Lean purchasing et excellence opérationnelle des achats
Le lean purchasing améliore la performance et la productivité du service achats. Au-delà des bénéfices quantitatifs, la cohérence et l'efficacité qui en résultent créent des synergies entre les services de l'entreprise, génèrent un grand confort de travail et donnent un sens à la fonction achats.
Je m'abonneDans les années 1950, au Japon, l'économie est exsangue, et le pays à reconstruire. La question essentielle est alors de produire suffisamment pour les besoins du pays avec des ressources très limitées. Dans ce contexte singulier, les ingénieurs de Toyota définissent les premiers fondements des méthodes industrielles qui aboutiront à la mise en place des principes et outils que nous utilisons encore aujourd'hui (Muda, management visuel, Poka Yoke...).
Ces concepts furent ensuite repris, améliorés et modélisés aux États-Unis à partir de la fin des années 1980 par le MIT (Massachusetts Institute of Technology) avant de connaître le succès auprès de toutes les grandes puissances industrielles mondiales.
La théorie sous-jacente initiale du lean management est l'excellence opérationnelle. Ces méthodes, qui ont largement montré leur efficacité dans la gestion des flux physiques (production), peuvent être transposées dans la gestion des flux d'informations, et plus généralement auprès des fonctions support, au premier rang desquelles la direction des achats.
Mais si la démarche reste identique, il existe cependant des spécificités d'application dans ces contextes de flux d'informations qu'il convient de prendre en compte, notamment la nature "immatérielle" de certains flux et des moyens, qui rend plus complexe l'identification des leviers de gains par les équipes. Le sentiment "on a déjà tout essayé, on ne peut rien faire, ce n'est pas chez nous" s'en trouve renforcé.
Pour autant, après en avoir pris conscience et avoir identifié des sources de gains, la recherche de solutions et les résultats sont rapides et très concrets.
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Un puissant levier d'amélioration et de transformation
Les entreprises ont besoin de souplesse et de réactivité pour optimiser leurs coûts et pour être compétitives sur leurs marchés. Réduire les circuits de décision, limiter le temps nécessaire entre la conception d'une idée et sa mise en oeuvre deviennent une nécessité. Aujourd'hui, le volume d'achats d'une entreprise peut représenter jusqu'à 80% de son chiffre d'affaires. Pour des raisons de rentabilité, les entreprises ont externalisé des fonctions, des compétences et des capacités (stratégiques et non stratégiques). Les achats, en tant qu'acteurs privilégiés entre les services de l'entreprise, d'un côté, et entre l'entreprise et ses fournisseurs, de l'autre, doivent nécessairement jouer un rôle de chef d'orchestre pour mettre en oeuvre des démarches et des outils efficaces et interopérables impactant les résultats.
Les fonctions achats ont tout d'abord été créées pour réduire les coûts d'achats par la mise en concurrence et la massification des achats, des actions simples et efficaces qui ont rapidement donné des résultats. Par conséquent, les portefeuilles achats bien travaillés produisent de moins en moins de gains ou de productivité. Il s'agit, désormais, de trouver de nouveaux leviers de transformation, sur une échelle de temps plus longue, mais avec des perspectives de gains plus importantes et durables. Les enjeux actuels s'articulent autour de deux leviers.
- Acheter moins : contrôle affiné des consommations, passage d'une obligation de moyens à une obligation de résultats, suivi professionnalisé de l'exécution des contrats (fréquence des points et des indicateurs), adéquation avec les besoins réels des utilisateurs internes...
- Acheter mieux : démarches de simplification, de standardisation, redéfinition à coût objectif, mise en oeuvre de plans de productivité et de meilleurs services (délais, ponctualité...), en ligne avec les contraintes des fournisseurs et les besoins de la chaîne de valeur de l'entreprise
Les auteurs
Philippe Lame est dirigeant associé du Kaizen Institute après une carrière de cadre puis de dirigeant dans l'industrie. Expert en excellence opérationnelle, concepteur et animateur de formation, assure la mise en oeuvre des missions de lean manufacturing et de lean purchasing.
David Brechet est diplômé de l'Edhec, exerce depuis 15 ans dans le conseil et la prestation. Manager d'une équipe de consultants opérationnels et stratégiques chez Meotec, cabinet de conseil spécialisé en management des achats.
Savoir imposer sa légitimité et son leadership
Le constat global est sans appel: la direction des achats n'est pas toujours considérée à la hauteur des enjeux qu'elle porte. Quelle est la perception des achats par les services de l'entreprise ? En général, en interviewant un service interne à propos des achats, nous entendons souvent : "Nous n'achetons pas cher, mais nous finissons toujours par payer plus à la fin", ou encore "ils ne connaissent pas nos métiers, nos contraintes et ils nous font perdre du temps..."
Quelle est la perception des services internes par les achats? "Nous arrivons toujours trop tardivement dans le processus achats..., on ne nous considère que comme des passeurs de commandes...": le constat n'est pas meilleur. Or, il est prouvé que plus le service achats intervient en amont du projet, plus il apportera de la valeur ajoutée (orientation de la solution retenue en optimisant le triptyque coût/qualité/délai +?service, réel pouvoir de négociation avec les fournisseurs,?etc.).
Pris séparément, les enjeux, les contraintes et les leviers des services de l'entreprise peuvent générer des frictions, des divergences. Mais si nous regardons plutôt le verre à moitié plein, le rapprochement entre les services ne peut qu'engendrer des opportunités de performance.
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Donner un sens et de la cohérence
Chaque service de l'entreprise peut individuellement, et avec le plus grand professionnalisme, prendre des initiatives, mais prises indépendamment, elles peuvent être improductives, car non coordonnées ou dissidentes. Seule une approche globale, de nature à intégrer l'ensemble des parties prenantes de la chaîne de valeur (au sein de l'entreprise mais également les clients et fournisseurs), donnera des résultats tangibles. Ainsi, en parlant le même langage, acheteurs et prescripteurs peuvent se réconcilier autour d'un même objectif commun : créer plus de valeur pour le client final.
Il s'agit de saisir une opportunité de formaliser une fois pour toutes les processus achats et les bonnes pratiques dans un référentiel société, de les uniformiser dans le cadre d'une structure internationale multisite ou multiculturelle, de faciliter l'intégration des nouveaux ou même de favoriser les passerelles avec les gens venant d'autres secteurs ou métiers de l'entreprise (par exemple un chef de projet industrialisation qui viendrait aux achats)
Lire aussi : Compliance et achats responsables - Comment naviguer entre réglementation et création de valeur ?
Les bénéfices d'une démarche lean purchasing
La mise en oeuvre d'une organisation achats en mode lean purchasing améliorera indéniablement la performance du service et sa productivité.
Au-delà des bénéfices quantitatifs (plus de savings), la cohérence et l'efficacité qui en résultent créent des synergies entre les services de l'entreprise, génèrent un grand confort de travail et donnent un sens et de l'intérêt à la fonction achats. Les relations avec les principaux fournisseurs s'établiront dans un cadre plus standardisé pour bâtir des relations partenariales sur le long terme. Ce n'est pas sans intérêt, car cela permettra également d'aller chercher une bien meilleure productivité et de profiter plus facilement des innovations des fournisseurs.
Finalement, le lean purchasing consiste à éliminer les non-valeurs ajoutées en revisitant la chaîne de valeur et en concentrant ses ressources sur les actions à forte valeur ajoutée pour le service achats. Il a aussi pour vertu de professionnaliser le métier de l'acheteur en instaurant des processus solides et répétables qui aboutissent à une certification de type "green/black belt". Cette maturité nouvelle (processus, formalisme, maîtrise des sujets) participe activement à la légitimité et à la reconnaissance de la fonction achat dans l'entreprise.