Les achats durables, une vraie préoccupation... mais pas une priorité
Les directions achats repensent la gestion de leur supply chain pour limiter au mieux les émissions de GES lors du transport des biens et marchandises, optimisent leurs besoins et les achats en découlant, s'intéressent au cycle de vie des produits, verdissent leurs flottes automobiles, etc.
Je m'abonneLa réduction de l'empreinte carbone est citée par 52% des directions achats comme la contribution numéro 1 des achats à la stratégie de l'entreprise et détrône l'économie circulaire (citée à 63% en 2019), par les répondants à l'édition 2020 de l'étude "Tendances et priorités des départements achats", réalisée par le cabinet AgileBuyer avec le CNA. Conscientes du fort enjeu du réchauffement climatique et du risque d'image de l'entreprise, les directions achats repensent la gestion de leur supply chain pour limiter au mieux les émissions de GES lors du transport des biens et marchandises, optimisent leurs besoins et les achats en découlant, s'intéressent au cycle de vie des produits, verdissent leurs flottes automobiles, etc. Ainsi, la direction achats d'Enedis, filiale d'EDF, a lancé un marché supplémentaire pour le recyclage, d'ici à 2021, des 35 millions d'anciens compteurs d'électricité dans le cadre de l'installation de ses compteurs Linky.
Les directions achats participent également à la stratégie de l'entreprise dans le domaine de l'économie circulaire (à 36%). C'est notamment le cas de la SNCF qui a créé la Boutique Eco, un site de dons et matériels professionnels au sein de la SNCF dès 2018. Les directions achats citent la territorialité (à 32%) comme un axe de contribution à la stratégie de l'entreprise. Le Made In France et/ou l'achat de biens et services dans les territoires n'est plus anecdotique. Les directions achats ont conscience de l'impact de leurs actions sur le tissu économique local.
Notons qu'en 2021, le budget de l'Etat devrait intégrer "un budget vert", c'est-à-dire une évaluation de l'ensemble des recettes et des dépenses budgétaires et fiscales en fonction de leur impact sur l'environnement. Une mesure qui concernera fortement les acheteurs publics.
La moitié des directions achats a des objectifs achats liés au développement durable ou à la RSE
Si les achats responsables sont un leitmotiv pour les directions achats depuis des années, ils ne sont plus définis comme une priorité. Ainsi, seules 50% des directions achats avouent avoir des objectifs achats liés au développement durable ou à la RSE. Soit une remontée de 4 points par rapport à 2019. Mais les chiffres sont stables depuis 2014 et tournent aux alentours de 50%.
Les achats responsables : l'atout du secteur public
Les achats publics semblent plus vertueux dans le domaine des achats responsables puisqu'ils sont 72% à avoir des objectifs en termes de RSE (soit 5 points de plus qu'en 2018) contre 48% des entreprises du secteur privé (soit également 5 points de plus qu'en 2018). Ceci s'explique en partie par le fait que les règles de la commande publique sont plus contraignantes sur le sujet. Notons toutefois une hausse de 5 points à la fois dans le secteur public et le secteur privé sur le sujet des achats responsables par rapport à 2019.
Sans surprise, les premières entreprises concernées par des objectifs RSE sont les grosses entreprises de plus de 5000 salariés. Les effectifs achats sont souvent plus nombreux avec des équipes dédiées à la RSE et le risque d'image et la réputation des grandes entreprises est plus souvent mis à mal sur des sujets aussi sensibles. Rappelons-nous du scandale du chinois Foxconn, sous-traitant d'Apple ou de l'effondrement du Rana Plaza en 2013 et de l'impact sur l'industrie vestimentaire internationale.
"Notre groupe s'est doté d'objectifs ambitieux en termes de RSE", commente Sylvie Robin-Romet, directrice des achats groupe du crédit Agricole. "Les équipes achats sont associées sur des sujets tels que la neutralisation de nos émissions de carbone, le chantier de la mobilité (transports, voyages...politique véhicules) ou encore l'élimination des plastiques."
Les secteurs les plus impactés par les objectifs RSE sont la communication-médias (à 80%), suivi du tourisme-transport (à 80%) et de l'agro-alimentaire-hôtellerie-restauration (à 65%). Le secteur du tourisme et du transport remonte en 2020 de la 5e place à la 2e place en reléguant au passage le secteur de la banque et de la finance en 5e position. La prise en compte des émissions de GES et l'importance du poids du bilan carbone explique sans doute ce bond du secteur du transport et du tourisme en tête de classement. Les directions achats elles-mêmes s'appliquent à revoir leur politique voyages en limitant les déplacements de leurs collaborateurs si cela n'est pas jugé utile.
Les factures fournisseurs, un combat
C'est un des chiffres clés de l'étude 2020 : 68% des directions achats font des factures fournisseurs un de leur combat pour faire respecter les délais de paiement en interne. Qui dit respect des délais de paiement dit amélioration du processus du traitement des factures fournisseurs. Le tout, dans un contexte de dématérialisation. Ainsi, après les entreprises de plus de 5000 salariés et les personnes publiques en 2017, les ETI (en 2018), les PME (en 2019), cela va être au tour des TPE de passer à la facturation électronique dès le 1er janvier 2020. Les factures fournisseurs concernent avant tout les TPE avec 80% des répondants. Cependant, les écarts entre les tailles d'entreprise ne sont pas si importants et ce sujet concerne l'ensemble des organisations. Ainsi, les grandes entreprises (plus de 5000 salariés) sont concernées par le sujet à hauteur de 69%.
La réduction du nombre de fournisseurs n'est plus autant une priorité pour les entreprises
La réduction du nombre de fournisseurs n'est plus un objectif prioritaire pour les directions achats. C'est un outil parmi d'autres qui contribue à la réduction des coûts fixes (gestion administrative) et des coûts variables (massification par concentration). La limite est la préservation de la concurrence. Le pourcentage des répondants ayant un objectif sur ce sujet ne cesse de diminuer depuis 2016 (57% des directions achats interrogées voyaient la réduction de leur panel fournisseurs comme une priorité contre 43% en 2019). En 2020, le taux remonte de 3 points ce qui semble peu significatif et reste sous la barre des 50.
Lire aussi : Les achats, fer de lance des politiques publiques ?
Sur le podium des familles d'achats concernées, on trouve le secteur de l'immobilier/BTP (à 59%), suivi de la mécanique/métallurgie/textiles (à 56%) et de l'industrie lourde (à 53%). C'est un bouleversement par rapport à l'année 2019 où figuraient en tête l'automobile avec 57% des répondants (reléguée en 2020 à la 5e place), l'aéronautique et la défense (reléguée à la 8e place) et l'agro-alimentaire-restauration-loisirs (relégué à la 9e place).
"L'objectif de réduction du nombre de fournisseurs n'est pas une fin en soi", estime Arnaud Choulet, CPO de Korian. "Ce qui est important, pour une entreprise comme Korian qui a un réseau national, c'est d'avoir une performance fournisseur homogène. Pour la maintenance, par exemple, afin d'avoir des prestations performantes, nous avons une stratégie de référencement régionale."
Lire tous les sujets traités dans le cadre de cette enquête:
Les grandes priorités des services achats en 2020
Les achats se détachent (un peu) de la réduction de coûts
"Made In France" ou pays à bas coût : les achats à l'heure du choix
Les relations donneurs d'ordre-fournisseurs se rééquilibrent
La fonction achats accélère sa digitalisation
Les achats côté RH : une grande satisfaction et quelques désagréments