Agro-industrie, pourquoi revoir sa copie achats ?
Risque climatique et volatilité des prix, deux risques critiques qui poussent la réflexion de revoir les méthodes d'achat dans le secteur de l'agro-industrie. Mais comment ? Éléments de réponse avec Tanguy de Cottignies, cofondateur de Stokelp qui revient sur les vertus de la transparence et de la réorganisation des réseaux au service de la sécurisation des approvisionnements, de l'antigaspillage et finalement de la performance achats.

Comment gagner en flexibilité, transparence et mieux gérer ses approvisionnements et ses achats dans l'agro-industrie ? Une question qui mérite de questionner les méthodes. De fait, la relation entre acheteurs et fournisseurs est complexe. Les raisons ? Entre autres, le manque de transparence et une gestion de la saisonnalité qui se confronte aux exigences d'un marché de plus en plus volatil. « La coexistence de petites et grandes structures avec un tissu composé de 80% de PME illustre aussi une autre facette de la complexité du secteur. Mais, se cantonner à l'Europe permet de proposer des achats responsables, en évitant de recourir aux pratiques classiques de de sourcing international », explique Tanguy de Cottignies, fondateur de Stokelp.
Rétablir la transparence et réorganiser les réseaux
Selon Tanguy de Cottignies, « remettre de la transparence et recréer du réseau entre industriels et fournisseurs est le plus gros enjeu pour sécuriser et optimiser ses approvisionnements dans l'agro-industrie ». Habituellement, les industriels n'ont accès qu'à leurs fournisseurs référencés et ignorent l'existence d'autres acteurs de proximité sur le marché. Un problème d'autant plus aigu en France compte tenu du faible nombre de fournisseurs de matières premières au regard de la demande. « La présence de brokers complique également l'accès direct aux producteurs. Cette situation oblige les industriels à passer par des intermédiaires, limitant ainsi la flexibilité et la réactivité de leurs approvisionnements », décrit l'expert de la supply.
La décorrélation entre appels d'offres et saisonnalité des matières premières
Autre point critique soulevé par Tanguy de Cottignies, la discordance entre les périodes d'appels d'offres et la saisonnalité des produits : « un appel d'offres pour des matières estivales est lancé à partir de janvier. Ce décalage fausse la dynamique du marché. Alors que les industriels ne connaissent pas encore leurs besoins réels pour l'été, les fournisseurs de pays comme l'Espagne ou la Pologne se précipitent sur des offres inadaptées, engendrant des prix déséquilibrés et une concurrence déloyale ».
Diversification des risques tout en limitant la spéculation
Face aux risques liés aux aléas climatiques et aux imprévus de production, la diversification des sources d'approvisionnement apparaît comme une solution incontournable. Un exemple concret avec les framboises : « Il faut diversifier le sourcing pour ne pas dépendre que d'un pays. Pour les acheteurs de framboises qui ont un fournisseur principal en Serbie, nous pouvons leur proposer des alternatives venant d'Ukraine ou de Pologne », illustre le fondateur de Stokelp. Cette approche vise essentiellement à adapter les volumes aux cycles de production et à éviter la spéculation qui conduit à l'accumulation de stocks, lesquels peuvent être revendus à des prix artificiellement élevés.
Vers une économie circulaire et une gestion optimisée des stocks
Corréler les achats à la réalité du marché avec un lien direct avec les producteurs. L'approche permet également de lutter contre le gaspillage. « Regarder déjà ce qui est disponible sur le marché avant de procéder à de nouveaux achats permet de libérer parfois des stocks dormants", renchérit Tanguy de Cottignies. Ici la plateforme Stokelp permet de rassembler l'information sur les stocks en temps réel, qui offre ainsi aux industriels une photographie précise de l'offre disponible et qui facilite une gestion plus responsable des ressources.
En bref, « l'industrie agroalimentaire doit repenser ses méthodes d'achat pour s'adapter aux défis actuels. Et ce sont les industriels qui doivent être les moteurs du changement, en diversifiant leurs approvisionnements, en adaptant leurs stratégies aux saisons réelles et en favorisant une logique d'économie circulaire », conclut Tanguy de Cottignies. Une impulsion cependant ralentie par des objectifs européens qui imposent de lourdes contraintes avec une réduction des déchets d'au moins 20 % dans la transformation et la fabrication des aliments et d'au moins 40 % dans le commerce de détail, les restaurants, les services alimentaires et les ménages (Source Europarl.europa.eu).
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