Loi Climat : "l'impact économique sera important" pour les flottes de poids lourds
D'ici à 2040, les véhicules lourds roulant au diesel seront interdits à la vente, ainsi qu'à la circulation dans nombre de zones urbaines. Pour les entreprises qui exercent dans le domaine du transport, tel Fraikin, cela veut dire changer son parc mais aussi son organisation. Témoignage.
Je m'abonneLa loi Climat et Résilience a été votée en première lecture par l'Assemblée Nationale le 4 mai 2021. Elle vise une neutralité carbone en France d'ici à une vingtaine d'années. L'une des mesure principale de cette loi concerne les véhicules lourds roulant au diesel, qui seront interdits à la vente en 2040, et de nombreuses zones urbaines leur seront inaccessibles entre-temps, notamment en Ile-de-France. Olivier Dutrech, directeur de l'innovation du groupe Fraikin, raconte cette période de transition, entre la théorie et la pratique.
Comment envisagez-vous cette loi ? L'acceptez-vous?
Cette loi fixe un horizon assez lointain, on parle d'un phénomène qui n'arrivera qu'en 2040, mais les choses s'accélèrent. La transition énergétique, qui était un sujet vague pour beaucoup, devient de plus en plus concrète. La France va plus vite que le minimum imposé: on attendait la neutralité cartonne d'ici à 2050, elle a 10 ans d'avance. Nous nous apercevons que le fait d'interdire fixe un point clair dans le temps, c'est là le changement le plus important. 2040, c'est dans un peu moins de 20 ans, mais il y aura des étapes entre-temps, comme l'interdiction de circuler au diesel dans certaines zones. Ce qui change c'est que nous sommes passé à de la théorie à une période de forte concrétisation.
Nous nous réjouissons à la perspective d'avoir une empreinte environnementale la plus basse possible. Mais nous sommes dans un métier où il y peu les marges sont faibles, aussi les enjeux à venir sont-ils conséquents. Agir pour la transition énergétique, ce n'est pas uniquement changer son parc, mais c'est surtout changer son organisation. Aujourd'hui, les véhicules qui fonctionnent aux énergies alternatives représentent des coûts conséquents. Un véhicule plus cher qui ne permet pas la même utilisation, car il a une autonomie différente, génère des contraintes qui n'existaient pas auparavant, ce qui rend les choses plus compliquée. La loi Climat et Résilience est une bonne initiative, mais nous nous devons d'être un facilitateur; faire en sorte que le sujet ne soit pas anxiogène, mais plutôt une opportunité pour les clients.
Comment les entreprises comme la vôtre se préparent-elles à ces changements ?
Concrètement, il y a plusieurs étapes. La première est le devoir de conseil que nous devons à nos clients. Nous sommes sur des sujets complexes, avec énormément d'informations. Ce qui était simple l'est beaucoup moins à présent. La deuxième étape est d'accepter ce changement. Nous devons être en mesure de faire du conseil, mais aussi de mettre en pratique le discours que nous tenons. Et enfin, nous devons accompagner nos clients, par exemple sur l'éco-conduite, et l'entretien des véhicules à énergies alternatives, pour une meilleure application sur le long terme.
Estimez-vous suffisant le temps que vous laisse ce projet de loi pour renouveler votre flotte ?
Nous ne sommes qu'un maillon de la chaîne et donc dépendants des autres filières. Or, je crois que celles en charge de la création de véhicules à énergie alternative ne sont pas suffisamment armées pour gérer cette transition. Nous avons, nous, besoin d'une offre technique précise, donc des constructeurs qui produisent des véhicules pouvant utiliser ces énergies alternatives. Chaque gamme de véhicules doit correspondre à des cas d'usage, avec la puissance nécessaire. Par exemple, sur les utilitaires et poids lourds, nous avons besoin de véhicules qui vont assez loin. Ensuite, il faut que l'autonomie portée par le carburant soit compatible avec les besoins des clients. Il faut surtout que l'équation soit économiquement viable. Certains véhicules coûtent trois à cinq fois plus cher que des véhicules diesel. L'enjeu est là.
Quel en sera l'impact économique pour votre entreprise ?
L'impact économique sera important, puisque les véhicules écologiques seront plus cher à l'achat et plus cher à entretenir. Mais il faut voir cela de façon plus globale, notamment sur le coût de possession des clients. Le véhicule aura beau coûter plus cher, nous ne le loueront pas forcement à des tarifs différents. Si nous regardons le coût de l'énergie, certains modèles seront plus intéressants, dans certains cas d'usage, donc nous pourrons mettre en place un système vertueux.
Quelles alternatives au gasoil doivent être utilisées, selon vous ?
Cela dépend de l'usage. Si nous prenons les trois grandes énergies existantes - le gaz l'électrique et l'hydrogène - cette dernière a énormément de potentiel, mais elle est aujourd'hui excessivement chère. L'électrique est intéressant pour les véhicules légers, mais pas pour les poids lourds. L'offre qui commence à se mettre en place est très onéreuse par rapport à la performance proposée. Le gaz est aussi crédible. Cette énergie permet une meilleure autonomie, et des déplacements nationaux, voire internationaux. En somme, tout va dépendre de la façon dont va évoluer l'offre énergétique. Plus le réseau de "plein" va être dense, plus la technologie va s'améliorer, et permettre d'être crédible.
Avant ce projet de loi, aviez-vous déjà mis en place des initiatives visant à réduire votre empreinte carbone, si oui lesquelles ?
Nous étions déjà assez actifs dans notre démarche RSE. Notamment sur l'accompagnement de nos clients sur l'éco-conduite, que nous proposons déjà depuis quelques temps.
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