La mobilité hydrogène est-elle mûre pour les flottes?
Les véhicules à hydrogène réalisent un sans faute écologique. Ils n'émettent ni polluants, ni CO2 et presque aucun bruit. Mais la rareté des points de recharge impose de cibler les usages avant d'introduire ces modèles dans les flottes.
Je m'abonneRevoilà l'histoire de la poule et de l'oeuf : les véhicules à hydrogène sont deux fois plus chers que leurs équivalents thermiques parce qu'il y a peu de demande, faute de stations. Pour sortir de cette logique, l'Ademe a annoncé, le21 janvier, un programme de soutien à la mobilité hydrogène dans le cadre du grand plan d'investissement. Une première phase de 80 millions d'euros a déjà amorcé une vingtaine de projets, soit 43 stations, avec l'objectif d'une centaine en 2023. En mars 2020, l'agence s'apprête à lancer un deuxième appel à manifestation d'intérêt pour faire décoller ce marché. "Nous sommes vraiment à un moment d'inflexion sur la mobilité hydrogène de la part des entreprises et des pouvoirs publics. De plus en plus de clients s'y intéressent, mais l'accélération ne se fera qu'avec l'aide des pouvoirs publics pour diminuer les coûts", évoque Caroline Le Mer, directeur H2E pour le cluster Europe du Sud ouest Air Liquide. Leader de ce marché avec 120 stations installées, ce spécialiste des gaz industriels s'est lancé dans une chasse aux volumes, autrement dit agréger le plus de clients potentiels autour de projets de station. Car le coût unitaire est élevé : de l'ordre d'un million d'euros. "Nous avons plusieurs modèles dont le développement de réseaux en investissant dans des consortiums", détaille Caroline Le Mer.
Des projets inter-entreprises
Preuve que ce marché n'est pas une chimère, on y trouve également un autre géant du gaz, Engie, et plus récemment, EDF. Depuis avril 2019, sa nouvelle filiale Hynamics est à la fois investisseur, exploitant et mainteneur de stations. Contrairement à 80 % de la production du marché qui provient du "vaporeformage", une transformation du méthane donc une base d'énergie fossile, Hynamics fabrique l'hydrogène par électrolyse de l'eau. Un procédé qui balaie les critiques sur l'impact environnemental de cette énergie. "Nous investissons dans des sociétés de projet qui vont vendre l'hydrogène à un certain nombre de clients. Nous travaillons dans une logique d'écosystème territorial", explique Christelle Rouillé, directrice générale de Hynamics. Là encore, la clé du succès réside dans l'agrégation d'utilisateurs : gestionnaires de véhicules légers, transporteurs routiers, utilisateurs de chariots élévateurs, sociétés de taxis... "Nous commençons par rassembler un certain nombre d'usagers de flottes plutôt captives. Notre seuil de rentabilité se situe au-dessus d'un mégawatt soit une consommation de 400 kg d'hydrogène par jour", précise la directrice générale. Pourtant, l'accès à l'hydrogène n'est pas fermé aux entreprises porteuses de projets plus réduits. McPhy est capable de proposer des petites unités, clés en main. Le "starter kit" est conçu pour délivrer 20 kg d'hydrogène par jour grâce à une alimentation par des bouteilles (ce qui implique de souscrire un contrat séparément avec un fournisseur d'hydrogène), suffisant pour faire rouler une flotte d'une dizaine de petits utilitaires. Ainsi, le ticket d'accès à la mobilité H2 est abaissé à 25 000 euros (hors travaux de génie civil). "Le starter kit permet de se familiariser avec l'hydrogène. Vu les faibles volumes, il n' y a pas d'intérêt à le coupler à un électrolyseur, qui devient pertinent à partir d'un besoin de 200 kg par jour", estime Laurent Carme, directeur général de McPhy.
Choisir son territoire
Avant de se lancer, mieux vaut choisir un territoire engagé dans le déploiement de stations, car il y a souvent des subventions publiques. L'appel à projet de l'Ademe fournira aux entreprises une liste des territoires les plus avancés. Parmi eux, la région Auvergne-Rhône-Alpes avec le projet "Zero emission valley" (ZEV). "Nous avons créé une société, Hympulsion, avec Michelin, Engie, des banques, des syndicats professionnels notamment, dans le but d'installer un circuit de distribution d'hydrogène", se réjouit Étienne Blanc, vice-président du Conseil régional. ZEV prévoit 70 millions d'investissements sur 10 ans pour faire sortir de terre 20 stations et 15 électrolyseurs. En outre, une enveloppe de subventions, intégrant des aides européennes, facilite l'acquisition d'un millier de véhicules H2, neufs ou d'occasion. À condition de s'engager à rouler au moins 8 000 km par an et à s'avitailler dans les stations de la région. Le coup de pouce, calculé en fonction de la consommation, est significatif pour les entreprises : entre 6 100 euros et 12 000 euros d'aides. D'autant que celles-ci se cumulent avec le bonus de l'État, de 3 000 euros. Il vient d'être confirmé pour des véhicules à hydrogène même ceux à plus de 60 000 euros. Un soulagement pour les constructeurs actifs sur ce marché tels que Hyundai avec son SUV Nexo (660 km d'autonomie). "C'est un peu le diesel de demain avec une grande autonomie et un faible temps de recharge", explique le constructeur qui en est à sa sixième génération de PAC. Même engagement chez Toyota avec la berline Mirai (550 km d'autonomie) dont le constructeur évalue les coûts d'usage en partenariat avec les taxis parisiens, Hype. "Les entreprises qui nous interrogent sont en mode expérimental car c'est une technologie nouvelle comme l'hybride il y a 25 ans", témoigne Arnaud Martinet, responsable du département ventes sociétés de Toyota France. En octobre 2019, la marque a dévoilé une Mirai II avec 30 % d'autonomie supplémentaire. Mais les japonais travaillent déjà sur une troisième génération qui pourrait être commercialisée à plus large échelle vers 2025 à un tarif compétitif, avoisinant les 40 000 euros. Dernier entrant sur ce marché, Renault vient d'intégrer Symbio, une PME qui propose des Kangoo ZE en y installant une pile à combustible (PAC). Le losange cible les utilitaires avec une nouvelle gamme "ZE H2" comprenant le Kangoo et bientôt le Master (dans le courant de l'année) .
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