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Formation des prix de la filière agro-industrielle, une urgence ?

Salon de l'agriculture et fin du cycle des négociation commerciales de la grande distribution obligent, la rédaction revient sur une équation pour l'instant en mal de réponses. Comment repenser la chaîne de valeur de la terre à l'assiette en contentant agriculteurs, brokers, acheteurs et consommateurs. Eléments de réponses à l'occasion d'une table ronde organisée dans le cadre du SIA Pro 2025.

Publié par Denica Tacheva le | Mis à jour le
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Formation des prix de la filière agro-industrielle, une urgence ?

" Quelques centimes en plus pour nous, des milliers d'euros pour eux. " La phrase résume le principe de redistribution juste défendu par Nicolas Chabanne, co-fondateur de C'est qui le patron ? Et cette phrase d'introduire le débat d'une chaine de valeur à reconstruire dans l'agro-industrie à l'occasion d'une table ronde organisée dans le cadre du SIA'PRO, le salon des professionnels de l'agriculture qui s'est tenue le 24 février 2025.

Un système à reconstruire : repenser la formation des prix

" Le prix n'est pas une variable d'ajustement, c'est une condition de survie. Nicolas Chabanne l'affirme : il est urgent de repenser la manière dont se forme le prix des produits agricoles. Son modèle de marque, loin de promouvoir des produits plus chers, cherche avant tout à appliquer le "juste prix". Aujourd'hui, le prix payé aux producteurs est souvent déconnecté des coûts réels de production, entraînant des marges faibles voire négatives pour nombre d'entre eux. Les producteurs se retrouvent souvent pris dans un engrenage où les prix sont dictés par des forces extérieures, notamment la grande distribution, qui pousse à la baisse pour fidéliser le consommateur. La récente augmentation des revenus agricoles moyens en Europe encore trop disparate selon les activités - avec des éleveurs de vollailes et de porc qui souffrent d'une baisse des revenus par exemple ne semble guère suffisante (Source: touteleurope.eu).

Marine Colli,s pécialiste des politiques publiques agricoles illustre par les chiffres : " En 2016, il manquait 8 centimes par litre de lait pour que les producteurs puissent vivre décemment. 8 centimes, c'est 4 euros par an pour un consommateur, mais 40 000 euros de chiffre d'affaires pour un producteur. "

Rien de neuf sous le soleil, Les David des champs sont toujours contre les Goliath des caddies. Les pratiques de la grande distribution et des industriels sont pointées du doigt : guerre des prix, promotions destructrices, pression sur les producteurs sur fond d'inflation pour le consommateur final. " Nous avons créé un modèle dans lequel la rémunération des agriculteurs dépend plus des négociations commerciales que de la réalité de leurs charges ", ajoute François Purseigle. Il appelle à une révision des mécanismes de fixation des prix, en intégrant systématiquement le coût de production et une marge minimale garantissant la viabilité des exploitations.

Édouard Bergeon, réalisateur de la Promesse verte et invité de cette table ronde évoque également les circuits courts comme alternative : " La vente directe ou via des coopératives permettrait aux agriculteurs de récupérer une part plus importante de la valeur ajoutée. Pourquoi ne pas inciter davantage ces modèles par des mesures fiscales ou des aides spécifiques ? "

Redonner du pouvoir aux fournisseurs grâce à la contractualisation long terme

Face à cette problématique, des initiatives émergent pour rééquilibrer la chaîne de valeur. C'est qui le patron ? en témoigne. La marque repose sur un principe simple : fixer un prix juste avec les producteurs et informer les consommateurs du véritable coût des produits. " On ne vend pas plus cher, on vend au juste prix ", insiste Nicolas Chabanne.

Mais la transparence seule ne suffit pas. Marine Colli plaide pour des dispositifs de contractualisation plus solides : " Nous devons aller vers des contrats pluriannuels avec des prix garantis, plutôt que de laisser les producteurs à la merci des fluctuations du marché. "

Autre piste évoquée : la sensibilisation des consommateurs. " Aujourd'hui, 70 % des ménages peuvent se permettre de payer quelques centimes de plus pour garantir une rémunération décente aux producteurs. C'est sur eux que repose une partie de la solution ", explique Nicolas Chabanne.

Bien évidemment, l'implication des pouvoirs publics peut également à modifier le rapport de force. " Une politique agricole efficace doit accompagner ces évolutions en soutenant des modèles plus vertueux et en régulant la concurrence ", conclut Marine Colli. François Purseigle insiste également sur le rôle des institutions européennes : " Il faut harmoniser les règles du jeu à l'échelle de l'UE pour éviter le dumping social et environnemental qui fragilise nos agriculteurs. "

1 CEVIPOF - Centre de recherches politiques de Sciences Po

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