"En travaillant les achats responsables, l'acheteur est utile et donc, reconnu"
Depuis son arrivée en tant que directrice achats groupe Crédit Agricole, Sylvie Robin-Romet, s'est beaucoup investie dans les achats responsables. Une approche vertueuse -pour le groupe et les achats - qu'elle parvient à faire adopter par des services aux identités et contraintes très distinctes.
Je m'abonneËtes-vous à l'origine de l'engagement RSE du Crédit Agricole ?
Loin de là ! Favoriser les achats durables est une priorité au Crédit Agricole. C'est dans notre ADN. Notre établissement est souvent appelé la Banque verte. Je me vois simplement comme un catalyseur. A mon arrivée à ce poste, en juin 2013, les idées étaient déjà là mais il fallait les inscrire dans un plan volontaire. C'est ce que je m'efforce de faire. Je mets en place des actions sur un périmètre groupe afin de donner une culture commune. L'objectif est ambitieux car la RSE ne se fait pas de manière ponctuelle. On a une véritable stratégie d'achats responsables ou on n'en fait pas. C'est uniquement ainsi que l'on est crédible.
Je travaille sur la RSE appliquée aux achats avec toute l'équipe dédiée, emmenée par Evelyne Austruy, notre responsable communication et achats responsables. C'est elle qui a impulsé le mouvement au Crédit Agricole avec sa collaboratrice, Virginie Coll. Leur dynamisme et leur volonté en font les ambassadrices des achats responsables.
La démarche RSE concerne-t-elle tous les services achats du Crédit Agricole ?
Au début, les achats responsables se sont développés en fonction de la sensibilité de chacun et de l'identité des différentes entités. Nous avons des acheteurs groupe en central, certaines entités ont des directions achats et des acheteurs à temps plein et d'autres entités sont organisées avec des référents achats. Les niveaux d'adoption de la démarche RSE y sont très différents et les leviers sur lesquels on peut jouer également.
Chacun participe à sa mesure, crée ses filières. La filiale paiement du groupe, par exemple, s'est intéressée à la dimension environnementale. Avec l'aide de la direction développement durable et de la direction achat, il a lancé la carte de paiement en PLA, à base d'amidon de maïs. Il n'a pas seulement créée un nouveau support de carte mais également une filière de recyclage qui récupère les cartes de paiements et s'assure de leur recyclage.
Quelle place accordez-vous au critère RSE dans vos appels d'offres ?
Le critère RSE, pour tous les achats Crédit Agricole, représente un taux de 10% dans notre grille d'analyse multicritère permettant de sélectionner les fournisseurs lors de nos appels d'offres. Ce n'est pas éliminatoire pour nos fournisseurs, mais cela contribue fortement à nos choix. Pour certaines familles d'achats, plus matures, le pourcentage peut être beaucoup plus élevé. Et si, pour certains appels d'offres, nous souhaitons absolument insister sur la dimension diversité ou environnementale, nous pouvons augmenter ce pourcentage.
La note en elle-même n'est pas suffisante. Ce qui m'intéresse c'est que les fournisseurs prennent conscience de l'importance de la démarche et que, en cas de maturité faible, nous puissions les rencontrer pour connaître leur plan de progrès et les aider à progresser.
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Avez-vous le sentiment que les acheteurs adhèrent à cette démarche ? Sont-ils objectivés en ce sens?
Absolument. Prenons l'exemple du programme Must (anagramme de mutualisation, synergie et transversalité), lancé il y a deux ans, qui veut permettre d'homogénéiser les politiques d'achats entre nos différentes filiales et de fixer une stratégie commune. Prescripteurs et responsables acheteurs se retrouvent dans ce cadre pour rédiger ensemble un cahier des charges. Depuis deux ans, les équipes ont travaillé sur 24 chantiers qui représentent les 24 plus grosses catégories de nos dépenses. On vient d'ajouter un 25e chantier, à la demande des responsables achats des différentes entités : son objectif est de formaliser la politique achats RSE.
Cette année, les acheteurs ont un objectif annuel sur le volume d'affaires dédié au secteur protégé. L'objectif étant d'augmenter de 50 % ce volume d'affaire global. Le choix final du fournisseur n'est pas de la responsabilité unique des acheteurs mais ils se doivent d'essayer d'influencer les prescripteurs. Un autre objectif, individuel, cette fois, est que chaque acheteur doit, chaque année, amener ses cinq fournisseurs majeurs à être évalués sur sa politique RSE.
Vous êtes signataire de la charte relation fournisseurs responsable - qu'en attendez-vous ?
La signature ne suffit pas. Il est important que nous soyons actifs dans les différents chantiers lancés par la Médiation inter-entreprises. Cela nous permet d'avoir un benchmark, d'échanger sur les bonnes pratiques et d'améliorer celles que nous mettons en oeuvre. Sur certains points nous sommes en avance et sur d'autres, nous avons des marges de progrès, notamment sur l'insertion, il y a des entreprises plus avancées. On est plus intelligents ensemble que seul. Cela permet de se comparer, de trouver de nouvelles idées. L'étape d'après est le label. Sa conquête nous permettrait d'accélérer le déploiement de notre politique achats responsables. Le label est un levier qui permet de mobiliser davantage les énergies. Cet audit va nous permettre de vérifier notre niveau de maturité et d'avancement. Et si nous ne l'obtenons pas, nous saurons ce qu'il nous reste à parcourir.
La RSE, c'est aussi de l'économie... Comment évaluez-vous le retour sur investissement ?
Dans la démarche achat, nous ne faisons pas de différence entre les achats RSE et les autres achats. La RSE est une dimension des achats, complètement intégrée. Lorsque le service informatique doit renouveler son parc, il doit financer l'élimination de l'existant. Mieux vaut donc créer de la valeur en créant une filière de recyclage avec le secteur adapté comme nous l'avons fait. L'ESAT avec lequel nous travaillons récupère les ordinateurs, les recycle. Habituellement, la destruction ne crée pas de valeur, là il y a un aspect social - on crée des emplois pour des personnes handicapées et en complément, l'aspect environnemental est également couvert.
Et à titre personnel, qu'en retirez-vous ?
Pour moi, agir pour des achats responsables est important car la fonction achat est une fonction pas assez reconnue. C'est le poil à gratter dans l'entreprise. Travailler les achats responsables donne une compétence supplémentaire, une véritable valeur ajoutée. La RSE amène une crédibilité. L'acheteur est aussi valorisé car il se sent utile et donc, reconnu.
L'acheteur n'est plus le cost killer mais la personne qui challenge le prescripteur sur la pertinence de son besoin et le fournisseur sur la qualité de son livrable. Cette démarche est un cercle vertueux.
Le parcours de Sylvie Robin-Romet :
Diplômée de l'ESLSCA, de la London Chamber of Commerce and Industry (également titulaire d'un MBA Essec), Sylvie Robin-Romet a débuté en 1983, au Printemps. Elle a rejoint Eurodisney en 1990. En 1995, elle a été nommée directrice de la centrale d'achats d'Eurodisney. En 2000, elle a rejoint le Printemps et a été nommée directrice du marché de la maison et de la papeterie. En 2004, Sylvie Robin-Romet a été nommée présidente de Kadeos (spécialiste de la carte et du chèque-cadeau) En 2007, elle a rejoint Accor Services en tant que directrice générale Accentiv/Kadeos. En 2008, elle a rejoint Crédit Agricole Consumer Finance, filiale de Crédit Agricole SA en tant que directrice générale adjointe en charge des activités France. En 2013, elle est devenue directrice des achats pour le groupe Crédit Agricole SA.