Norme NDC : où en est le secteur ?
Deux ans après l'annonce de Lufthansa de surtaxer les réservations via les GDS pour pousser les acteurs du travel à adopter la norme NDC, où en est le secteur ? Comment se positionnent les agences de voyages et les GDS ? Et les travel managers dans tout cela, y trouveront-ils leur compte ? Explications.
Je m'abonnePour le moment, la visibilité reste mauvaise sur l'impact réel de la NDC sur le secteur du voyage d'affaires, mais une chose est sûre toutefois, il ne s'agit pas d'un épiphénomène sans conséquence. Tous les acteurs du secteur en sont convaincus.
Mais qu'est-ce que la NDC ? Créée par l'Iata, la norme NDC, pour New Distribution Capabilities, est une technologie qui permet de passer d'un langage technicien à un langage utilisateur dans le but d'établir un standard de distribution hors GDS. L'objectif affiché dans les compagnies aériennes est une meilleure mise en valeur de leur qualité de service grâce à une visibilité clarifiée des frais ancillaires. Un excellent moyen de favoriser la vente de services complémentaires d'une part et la désintermédiation de la relation client d'autre part. " Le chiffre d'affaires sur la vente de services complémentaires représente aujourd'hui environ 50 Mds € pour les compagnies. La NDC pourrait leur permettre de multiplier ce chiffre par cinq ", estime Christophe Drezet, directeur du pôle mobilité chez Epsa. Par ailleurs, faire baisser le coût de l'intermédiation (estimé entre 22 et 25 % du coût d'une réservation) au profit de la vente directe, plus génératrice de marge, est également dans leur intérêt.
On comprend donc bien pourquoi les compagnies aériennes poussent à l'adoption de la NDC. Celles qui sont à l'origine des GDS il y a 20 ans, ces mêmes GDS devenues aujourd'hui toutes-puissantes sur le marché, sont donc en train de bouleverser toute l'organisation de la chaîne de réservation actuelle. De fait, en septembre 2015, Lufthansa créait l'émotion en annonçant une surtaxe de 16 euros pour chaque billet émis via une GDS. "Fait isolé !", voulaient se rassurer les agences de voyages. "Tant qu'Air France ne s'y met pas...", disaient d'autres. Et justement, Air France vient d'annoncer qu'elle appliquerait, elle aussi, une taxe GDS dès avril 2018. D'autres compagnies ont suivi le mouvement, à savoir Ukraine International Airlines et IAG, qui regroupe notamment British Airways et Iberia. American Airlines a également annoncé au début de l'été dernier un programme qui encouragerait financièrement les agents à adopter une connexion NDC.
Bien sûr, le changement s'effectuera sur le long terme. Aujourd'hui, seulement 37 compagnies ont déployé la norme NDC, 113 sont en cours de déploiement et seuls 44 fournisseurs de technologie sont certifiés. " C'est somme toute encore marginal mais émergent ", indique Julien Chambert, spécialiste travel du cabinet CBT Conseil. Les compagnies ont encore besoin des GDS, sans quoi la perte de visibilité serait trop importante. C'est pourquoi elles n'attaquent pas de front les agences de voyages. La charge supplémentaire induite par les taxes GDS a en effet impacté le client final et non les agences. Il n'empêche, les compagnies ne feront pas machine arrière : " La taxe GDS de Lufthansa lui a permis de générer 400 M€ supplémentaires que la compagnie peut réinjecter dans une politique tarifaire très agressive ", analyse Julien Chambert. L'évolution semble désormais inéluctable. " Nous ne sommes pas encore en mesure de savoir quand la NDC sera mature. Sans doute pas avant trois à cinq ans du fait des résistances probables des GDS et des agences, estime Lucien Isnard, administrateur AFTM et coprésident du think tank Marco Polo déplacements professionnels. Mais nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère avec de grosses évolutions en perspective. " Toute la question est de savoir comment vont réagir les GDS, et si les TMC parviendront à transformer leur modèle économique en devenant des experts du conseil. " Car c'est tout l'écosystème du marché qui en sera modifié ", prédit Julien Chambert.
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Quelle position pour les GDS et les TMC ?
" Aujourd'hui, les agences gagnent de l'argent sur les incentives des GDS. Si demain, les GDS évoluent d'un rôle de distributeur à un rôle d'apporteur de technologie (ce qui semble en train de s'amorcer), elles n'iront plus chercher la rémunération auprès des compagnies aériennes mais bien des agences de voyages. On assistera alors à une inversion des flux ", explique Julien Chambert. Seules les TMC qui feront l'effort technologique de se connecter à la NDC s'éviteront cette charge. Mieux, la NDC peut leur permettre d'apporter une véritable différenciation en termes d'offres, de vendre mieux ou plus de services additionnels. " Déjà, certaines TMC ont développé des places de marché capables d'attaquer les GDS et les compagnies aériennes et proposent ainsi une offre très challengée en agrégeant différents canaux de vente dans un seul package ", détaille Julien Chambert. La NDC sera donc un très bon moyen de vendre beaucoup plus de services, très en amont.
Quel effet cela aura-t-il pour le travel manager ? Car in fine, c'est toujours sur le client final que l'impact est le plus fort. " Que les TMC aillent capter directement les offres auprès des compagnies, pourquoi pas ? Mais n'y a-t-il pas là un risque de concentration du marché des TMC et, si on va plus loin, de perte de compétitivité et potentiellement de prise en otage des travel managers ? ", s'interroge Jérôme Bonnepart, travel manager chez Arkema et délégué des régions à l'AFTM.
Sur quel pied dansera le travel manager ?
À en croire les spécialistes du secteur, l'effet de concentration des agences de voyages arrivera de toute façon, soit par le biais technologique, soit par le biais de l'expertise conseil. En revanche, il n'y aura pas forcément de perte de compétitivité du simple fait que structurellement les agences n'auront plus du tout les mêmes types d'offres. " Elles ne pourront pas toutes intégrer et négocier de la même façon l'ensemble des services additionnels proposés par chaque compagnie aérienne ", rassure Julien Chambert. Cela peut changer la façon de vendre, d'acheter et de négocier l'aérien. Avoir une meilleure visibilité sur les services, les intégrer ou les interdire dès l'amont dans sa politique voyage va permettre au travel manager d'avoir plus facilement une vision du coût complet et de réduire les notes de frais. " Sur le prix d'un billet, il manque parfois jusqu'à 30 % du coût en raison des frais ancillaires. Or, plus les dépenses peuvent être intégrées en amont, meilleure sera la politique voyage. Elle n'en sera que mieux comprise et mieux suivie ", note Julien Chambert. Bien utilisée, la NDC pourrait donc être une opportunité pour le travel manager d'avoir une vision globale travel & expend et de faire évoluer son métier vers celui de mobility manager. " Une chose est certaine, il est essentiel de se saisir du sujet dès maintenant afin de se poser les bonnes questions et de pouvoir anticiper un minimum ", conseille Lucien Isnard, administrateur AFTM et coprésident du think tank Marco Polo.
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