Crise des matières premières: les achats de Michelin s'adaptent
Comment la direction achats de Michelin fait-elle face à la crise du transport maritime et aux pénuries? Sa directrice des achats, Hélène Paul, nous explique pouvoir, notamment, compter sur le lien très fort établi avec ses fournisseurs.
Je m'abonneComment analysez-vous les difficultés actuelles - pénurie/ hausse de matières premières, etc. ?
Les difficultés d'approvisionnement en matières premières que nous connaissons aujourd'hui, ont commencé dès le premier trimestre 2020, du fait de la crise du transport maritime, provoquée par l'épidémie de COVID 19. Des capacités maritimes réduites, une demande très forte en biens de consommation courante et une main d'oeuvre affectée par l'épidémie, puis, dès l'automne, un redémarrage économique plus rapide que prévu, ont provoqué des perturbations sans précédent dans la chaîne de distribution mondiale : congestion dans les ports, déséquilibre mondial du positionnement des navires et des containers, fiabilité historiquement basse des dates de départ et d'arrivée, et une inflation majeure des prix du transport intercontinental.
La crise sanitaire n'est pas terminée. Le rééquilibrage des capacités de transport va prendre du temps. Les compagnies n'annoncent pas de retour à la normale avant le début de l'année prochaine.
Au-delà de cette crise du transport maritime, nous faisons également face à des tensions sur la disponibilité de certaines matières premières. La crise a provoqué des pertes de capacités de production dans toutes les régions du monde. La vague de froid polaire qui a sévi aux Etats-Unis en février dernier a accentué les difficultés et les niveaux de stocks n'ont pas été reconstitués depuis l'automne dernier. Il y a actuellement une demande forte en matières premières à laquelle les marchés ont du mal à répondre et les tensions en termes d'approvisionnement sont très fortes.
Comment Michelin est-il impacté?
La crise du transport maritime a fortement impacté notre approvisionnement en caoutchouc naturel depuis l'Asie du sud-est et l'Afrique vers l'Europe et les Amériques. Nous sommes également impactés sur d'autres matières premières qui ne peuvent pas être sourcées localement.
Comment faites-vous face ?
Nous avons plusieurs atouts pour faire face à cette crise. Le premier atout est la qualité de nos relations avec nos fournisseurs : en effet, nous avons développé des relations stables dans la durée, une confiance et un respect mutuel, qui permettent d'assurer un support privilégié de part et d'autre.
Notre deuxième atout est la robustesse de notre gestion des risques : une cartographie des risques marchés/fournisseurs, renouvelée chaque année et à partir de laquelle nous définissons des plans de continuité. Ces plans s'appuient sur une moindre dépendance à certains pays, des sourcings alternatifs, des stocks stratégiques et des substitutions de produits.
La crise vous a-t-elle poussé à travailler sur de nouveaux matériaux? Avez-vous changé votre politique achats à la lumière des derniers événements?
L'introduction de nouveaux matériaux ou matériaux substitutifs dans nos chaînes de production ne peut pas être une réaction à court terme. C'est un sujet de R&D qui demande beaucoup de temps. Nous le considérons très en amont, dans le cadre de notre politique de gestion de risque.
Cependant, en situation de risque grave avéré, nous pouvons accélérer la mise en place d'un sourcing alternatif.