[Point de vue] Achat responsable : un levier de performance, d'ancrage local et de développement économique ?
"L'achat responsable contribuera à donner du sens à une démarche de performance plus globale. Elle doit d'ailleurs toujours s'appuyer sur le ROI lié aux actions d'une politique d'achats responsables."
Je m'abonneLe développement durable impose de reconsidérer le management des entreprises et des ressources humaines, mais pas seulement. Il oblige aussi à revoir les supply chain et implique des changements structurels, culturels et même entrepreneuriaux. Le contexte actuel aura forcément des impacts sociétaux significatifs pour de nombreux secteurs économiques. De nombreuses filières doivent repenser leur chaîne de valeur, leur business model pour survivre, pour accélérer la sortie de crise, et pour continuer à se développer...
La bienveillance économique, un état d'esprit au service des achats durables
Le concept d'achat responsable est un sujet qui ne laisse pas indifférent. La perception, la sensibilité de l'acheteur sera un facteur déterminant dans son positionnement sur le sujet. L'achat responsable contribuera à donner du sens à une démarche de performance plus globale. Elle doit d'ailleurs toujours s'appuyer sur le ROI lié aux actions d'une politique d'achats responsables. Les relations entre l'acheteur et les fournisseurs dépendent de nombreux facteurs, mais l'état d'esprit de l'acheteur est un facteur clé dans sa façon d'être, de se comporter avec les fournisseurs. La situation actuelle nécessite encore plus de discernement dans l'approche fournisseurs, surtout dans le cadre d'actions de performance. La bienveillance économique des acheteurs envers les fournisseurs qui seront fragilisés prend tout son sens et contribue au maintien des écosystèmes/des filières, dans le cadre d'une démarche de responsabilité totale.
Des solutions concrètes pour l'acheteur, source de performance responsable
L'acheteur dispose de leviers pour redéfinir la productivité/la performance grâce à une meilleure allocation des ressources et un pilotage repensé de la dépense lui permettant de réaliser des économies "vertes" et continues impactant la structure de coûts de l'entreprise comme, par exemple :
-L'éco-conduite permet de réduire la consommation de carburant, de limiter l'émission de gaz à effet de serre, de diminuer le risque d'accident, de réduire les coûts d'entretien des véhicules, d'augmenter la durée d'utilisation des véhicules et d'améliorer la valeur résiduelle des véhicules ;
-L'autopartage dans le cadre de gestion d'une flotte automobile d'entreprise permet de réduire le parc automobile, de limiter l'émission de gaz à effet de serre, d'augmenter le taux d'utilisation et de réduire les coûts d'entretien des véhicules ;
-L'utilisation de matériaux réutilisables et/ou recyclables pour la réalisation d'événements, de stands, permet d'éviter la création de déchets, de réduire l'empreinte carbone et la sur-consommation ;
-La mise en place de recyclage alimentaire lors d'événements et l'intégration de fournisseurs issus de l'économie sociale et solidaire, permet de réduire le gaspillage et contribuer au retour à l'emploi pour des personnes en situation de précarité ;
-L'intégration d'une démarche numérique responsable ou éco-TIC dans la gestion des activités informatiques et digitales au travers de plusieurs leviers de performances :
* Rationaliser les infrastructures de stockage permet de diminuer la consommation énergétique et les achats d'équipements ;
*Mettre en place des pratiques d'impression écoresponsables permet de réduire la consommation de papier, d'électricité, de cartouches/toners, le recyclage des composants d'impression ;
* Prendre en compte des critères environnementaux et sociaux dans le choix des solutions et des produits tout au long du cycle de vie (gestion de fin de vie, produits éco-labellisés) permet d'atténuer l'impact de l'obsolescence programmée, d'inciter les fabricants à développer des filières de composants écoresponsables, de réduire la consommation énergétique ;
* Mettre en place une gouvernance numérique responsable permet de maîtriser l'impact environnemental des infrastructures informatiques et des services numériques.
Toutes ces solutions, basées sur une démarche de conduite du changement, nécessitent une réflexion en TCO voire TVO.
Lire la suite en page 2: De l'achat responsable à l'achat inclusif
De l'achat responsable à l'achat inclusif
L'achat inclusif a pour objectif de développer l'écosystème local des PME/ETI, de soutenir les entreprises de l'économie sociale et solidaire ou d'insertion ainsi que les centres d'aide par le travail. Ce nouvel axe vise notamment à pousser une autre réflexion sur les filières d'approvisionnement afin qu'elle intègre ces structures et leur savoir-faire dans un processus de développement économique. C'est un des axes d'une politique inclusive, à destination des personnes en situation de précarité, qui a pour vocation de développer le tissu économique local. Il est important de préciser que la notion d'ancrage territorial est un facteur déterminant dans la démarche. Le champ d'intervention de ces sociétés a beaucoup évolué, et elles adressent aujourd'hui différentes typologies d'activités.
Cependant, pour les entreprises du secteur adapté ou de l'économie sociale et solidaire, la complétude des besoins clients est souvent compliquée à assurer. Pour réussir à gérer cette problématique, il est préconisé d'inciter les fournisseurs historiques à s'orienter vers de la co-traitance avec ces fournisseurs, ce qui leur permet ainsi de s'adosser à un acteur qui apportera une complémentarité nécessaire. Cette approche permettra de créer des écosystèmes locaux et d'aider ces structures à étendre leurs domaines d'application.
Au préalable, il conviendra d'intégrer dans le dossier de consultation un critère de sélection pour inciter les fournisseurs à intégrer ce dispositif. Rappelons que, ce segment de marché fournisseurs est un segment de marché comme les autres et qu'il bénéficiera du même processus de sourcing ; il s'agit uniquement d'une autre forme de collaboration. Pour créer du lien, l'organisation des moments de rencontre avec les entreprises du secteur adapté et protégé, des PME/ETI, des entreprises du secteur solidaire et sociale et les donneurs d'ordres internes permettra d'identifier les offres et les capacités de ces structures. La conséquence directe sera de créer du lien et des opportunités. L'acheteur sera le meilleur ambassadeur pour ces différentes sociétés.
Ces pistes de réflexion sont autant d'orientations pour l'acheteur lui permettant de répondre aux objectifs de performances et de développement durable, même si parfois elles peuvent paraître antinomiques. La crise actuelle et le principe de réalité qui en découle oblige l'acheteur à renforcer son exigence de performance dans la démarche achat responsable. L'acheteur a encore de nombreuses pistes de "performance verte" à investiguer, il devra pour cela intégrer la RSE dans son mindset, conduire le changement en interne et en externe et s'assurer que la raison d'être de la fonction achat est bien alignée avec celle de l'entreprise.
Par Raphaël Belliere-Lottier, directeur général adjoint en charge des achats, du digital et de l'innovation au sein du cabinet Meotec