Hausse du prix des matières premières : comment les entreprises peuvent-elles y faire face ?
Les entreprises subissent encore les incertitudes et les chocs de la crise sanitaire. Et, alors que la relance économique repart, elles doivent faire face à l'explosion des cours des matières premières... Quelles actions mettre en place pour limiter l'impact de cette hausse et retrouver leur croissance d'avant crise?
Je m'abonneLa hausse des prix des matières premières et ses conséquences sur la trésorerie, déjà mise sous tension en 2020 et 2021, est au coeur des réflexions des entreprises. Celles-ci se doivent d'imaginer des nouvelles approches pour sécuriser les achats, adapter la production, gérer les chaînes d'approvisionnements, etc. Une mission qui peut paraître impossible pour un grand nombre d'entreprises, et pourtant des solutions existent pour traverser, voire même, sortir de cette crise.
Renouer les relations partenariales : la solution négociée
L'approche la plus évidente est celle de trouver des compromis avec les fournisseurs. Cela passe par une diplomatie accrue et des stratégies de négociation bien réfléchies. Il faut identifier les pain points, ou points de friction, du fournisseur pour essayer de trouver un compromis, car la hausse du prix des matières premières le concerne directement. Cependant, les fournisseurs sont confrontés à d'autres problématiques tout aussi importantes : la gestion de la trésorerie, la rentabilité de l'entreprise, le besoin de trouver du cash pour leurs impayés. Tous des facteurs clés pour la reprise de l'activité.
Le renouvellement de la relation partenarial avec le fournisseur peut être bénéfique pour les deux parties prenantes. Puisque le sourcing a toujours été un élément à prendre en compte pour le risk management (même avant la crise sanitaire), tisser des liens très étroits avec le fournisseur est central à la démarche d'achats. Cela facilite la renégociation de contrats, qui peut être une action à déployer. L'avancement des impayés, la diminution des échéances, l'accord sur des formes de crédit : l'acheteur peut proposer d'aider le fournisseur sur une problématique ponctuelle (la fluidité actuelle de la trésorerie) contre la réduction du prix de la matière première achetée.
Dans le cas où les fournisseurs sont basés à l'étranger, l'utilisation d'experts déjà implantés dans le pays peut être une stratégie à envisager, notamment dans les pays tels que la Chine, qui reste fermée aux voyageurs étrangers. En faisant appel à un cabinet de conseil avec une filiale sur le territoire chinois, les échanges avec les fournisseurs, le contrôle du matériel et le respect des normatives existantes peuvent être assurés. C'est l'option à privilégier pour garantir l'approvisionnement en Asie jusqu'au moment où la Chine rouvrira ses frontières.
Élargir le panel de fournisseurs
Selon la nature de l'activité et la relation fournisseur existante, les entreprises peuvent décider d'élargir leur sourcing pour explorer les alternatives sur le marché. La crise sanitaire avait déjà ébranlé la gestion de la chaîne logistique, avec plusieurs dizaines d'entreprises prêtes à bouleverser toute leur chaîne de production et relocaliser en France. Les supply chains furent recomposées lorsque l'approvisionnement en Chine s'est arrêté, et ceci a favorisé l'apparition de nouveaux acteurs sur le marché, notamment en Europe de l'Est.
Au moment où la reprise économique se poursuit et que la Chine semble revenir sur le marché, il est fort probable que les turbulences subies par les fournisseurs continuent jusqu'à la stabilisation du marché d'approvisionnement mondial. Le moment est opportun pour explorer les alternatives existantes et réfléchir à une stratégie d'approvisionnement qui puisse limiter les impacts de l'explosion du prix des matières premières. En faisant appel à des fournisseurs différents, les entreprises peuvent trouver des solutions alternatives à cette hausse.
Même si celle-ci est conjoncturelle, les ruptures dans la supply chain continueront de menacer la production, surtout si l'approvisionnement en provenance de la Chine repart sans un plan " B " pour anticiper d'éventuelles crises futures (désastres naturels, conflits armés, crises diplomatiques...).
Travailler sur les spécificités techniques : le Redesign To Cost
Une alternative à la hausse du prix des ressources est d'employer une stratégie de " Redesign To Cost " dans laquelle le produit puisse garder ses spécificités techniques tout en utilisant des pièces et des composants moins chers. Cela demande un travail de recherche et développement, aussi bien que de design, pour arriver à un produit final sans sacrifier la qualité requise pour satisfaire la clientèle.
Les contraintes de cette approche sont évidentes : l'investissement et le temps nécessaire pour développer le produit ; la présentation au marché du nouveau produit retravaillé et la génération de bénéfices pour la société, qui sont toutes des actions interdépendantes, à exécuter avec soin.
C'est pourquoi la décision de lancer un projet de Redesign To Cost ne doit pas être prise à la légère. Même si à long terme cela peut représenter une diminution considérable des coûts de production et un produit mieux positionné sur le marché, le risque de perdre la confiance du consommateur est réel, sans prendre en compte les facteurs imprévisibles - comme une pandémie mondiale - qui peuvent bousculer le marché.
Réfléchir à des nouvelles méthodes de stockage
Une solution parallèle qui vient complémenter les actions précédemment nommées est l'utilisation du stockage pour augmenter le volume de la commande et pouvoir mieux négocier le prix actuel. Cette stratégie permet aussi de faire face aux crises futures en sécurisant l'approvisionnement.
La fonction du stockage peut être revue comme axe stratégique à incorporer dans la recherche d'optimisation de ressources si la nature de celles-ci permet d'envisager un temps de stockage prolongé. La recherche d'entrepôts supplémentaires, ou la négociation avec l'entrepôt déjà utilisé pour augmenter la taille de stockage, sont tout autant des démarches à prendre en compte pour accéder à un espace plus important et sécuriser les ressources.
Toute perturbation liée à la chaîne d'approvisionnement doit être gérée avec créativité et agilité. C'est en mobilisant plusieurs métiers et fonctions que les entreprises peuvent dessiner des stratégies efficaces pour faire face à la problématique de l'augmentation du prix des matières premières.
Cela n'est pas inouï : les entreprises sont constamment obligées de surmonter les défis successifs qui font partie de leur activité. C'est la raison pour laquelle une approche intelligente, capable d'intégrer les meilleures pratiques dans l'activité à futur, est la clé de la réussite. Ainsi, même si la crise de ressources est conjoncturelle et devrait passer avec le temps, l'évaluation et la mise en place de nouvelles stratégies dans l'approvisionnement peuvent être une opportunité pour avancer sur d'autres axes, connexes, comme les achats plus responsables et la politique RSE l'entreprise.
Pour en savoir plus
Yannick Huon, directeur EPSA Operations & Procurement, expert supply chain. C'est un spécialiste de la supply chain, des achats et de la transformation organisationnelle des entreprises. Il a plus de 25 ans d'expérience accumulées dans ces domaines et plus de 10 ans d'expérience dans le développement commercial des entreprises en Chine. Il a une connaissance approfondie des structures industrielles internationales.