Crise des matières premières : les filières du plastique et de l'automobile en pleine tempête!
Flambée des prix des matières premières, arrêt de la production, retards de livraison, ... les conséquences de la crise sont nombreuses dans l'industrie. Les présidents du syndicat de la plasturgie et des équipementiers automobiles font le point.
Je m'abonneDès les mois d'octobre-novembre 2020, nous avons senti des difficultés de livraison, explique Jean Martin, directeur général de Polyvia, syndicat professionnel national de la plasturgie et des composites. Il y a bien eu une reprise de l'activité à l'automne mais la capacité de production n'a pas suivi. La demande de produits transformés a augmenté tandis que la production de plastique a diminué. Sans compter le coup de froid au Texas en février 2021 qui a engendré un arrêt technique des usines.
Problèmes de maintenance dans les usines
Autre sujet d'inquiétude : la maintenance des usines. Les producteurs de plastique doivent faire de la maintenance. Or, les actes de maintenance ont été reportés. Par conséquent, on compte aujourd'hui 36 cas de forces majeures en Europe et donc un arrêt de la production, alors qu'habituellement on compte seulement une dizaine de cas de force majeure en Europe, détaille le dg de Polyvia. Un sujet déjà porté en 2015 devant le conseil général de l'économie " mais avec le plastique bashing, il est difficile de porter ces messages-là. A cela s'ajoute l'envolée des prix du plastique (polypropylène, ...)
Hausse de 100 à 120% des prix du plastique
On observe une hausse des prix jusqu'à 100% voire 120% sur certaines matières ces 4 derniers mois. Or le plastique représente environ 45% du prix de revente", explique Jean Martin de Polyvia qui espère voir une amélioration des prix en juillet. La filière souffre également des unités de production délocalisées le plus souvent en Asie et au Moyen-Orient. Pour éviter de souffrir dans un proche ou lointain avenir d'une gestion des ressources, la filière réfléchit à l'utilisation de matériaux bio-sourcés pour la fabrication du plastique à partir de canne à sucre du Brésil ou du maïs et de la pomme de terre en Europe. "Mais cela reste marginal et ne représentera à terme que 5 à 6% du plastique biosourcé". De même, le recyclage pourrait constituer "27 à 28%" de la matière première du plastique.
"Just in time" et problèmes de stocks dans l'automobile
Même scénario dans le secteur de l'automobile. L'industrie automobile est confrontée à une pénurie inédite par son ampleur, de composants électroniques, et notamment de semi-conducteurs. La production de véhicules en est directement impactée. Ainsi, on estime qu'1 million de véhicules ne seront pas produits au premier trimestre 2021, selon un communiqué de la fédération des industries des équipements pour véhicules (Fiev), organisation professionnelle française des équipementiers automobile en France.
84% des équipementiers ont des problèmes d'approvisionnement
D'après un sondage réalisé en mars 2021 par la Fiev auprès de ses adhérents : 84% des répondants déclarent être impactés par des problèmes d'approvisionnement de composants ou d'alliages : 43% sont directement impactés, 41% sont indirectement impactés (à la suite d'arrêts de production chez leurs clients constructeurs ou de ruptures de livraisons fournisseurs). Et 92 % de ces derniers font état de retards de livraisons, compris entre un et six mois pour 50% d'entre eux.
Enfin, les tensions en matière d'approvisionnement, de transport et de logistique engendrent une augmentation des prix d'achat (déclarée par plus de la moitié des répondants : entre 10% et 25% d'augmentation pour 37% d'entre eux, et entre 25% et 50% d'augmentation pour 16% d'entre eux.)
Pas de retour à la normale avant 2022
Pour les observateurs, la situation devrait se poursuivre jusqu'en 2022 dans le meilleur des scénarios. IHS Markit prévoit ainsi un pic au deuxième trimestre 2021. "L'industrie automobile s'est arrêtée en mars 2020. Les productions se sont arrêtées. Il y a donc eu un report de capacité là où il y a eu de la demande. c'est-à-dire vers la 5G notamment et l'informatique", explique Claude Cham, président de la Fiev. Ainsi, quand la production automobile a chuté, c'est reparti plus vite que prévu en Chine et aux USA ce qui crée un goulet d'étranglement au niveau des capacités de production" Il estime que cela devait prendre "entre 6 à 12 mois" pour revenir à la normale.
D'autre part, dans le secteur de l'automobile, on travaille en "just in time", ce qui implique notamment qu'il n'existe pas de stocks. Ainsi, très rapidement, les chaînes d'approvisionnement ont été bloquées. De plus, ajoute Claude Cham, "si on travaille en commandes ouvertes avec les constructeurs, on travaille en commandes fermes avec nos fournisseurs".
"Savoir dépasser ces concurrences"
Pour affronter la crise, le président de la Fiev plaide pour "un dialogue transparent entre équipementiers, fournisseurs et constructeurs. A un certain niveau, les décideurs ont la capacité de dépasser ces concurrences car ce sont des questions de géostratégies." Et de citer notamment, l'exemple du secteur automobile au Japon qui a su mieux résister à la crise en raison de sa tradition ancrée des zaibatsu ou participations croisées dans son industrie.
Enfin, reste le sujet de la délocalisation de la production dans de nombreux secteurs industriels au détriment de l'Europe. une problématique sous-jacente depuis des années que la crise a amplifié. Ce que le président de la Fiev résume: "Il faut se poser la question de la souveraineté : quels sont les éléments indispensables pour fonctionner et quel degré de liberté on revendique sans être aliéné ?"