Norme ISO 50001 : quel impact pour les achats ?
Publiée en juin dernier, la norme ISO 50001 invite les entreprises à se doter d'un système de management afin de réduire leur consommation d'énergie et d'améliorer leur performance énergétique. Une invitation qui s'adresse aussi aux acheteurs.
Je m'abonne« Nous avons été la première entreprise au monde à décrocher la certification ISO 50001, puisque nous l’avons obtenue le jour même de sa publication officielle, le 15 juin dernier… », lance Gilles Simon, responsable environnement et énergie de Schneider Electric France.
Pour comprendre comment le groupe spécialisé dans la gestion de l’énergie a pu réaliser ce tour de force, il faut remonter le temps. Après avoir obtenu en juin 2010 la triple certification ISO 14001, HQE Exploitation et EN 16001 pour son siège social inauguré en 2009 à Rueil-Malmaison, Schneider Electric décide, dès le mois de novembre, d’adapter son système de management énergétique, mis en œuvre dans le cadre de la triple certification, aux versions de travail successives de la norme ISO 50001 alors en cours d’élaboration. Cette stratégie permet au site de Rueil-Malmaison d’être certifié par l’Afnor Certification dès le mois d’avril sur le dernier brouillon de la norme. Et comme le texte publié officiellement le 15 juin dernier reprend, à quelques virgules près, cette dernière version, le certificat provisoire est converti en certification officielle le jour même de la publication. « La première raison qui nous a incités à investir dans la norme ISO 50001, c’est la volonté de mieux maîtriser nos consommations et dépenses d’énergie, conformément à nos engagements d’entreprise citoyenne, explique Gilles Simon. La deuxième raison est liée à notre cœur de métier. Il est naturel d’appliquer à notre siège social, qui reçoit plus de 100 000 visiteurs par an, ce que nous proposons à nos clients. Nous avons donc mis en œuvre nos propres solutions sur ce site qui constitue la vitrine de notre groupe. »
ISO 50001 est une norme internationale d’application volontaire qui a pour objectif d’inciter les entreprises à mettre en œuvre une organisation afin d’améliorer leur performance énergétique. « Elle n’intègre pas d’objectifs chiffrés, précise Béatrice Poirier, chef de produit environnement et énergie au département Innovation et Développement d’Afnor Certification. Elle définit les exigences pour une feuille de route, qui commence par un engagement de la part de la direction, la nomination d’un responsable de l’énergie et la réalisation d’un diagnostic énergétique afin d’évaluer les usages énergétiques sur les bâtiments et les process. À partir de cet état des lieux, l’entreprise doit définir une politique énergétique et s’engager sur la mise en œuvre d’un plan d’action permettant l’amélioration de la performance énergétique de l’entreprise. »
Chez Schneider Electric, le diagnostic énergétique du bâtiment de 35 000 m2 a permis d’identifier une douzaine d’actions. « Par exemple, nous nous sommes aperçus que le bâtiment était ventilé pour 8000 occupants, alors que nous sommes 1850, illustre Gilles Simon. Pour réduire les débits de ventilation, nous avons déployé des capteurs de CO2 dans les bouches de ventilation afin de détecter si une pièce est occupée ou pas, et donc de savoir s’il faut la ventiler ou pas. » La norme ISO 50001 prévoit également la mise en place d’indicateurs de performance énergétique et d’un système de reporting. Dès qu’une entreprise estime répondre à toutes ces exigences, elle peut demander à un organisme de certification comme Afnor Certification, Bureau Veritas ou DNV de venir l’auditer. « La direction et les services impliqués sont interviewés. Un rapport est ensuite adressé à Afnor Certification, confie Béatrice Poirier. Un comité de certification décide alors d’attribuer ou non la certification pour une durée de trois ans. En sachant que les entreprises sont auditées tous les ans afin de vérifier que l’organisation mise en place produit toujours des résultats. À chaque fois, un nouveau rapport est rédigé et une décision de maintien ou non de la certification est rendue. »
Très classique dans son mode de fonctionnement, la norme ISO 50001 se signale par une nouveauté qui intéresse au premier chef les acheteurs : elle prévoit la prise en compte de la performance énergétique au moment de l’achat de services, de produits et d’équipements consommateurs d’énergie. Lors de l’achat d’un produit, l’entreprise doit également établir et mettre en œuvre des critères d’évaluation liés à l’usage de la consommation et à l’efficacité dans la durée du fonctionnement de ce produit. Enfin, elle stipule que l’entreprise doit informer ses fournisseurs que leurs offres seront en partie évaluées selon ce critère de performance énergétique.
« S’ils suivent ces recommandations, les acheteurs devront privilégier la notion de coût global, comme ils le font déjà dans le bâtiment ou l’automobile, et ne plus se focaliser sur le seul prix à l’achat, souligne Sylvie Riou, ingénieur expert à la direction de la production d’énergie durable de l’Ademe. Ce faisant, ils pourront réaliser de substantielles économies. Nous avons récemment réalisé une étude sur les moteurs intégrés dans l’industrie. Celle-ci a montré que l’investissement de départ ne représentait que 4 % de la facture globale, les 96 % restants étant liés à la consommation d’énergie. » Pour Béatrice Poirier, cette démarche systématique d’analyse des consommations d’énergie aura aussi une autre vertu. « Elle permettra aux acheteurs de mieux connaître les besoins énergétiques de l’entreprise, les pics de consommation dans la journée… Autant d’informations précieuses pour mieux négocier les contrats d’achats d’énergie. »
Fournier SA, fabricant et distributeur de meubles, n’a pas attendu la norme ISO 50001 pour s’engager dans une démarche environnementale. « Nous sommes en effet certifiés ISO 9001 et ISO 14001 depuis 2002, précise Pascal Bert, le directeur industriel et logistique. Et lorsque je parcours le texte de cette nouvelle norme, je m’aperçois que, comme M. Jourdain, je fais de l’ISO 50001 sans le savoir lorsque j’achète chaque année entre 15 et 20 M€ d’équipements et 2 M€ d’énergie. » Fournier SA évoluant dans un métier où l’on utilise beaucoup de bois et de panneaux de particules agglomérés, les sites sont donc chauffés avec des chaudières de type biomasse alimentées par leurs propres déchets. « En ce qui concerne les équipements, le critère énergétique n’est pas pour l’instant prépondérant dans l’achat des machines métier, souligne Pascal Bert. En revanche, nous avons remis à plat tous nos circuits de production d’air comprimé en installant des moteurs à vitesse variable et un système qui s’adapte en fonction des besoins. » L’entreprise a également amélioré la partie aspiration en s’équipant de ventilateurs qui possèdent de meilleures performances énergétiques et accélèrent le mouvement sur le diagnostic énergétique avec un système de comptage sectorisé automatique de la consommation. « Cela va nous permettre d’identifier de nouveaux gisements d’optimisation. Nous avons enfin décidé d’acheter de l’électricité “renouvelable” en acceptant de payer un léger surcoût sur notre principal site de production afin de renforcer notre approche environnementale. Cette stratégie nous a permis d’avoir une consommation d’énergie constante entre 2010 et 2011, alors que notre volume de production a progressé de 9%. »
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FOURNIER SA
Domaine d’activité : fabrication et distribution de meubles
Chiffre d’affaires 2010 : 222 M€
Volume d’achats 2010 : NC
Effectif total Groupe : 1 000 salariés
Effectifs achats : 12 personnes + 1 responsable Qualité Fournisseurs
Retrouvez cet article dans notre numéro de mars 2012 (DA 152, p.29-30)