Comment les travel managers peuvent-ils accompagner la non mobilité des collaborateurs ?
La Covid a bouleversé, voire paralysé, le secteur du voyage d'affaires. En réponse, les travel managers apprennent à composer avec des législations mouvantes, des protocoles sanitaires stricts, des annulations de dernière minute, tout en se devant de rassurer et d'assurer la sécurité de tous.
Je m'abonneLe confinement n'a pas épargné les travel managers. "Cette fonction n'a pas vraiment connu le chômage partiel ou, du moins, pas à temps plein", avertit Christophe Drezet, directeur associé au sein d'Epsa Groupe. Au contraire, il a fallu gérer en urgence les annulations de dernière minute et le rapatriement des collaborateurs en voyages à l'étranger. Et mettre au point des solutions de retour, parfois tarabiscotées, pour contourner les fermetures de frontières.
Les travel managers ont dû accompagner et s'adapter à la non mobilité des salariés de l'entreprise, revoir sans cesse leurs process internes et réévaluer les conditions de la politique mobilité en vigueur. Encore à l'heure actuelle, "un voyage long-courrier peut être annulé 24 heures seulement après sa réservation. En France, les déplacements nationaux ont repris timidement, mais sous certaines limites ou contraintes. Les collaborateurs pensent plus naturellement à la visioconférence ou, le cas échéant, ont tendance à privilégier le train par rapport à l'avion pour des durées de trajet inférieures à 2 h 30 ou même la voiture de location pour s'éviter le port du masque durant plusieurs heures", synthétise Michel Dieleman, président de l'Association française du travel management (AFTM). En clair, la Covid-19 n'a pas fini de perturber les politiques voyage des entreprises...
Une chose est certaine, elle a considérablement accéléré l'adoption des solutions numériques de visioconférence et va, de fait, réduire le budget des déplacements professionnels, au moins à court terme.
Les rendez-vous virtuels préférés aux rencontres physiques ?
"Nous prévoyons un retour à des tendances plus normatives d'ici à 2022-2023", anticipe Michel Dieleman. À terme, l'épidémie sanitaire peut et doit aussi amener à redessiner les contours de sa mobilité future, afin de la rendre globalement plus vertueuse.
Nul ne doute que la visioconférence sera encore plébiscitée par les collaborateurs dans les mois à venir ; surtout par ceux qui privilégient le télétravail et peinent à retourner dans les locaux de l'entreprise. Zoom, Meet, Teams, Skype, à chaque entreprise sa préférence. Zoom semble avoir particulièrement tiré son épingle du jeu, puisqu'il a vu son nombre d'utilisateurs multiplié par vingt sur un seul trimestre.
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Employé auparavant essentiellement pour les rencontres en interne, cet outil a également convaincu durant le confinement pour orchestrer le pilotage d'un projet en externe, mais aussi pour prospecter ou même signer des contrats. "Aujourd'hui, il n'est pas utile d'imposer la visioconférence dans votre entreprise, car l'ensemble du personnel est déjà convaincu de sa pertinence, de sa facilité d'utilisation et de ses résultats. À un moment, il faudra sans doute faire la promotion des déplacements professionnels, jugés fatigants et contraignants sur le plan horaire", prévient Christophe Drezet.
Effectivement, il semble que les collaborateurs soient, pour certains, peu enclins à reprendre les déplacements professionnels du fait du contexte sanitaire ambiant et/ou du risque qui plane de se retrouver bloqué dans une zone rouge au cours d'un voyage. Surtout pour les vols long-courriers qui peuvent être soumis à des règles complexes et strictes et/ou répondent à un dispositif d'approbation interne. "À l'heure actuelle, les directions de sécurité et de sûreté, lorsqu'elles sont présentes dans l'entreprise, sont souvent consultées dans un souci de précaution et de prévention des voyageurs. Sur des zones à fort risque, on peut exiger une approbation au niveau Comex", met en avant Michel Dieleman.
Si le nombre de voyages d'affaires va être réduit à moyen terme et suppléé par les plateformes collaboratives, le voyage n'en reste pas moins une démarche déterminante pour entretenir les liens, la motivation et les relations d'affaires. "Le principal challenge des travel managers pour les mois à venir va être de parvenir à rétablir le lien de confiance avec les voyageurs, afin qu'ils aient envie et qu'ils osent reprendre l'avion et le train", confirme Christophe Drezet. Cela passe notamment par la poursuite d'audits réalisés auprès des hôteliers et compagnies aériennes, afin de veiller au bon respect des protocoles de sécurité sanitaire et de la mise en place des mesures barrières. Cela impose un travail minutieux sur chacune des destinations ou des étapes dans lesquelles sont susceptibles de se rendre les collaborateurs.
De la même façon, il convient de vérifier les conditions de rapatriement pour rassurer les voyageurs et éviter les aléas comme les surcoûts. Aujourd'hui, la plupart des travel managers s'interrogent aussi sur les capacités opérationnelles et financières de leur agence de voyage partenaire. "Nombreux sont ceux qui réfléchissent à des solutions de backup pour enclencher un plan B si leur prestataire venait à cesser brusquement son activité, en cas de dépôt de bilan, par exemple", constate Christophe Drezet. Dans un tel contexte insécurisant et fluctuant, il appartient au travel manager d'être particulièrement transparent et de donner aux employés l'accès libre aux informations stratégiques. Tout comme il lui incombe de réfléchir dès maintenant à l'après-Covid.
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Un programme pour décarboner la mobilité
Crise sanitaire impactant les économies mondiales, la Covid-19 fait figure de catalyseur de tendances sur des sujets aussi éloignés que sont, par exemple, la télémédecine ou l'organisation du travail. "Il y a, enfin, une prise de conscience environnementale et une réelle volonté de préserver la planète", reconnaît Christophe Drezet. Les stratégies RSE se font échos dans les grands groupes, impactant tous les services de l'entreprise. Les travel managers ont les moyens d'agir dans le bon sens en repensant la politique voyage, afin de la "verdir". Ils peuvent ainsi instaurer un programme d'économie de CO2 pour décarboner la mobilité. "Il est grand temps de ne plus se focaliser uniquement sur des restrictions financières, mais plutôt de se concentrer sur la recherche d'économies environnementales. C'est le moment de tout remettre à plat et de s'inscrire en conformité avec une politique écoresponsable. Tout cela ne peut avoir comme impact qu'une limitation des déplacements professionnels", traduit Christophe Drezet. Cela nécessite de définir des objectifs et des règles précises en matière de déplacements professionnels, de mettre en place un suivi et de définir des indicateurs axés sur la défense de l'environnement et la sécurité des collaborateurs. "Vous pouvez affecter des quotas d'émissions de CO 2 par collaborateur ou leur fixer également des objectifs à atteindre", cite en exemple Christophe Drezet.
Cela peut amener à concevoir un programme de récompenses pour les voyageurs se prévalant d'un profil écoresponsable. Bien sûr, ce changement doit être accompagné et impulsé par une communication positive et responsabilisante. En règle générale, "ces nouveaux modes de pilotage sont appréciés par les équipes. Il semble plus simple de les faire adhérer à ce volet environnemental plutôt que de les contraindre à des limites budgétaires", rassure Christophe Drezet. Bref, il est temps de construire une mobilité pérenne et profitable à tous.
Témoignage
"Notre politique mobilité doit être verte, partagée et adaptée aux usages"
Melaine Pouchain, responsable des services aux collaborateurs chez Metro France
En décembre 2019, Métro France décide de doter l'ensemble de ses collaborateurs d'un ordinateur portable. "Cela faisait suite à une opportunité commerciale, et non à une prémonition", indique Melaine Pouchain, responsable des services aux collaborateurs chez Metro France. La DSI avait accompagné leur prise en main et, notamment celle de la plateforme collaborative Teams, accessible depuis le navigateur Microsoft. Cette forme de communication est venue pallier l'absence de voyages d'affaires durant le confinement. Depuis le 11 mai, "les grands voyageurs, c'est à dire ceux qui réalisent au minimum deux à trois déplacements professionnels par semaine ont le droit de reprendre les voyages d'affaires. A eux de vérifier, toutefois, si la mobilité est impérative ou si l'échange peut avoir pareille finalité via Teams. Pour les autres catégories de voyageurs, la politique interne prévoit une autorisation hiérarchique pour valider chacun des déplacements".
Pour se tenir régulièrement informés, les collaborateurs ont la possibilité de se renseigner sur l'évolution de la pandémie et de ses répercussions depuis l'intranet. "Nous avons développé une page spéciale covid 19 pour avertir des ouvertures de trajets, du respect des gestes barrière des partenaires voyage ou des numéros à contacter en cas de rapatriement." Si les voyages d'affaires reprennent timidement depuis le déconfinement, Métro France cultive ses ambitions RSE. "Le télétravail forcé nous a permis d'avancer plus rapidement sur notre stratégie de mobilité qui doit être verte, partagée et adaptée aux usages. Nos collaborateurs ont pu tester et juger de la pertinence d'une plateforme collaborative comme Teams." Le Groupe pourrait adjoindre à sa politique des indicateurs qui tiennent compte de l'empreinte CO2 lors des voyages d'affaires ou plus largement lors de tout déplacement. "Nous pourrions développer des KPI sur l'éco-conduite", illustre Melaine Pouchain. Le Groupe vient ainsi de rejoindre le réseau d'autopartage Ubeeqo pour réduire son empreinte carbone.