encore?
J'ai précédemment écrit un livre sur "Négocier avec la Process Com'(TM)" qui intégrait la dimension profil de personnalité dans une approche de négociation de type méthode Harvard sur les intérêts. Une des limites de la méthode Harvard sur les intérêts est que, selon les acheteurs, elle ne donne pas assez d'indications sur comment concrètement passer du niveau de la demande à celui des intérêts. Mon ouvrage sur la négociation co-créative apporte un développement sur ce point en identifiant les "3 bastions de résistance" qui font obstacle à la satisfaction des intérêts. Une autre motivation est sans doute mon incessante soif de recherche ou développement de nouveaux outils et techniques. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles j'enseigne à la faculté au sein du Desma de l'IAE de Grenoble aujourd'hui.
Les acheteurs sont-ils, selon vous, mieux préparés aujourd'hui à l'art de négocier ?
Ils sont surtout préparés à faire un peu plus de la même chose, comme disait Paul Watzlawick de la célèbre école de Palo Alto. Ils vont ainsi encore plus loin dans la décomposition des coûts et génèrent encore un peu plus de résistance de la part de leurs fournisseurs. Le combat qui consiste à prouver au fournisseur qu'il est trop cher n'est selon moi plus du tout d'actualité, ce qui n'empêche absolument pas la recherche de gains par ailleurs...
Vous parlez d'un ré-équilibrage du pouvoir dans la relation acheteur/vendeur, qui a incité les acheteurs à se former à l'art de la négociation, mais à quoi, selon vous, est dû ce rééquilibrage ?
Le pouvoir est petit à petit passé du côté des fournisseurs dits "Best in Class", comme le souligne Natacha Trehan, directrice du Master Desma de l'IAE de Grenoble dans l'une de ses recherches. Cela est dû d'une part au mouvement de rationalisation des panels fournisseurs qui a radicalement diminué le nombre des fournisseurs des grands donneurs d'ordre pour donner plus de poids à un nombre réduit de fournisseurs. Affecter 100% de son volume à un seul fournisseur de façon à bénéficier d'un effet volume pour réduire les gains est également allé dans ce sens. De façon plus globale, "externaliser" la R&D chez les fournisseurs en leur confiant le développement de fonctions complètes a renforcé le pouvoir de ces derniers.
Les négociations d'hier sont-elles enterrées?
Et il faut qu'elles le restent ! Ce n'est pas le moment de "déterrer la hache de guerre" ! Cependant, notre propension à engager le bras de fer avec l'autre, à vouloir lui prouver qu'il est dans l'erreur est toujours là. Notre esprit de compétition nous stimule à faire cela mais le sujet est qu'il ne faut pas se tromper d'endroit de compétition. Elle doit avoir lieu avec nos concurrents, nous devons être plus performants qu'eux à l'achat par exemple mais cela signifie qu'il faut travailler différemment avec nos fournisseurs et ne pas entrer en compétition avec eux !
Vous consacrez une large part à la préparation de la négociation. Pensez-vous qu'elle soit habituellement délaissée?
Intellectuellement, tous les acteurs du monde des achats sont convaincus qu'il est indispensable de préparer ses négociations, que c'est une clef majeure de succès. Malheureusement, la pression du temps fait que cette préparation est souvent réduite voire parfois inexistante. De plus, il existe une différence de culture avec le monde commercial. Du côté vente, les managers directs accompagnent souvent leurs vendeurs pour les aider à préparer une négociation, jouant ici un rôle de "coach". Lorsque les vendeurs arrivent en négociation, ils sont tactiquement et psychologiquement préparés. Cette habitude est beaucoup moins fréquente chez les managers achats...et les acheteurs, moins préparés aux négociations !