Comment ne pas se noyer dans l'océan de la digitalisation?
Au bureau, le nombre d'outils collaboratifs et/ou métiers pour simplifier les tâches quotidiennes des salariés explose. Quelles sont les règles pour ne pas se laisser submerger ?
Je m'abonne« Trop d'informations peut tuer l'information, trop de process peut nuire à la qualité au travail », rappelle Isabelle Carradine, associée spécialiste de la transformation de la fonction chats au sein de PwC France et Maghreb. Depuis la pandémie de Covid 19, l'explosion du nombre de plateformes de communication (Teams, Zoom, Google Meet, kMeet, Whereby, LiveStorm, Jitsi).... tout comme celle des outils métiers révolutionnent les modes de travail. Si l'ambition de ces outils semble vertueuse, leur surnombre peut finir par provoquer l'effet inverse et complexifier les usages et les échanges en lieu et place de les simplifier. Les entreprises en sont conscientes et afin de simplifier le quotidien des collaborateurs, elles se penchent sur l'expérience digitale vécue. « On ressent une volonté assez forte de rationaliser les outils mis à disposition des collaborateurs pour fluidifier les échanges et les usages, mais aussi pour compresser les coûts inhérents et les risques cyber et IT associés », constate Philippe Valo, associé spécialiste de l'expérience employé chez KPMG France.
Une juste articulation de la digitalisation des modes de travail
Se prévalant d'une vision holistique, le directeur des achats est à même de cibler les besoins collectifs, idéalement de concert avec la DSI. « Cela nécessite d'avoir mis en place une écoute active des besoins du marché, qui va notamment servir à définir la juste articulation de la digitalisation des modes de travail », appuie Filipe Torregrosa, associé responsable de l'offre Achats au sein de KPMG France. Le directeur achats peut également identifier ceux qui sont propres à chaque service pour assurer la bonne continuité de leur activité. « Il doit s'interroger sur la valeur et l'intégration des outils métiers au sein de l'écosystème », recommande Aldric Vignon, partner chez Argon & Co, cabinet de conseil en stratégie opérationnelle. . A lui ensuite d'opérer le benchmark, en restant ouvert aux nouveautés qui fleurissent dans ce secteur. Pour ce faire, « il faut qu'il soit suffisamment acculturé au digital. A défaut, il est impératif qu'il acquière des compétences pour comprendre les enjeux qui se dessinent. Les achats sont encore trop souvent en retard sur les sujets ayant trait à la data », considère Aldric Vignon. L'accent semble notamment se porter sur l'ajout de fonctionnalités d'intelligence artificielle afin d'améliorer l'expérience utilisateur.
L'IA et ChatGPT font leur entrée dans le jeu
Dans le domaine de la visioconférence, Microsoft veut par exemple rendre les réunions effectuées via sa plateforme Teams résolument plus intelligentes et sécurisées avec la prise de notes automatisées et les synthèses de réunion. Pareil pour Google qui vient de doter Google Meet de nouvelles améliorations en matière d'IA avec une série d'arrière-plans virtuels pensés pour améliorer la collaboration et la productivité. Plus largement, « le nombre de cas d'usages de l'intelligence artificielle en entreprise est exponentiel. Il peut être question d'employer les outils d'intelligence artificielle de gestion pour la définition automatique et adaptée au contexte de clauses contractuelles ou même de lancer un appel d'offres par le biais de ChatGPT ! », avance Isabelle Carradine. Avant d'opérer toute acquisition et/ou tout changement d'envergure, l'acheteur doit mener sa réflexion, en prenant en compte le niveau de services attendus et les habitudes internes. « Bon nombre de grandes entreprises ont envie de développer un portail depuis lequel chaque collaborateur pourrait accéder à toutes les fonctionnalités, outils, dossiers le concernant en quelques clics depuis son smartphone », synthétise Isabelle Carradine. La digitalisation répond souvent à une volonté de gagner du temps et de la lisibilité. « Elle peut apporter de la fluidité et des évolutions positives à condition d'être rendue opérable. Dans le cas contraire, elle peut générer de la complexité avec un flux de données incontrôlé à des endroits variés », souligne Aldric Vignon. Soumis à de nouvelles contraintes (conformité, RSE...), les SI Achats font l'objet d'une attention accrue. « Les acheteurs sont et vont encore être davantage amenés à manipuler de la donnée. Il est urgent d'automatiser les process pour s'inscrire en conformité et investir du temps pour que les acheteurs puissent pleinement se consacrer à l'expérience collaborateur. L'effort sur la qualité de l'usage technologique est résolument impactant en termes de remontée financière », résume Isabelle Carradine. Un effort est et doit clairement être porté sur l'ergonomie des solutions déployées avec des parcours collaborateurs revêtant de plus en plus les apparats des marketplaces de renom de l'univers btoc ; l'idéal étant d'impliquer toutes les parties prenantes pour améliorer le rendu et faciliter l'adoption.
Le taux d'adoption : la clé du succès !
Au-delà du choix des outils, c'est leur déploiement qui ne doit laisser aucune place à l'à-peu-près. Il doit être accompagné par le directeur achat qui doit définir les règles de gouvernance avec les équipes et participer à faire évoluer les compétences en interne. « Il doit veiller, avec le concours de la DSI en particulier, à ce que les collaborateurs apprennent à mieux maitriser la sécurité et la conformité de la donnée que ce soit celle de l'organisation ou celle de l'écosystème de partenaires de l'entreprise », donne en exemple Philippe Valo. Il doit s'assurer de leur acceptation par les collaborateurs et de leur prise en main. « Même si la plupart des outils évoluent vers de l'auto-formation, tous les collaborateurs n'ont pas la même maturité digitale. Il faut accompagner ce changement dans la durée en pensant à l'humain et vérifier sur le long terme leur employabilité», détaille Filipe Torregrosa. Les sessions de formations peuvent prendre plusieurs formes. Utiliser de préférence des formats courts et ludiques, comme les pitchs videos par exemple, qui s'avèrent plus efficaces. « Les ateliers d'appropriation avec, par exemple, une pelote de laine sont un moyen très concret pour les participants de comprendre l'impact et les apports de la digitalisation sur la simplification des process », illustre Aldric Vignon. Mettre en place des challenges peut être opportun avec le concours des technologies de digital adoption. InsideBoard, première plateforme de conduite du changement dédiée à l'adoption de la transformation numérique et portée par l'intelligence artificielle, peut à ce titre être indiquée. Elle peut servir à stimuler l'engagement des utilisateurs avec des séries de jeux et des compétitions amicales, à optimiser les parcours de formation individuels et à encourager l'autoformation. On l'aura compris, la conduite du changement dans la transformation digitale est l'un des points à ne surtout pas négliger. « La conduite du changement est la clé pour s'assurer de la réussite des transformations digitales. Les échecs de déploiement d'outils digitaux sont dans 75% des cas liés à un accompagnement insuffisant ou inapproprié », prévient Philippe Valo. Elle concerne aussi bien les équipes en interne que les partenaires extérieurs qui doivent être informés et guidés. « Il peut s'agir d'organiser une journée pour montrer aux fournisseurs comment sera le travail demain », illustre Isabelle Carradine. En bref, la révolution digitale peut amener son lot de réponses quotidien, à condition d'être portée par des directions averties. Sans compter qu'elle « tend aussi à devenir un critère de recrutement pour la jeune génération qui se passionne pour ces sujets », conclut Aldric Vignon.
« La digitalisation améliore notre fonctionnement interne et nos relations extérieures »
Le groupe d'assurances mutualiste Covéa a amorcé sa transition digitale achats dès 2013. Après avoir sollicité l'ensemble des parties prenantes, le groupe a déployé le SI Achats Covalue d'après la solution Ivalua, proposant un unique parcours achats pour ses clients internes. « Nous voulions que les parties prenantes (prescripteurs, acheteurs, fournisseurs) n'aient plus qu'un seul point d'échange interne et externe. Cette plateforme nous permet d'aller de la demande du prescripteur, à la diffusion des appels d'offres jusqu'à la co-construction des contrats envoyés électroniquement aux fournisseurs retenus. Mais également d'inviter les fournisseurs à pousser des sujets d'innovation ou d'interagir avec Covéa... Le retour sur investissement avait alors été atteint en moins de neuf mois. Aujourd'hui, Covea réfléchit à mettre en place une solution pour animer et regrouper les sollicitations externes reçues par mail, LinkedIn, etc. « La direction des achats teste actuellement un outil (Pulpr) pour harmoniser les échanges et optimiser les démarches commerciales. Si l'essai est concluant, la solution pourrait être utilisée pour améliorer le sourcing et superviser les sollicitations externes, faisant économiser du temps en interne comme en externe », ponctue Jean-Christophe Loyer.
Jean-Christophe Loyer, responsable du département achats de Covéa