La RSE tire la filière événementielle vers le haut
La prise en compte croissante des problématiques RSE par les acteurs de l'événementiel a permis à l'ensemble de la filière de se structurer et d'innover en développant de nouvelles compétences en matière de gestion durable des événements.
Je m'abonneL'obtention par la France de grands événements comme la coupe du monde de rugby en 2007 et l'Euro de football en 2016 a tiré le marché de l'événementiel vers le haut et permis au secteur de beaucoup évoluer. Et si les sites d'accueil et fédérations sportives ont des niveaux de maturité différents, tous se professionnalisent et se structurent notamment autour de nouvelles préoccupations de société comme le développement durable et l'impact environnemental des événements. Les démarches achats responsables se multiplient auprès des prestataires et organisateurs d'événement.
En plus d'avoir une action sur l'impact environnemental, la démarche achat responsable joue sur les critères extra financiers des entreprises, les économies en termes de consommation et la gestion des risques (nombreux dans l'événementiel). "Il y a eu une vraie prise de conscience dans l'événementiel. Alors qu'il y a quelques années on ne se posait pas trop de questions, aujourd'hui les donneurs d'ordre s'intéressent à toute la chaîne de valeur, avant, pendant et après événement. Il y a de gros enjeux en matière d'énergie et de déchets sur le secteur", souligne Sylvère Chamoin, fondateur et dirigeant de Sycalima Conseil et ancien directeur achats du Consortium Stade de France. Quand, auparavant, tous les matériaux -bois, moquettes et autres- partaient en déchetterie sans autre forme de procès, aujourd'hui s'en est fini du gâchis, les acteurs cherchent à réutiliser et recycler au maximum. "Il en va de même pour les sites d'accueil. Désormais on essaie de construire des sites éphémères mais réutilisables", indique Sylvère Chamoin.
Un changement d'attitude donc. "L'événementiel est une activité visible qui embarque beaucoup d'acteurs économiques et porte donc une responsabilité importante. Il est essentiel de sensibiliser les acheteurs aux stratégies d'achat responsable durable (ARD)", insiste Xavier Parenteau, directeur associé de Herry Conseil, spécialisé dans l'événementiel responsable et ancien directeur développement durable et innovation au Consortium Stade de France. Car il n'y a pas d'événement sans achats, ni d'orchestre sans chef d'orchestre.
C'est l'acheteur qui garantit la valeur d'éco-responsabilité
En posant des jalons forts en termes de RSE dans la rédaction d'un marché ou en utilisant l'ISO 20121 (norme de management responsable dédiée au secteur événementiel) comme colonne vertébrale du marché qu'il adresse, l'acheteur lance un signal aux acteurs du secteur. La maîtrise d'ouvrage publique a fait avancer la filière en donnant l'impulsion. "L'acheteur peut mettre en place différents critères spécifiques, des critères d'amélioration continue, d'outillage autour de la maîtrise des risques. La fait de fonctionner en coût global, d'acheter au juste besoin et de questionner les fournisseurs prestataires sur leur fonctionnement et leur apport de valeur environnementale sont également très importants. La puissance de l'acheteur pour porter la valeur éco-responsable dans l'organisation d'événement est énorme", estime Xavier Parenteau.
Etant donné le montant des commandes, les achats constituent un levier fort de changement et l'acheteur un influenceur de poids. "Ma devise est "Je suis ce que j'achète". Il est donc important de se poser les bonnes questions pour acheter mieux, en réalisant des économies, avec moins de risques, pour in fine générer moins d'impact", explique Xavier Parenteau. C'est sans doute pourquoi l'un de ses premiers objectifs lorsqu'il oeuvrait au Stade de France a été de sensibiliser les achats aux ARD en créant un binôme achats/développement durable. "Avant, pendant et après un événement l'objectif de toutes les parties prenantes doit être de laisser le moins de traces négatives, le moins de dettes possible. Les enjeux sont importants car ils s'évaluent à 360°. Je m'explique : un événement implique un territoire (qui devra répondre à des enjeux de rayonnement, d'ancrage et de small business act au niveau des achats), un lieu (qui aura, lui, des enjeux en matière de construction et d'exploitation) et un organisateur (qui devra répondre à des enjeux en matière de coordination, d'accueil, de décor et de sécurité)."
Aujourd'hui tous les acteurs commencent à aligner leurs démarches RSE. "L'achat événementiel responsable fait tache d'huile, les prestataires s'équipent et s'organisent. Si tous les wagons se raccrochent c'est aussi par ce qu'ils sont poussés par les mécènes et sponsors, en général de grands acteurs du service à l'instar de Bouygues, Orange, Engie ou Schneider, qui acceptent de moins en moins que les organisateurs et prestataires n'intègrent pas une démarche responsable cohérente avec leurs enjeux", souligne Xavier Parenteau.
Les impacts se font sentir
Pour preuve la norme ISO 20121, qui certifie le management responsable dans l'événementiel, se développe et il est de plus en plus important pour les acteurs, quels qu'ils soient, d'être certifiés. Cette norme dont les grands principes sont : devoir de vigilance, devoir d'inclusion, intégrité et transparence, comporte un important volet achat et permet d'organiser et d'optimiser les process. "On ne certifie pas l'événement mais l'organisateur de l'événement. C'est donc bien la méthode, la gouvernance qui est visée", souligne Xavier Parenteau. De plus en plus d'organisateurs d'événement engagent des démarches de certification. La Ville de Paris, le Stade Vélodrome de Marseille, Lacoste (traiteur) et les Transmusicales de Rennes pour ne citer que ceux-là sont tous certifiés ISO 20121.
Autres impacts concrets de ce mouvement de fond, l'évolution des normes de sécurité sur les chantiers événementiels et la création en 2017 de la Charte éco-responsable des événements sportifs, lancée par le ministères des Sports et la WWF. Celle-ci comporte 15 engagements que les signataires s'engagent à remplir à horizon 2020 dont 25% de déchets en moins et 60% de déchets réutilisés, recyclés ou valorisés; 100% de la consommation d'énergie et d'eau maîtrisée et optimisée ou encore 80% d'achats intégrant des critères de sélection RSE. Cette charte qui regroupe aujourd'hui tous les grands donneurs d'ordres de l'événementiel était à l'origine destinée aux organisateurs mais le 11 juin prochain elle s'ouvrira aux acteurs de l'équipement et aux gestionnaires de lieux. De grands lieux et acteurs de l'événementiel (stades, arènes, acteurs de l'équipement et parcs des expositions) ont déjà prévu de la signer.
"Historiquement les événements musicaux étaient les plus engagés dans ces démarches mais le monde du sport en France a rattrapé son retard et porte désormais le leadership au niveau européen car c'est un secteur très observé par l'Europe de par son rayonnement et les enjeux d'employabilité qu'il porte", explique Xavier Parenteau. La France étant l'une des premières destinations touristiques mondiales, l'événementiel a un rôle crucial à jouer. "Le fait que la France obtienne l'organisation d'événements de grande ampleur (coupe du monde de rugby en 2023, Jeux Olympiques en 2024 par exemple) montre que nous avons des compétences à faire valoir. Cela permet à l'ensemble de la filière, acheteurs compris, de continuer à progresser pour prendre pleinement son rôle à l'échelle mondiale car les enjeux économiques, sociétaux et environnementaux sont énormes", conclut Sylvère Chamoin.