Montée en compétence de l'écosystème achats, le levier incontournable de durabilité

Prenons un instant de recul. Notre monde s'est construit sur l'abondance de ressources bon marché, une ère qui ne sera pas éternelle. Et au-delà des contraintes physiques, c'est tout l'équilibre géopolitique qui se verra bouleversé par ce changement de paradigme. Ce constat, 60% des dirigeants français semblent le partager, estimant devoir repenser leur business model d'ici 10 ans pour garantir la pérennité de leur entreprise (27e édition - CEO Survey PwC).

Pour la fonction achats, cette adaptation répond à un enjeu double : assurer la résilience de la chaîne d'approvisionnement et améliorer son impact sur l'environnement et la société. Un tournant décisif qui s'oriente indéniablement vers des pratiques plus durables et innovantes, fondées sur la coopération écosystémique.

Mais comment orchestrer efficacement cette transition ?

Sensibiliser les acheteurs, c'est bien. Former tout l'écosystème, c'est mieux !

Pour réussir cette mutation, la fonction achats devra se transformer en véritable chef d'orchestre, fédérant l'ensemble de l'écosystème vers ce nouveau cap : demandeurs, utilisateurs, dirigeants, fournisseurs, juristes (voire même certains concurrents ?)... Et pour commencer, il est fondamental que tous les musiciens jouent la même symphonie.

Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises forment leurs acheteurs aux enjeux RSE, mais oublient les autres parties prenantes. Résultat : une compréhension fragmentée qui réduit souvent les achats responsables à des critères peu incitatifs, sans réel impact sur les modèles économiques des fournisseurs.

Il devient donc indispensable de former tous les acteurs de l'écosystème aux concepts, outils, et pratiques des achats responsables. Chacun pourra ainsi jouer sa partition avec le bon instrument, entouré des bons musiciens, et au moment exact où le rideau se lève ! Sans oublier les fournisseurs, car leurs achats, ce sont nos impacts (deux tiers des émissions liées aux achats proviennent d'au-delà des fournisseurs de rang 1 - Accenture Research analysis based on EXIOBASE 3 dataset, 2022).

La clé du changement : une approche sectorielle et collaborative des achats responsables

Après avoir établi une vision commune, il faut adapter les stratégies aux spécificités de chaque catégorie d'achats : circularité, écoconception, performance à l'usage plutôt que possession... Et pour y arriver, mieux vaut former que contraindre. Les entreprises doivent selon moi faire des achats durables une dynamique partagée en devenant des acteurs de la transformation de leurs fournisseurs.

Pour ancrer ces nouvelles pratiques dans la durée, les approches sectorielles structurées sont, d'après mon expérience, celles qui donnent les meilleurs résultats. Leur succès repose sur des plans d'action clairs, avec des objectifs précis, des échéances définies et une gouvernance dédiée. Il est également essentiel de favoriser des échanges réguliers entre les acteurs de l'écosystème afin de garantir une dynamique collective et d'ajuster les stratégies en continu.

Dans ma pratique professionnelle récente, j'ai pu constater à quel point une approche collective des achats responsables peut transformer en profondeur les modèles économiques. En effet, les acheteurs se limitaient souvent à des critères de notation peu structurants, sur l'emballage ou le transport. Mais après avoir réuni l'ensemble de l'écosystème de cette famille d'achats le temps d'une journée pour parler de circularité, l'impact a été radical : certains fournisseurs ont repensé leur modèle en intégrant la réparation des matériels achetés, tandis que d'autres se sont lancés dans la revalorisation en boucle fermée de composants qui, il y a peu encore, étaient considérés comme de simples déchets. Ces actions sont désormais valorisées dans les appels d'offres grâce à des pratiques d'achats responsables plus ambitieuses et donc plus impactantes.