Enquête : Une fonction achat de plus en plus attractive !
L'enquête du cabinet Demos en partenariat avec Décision Achats pointe les grandes tendances et évolutions de cette profession en pleine mutation. Si la réduction des coûts arrive toujours en tête des objectifs, la création de valeur, la gestion du risque fournisseurs et l'innovation progressent.
Je m'abonneQuel est le visage des directions achats en 2015 ? Quels sont leurs chantiers prioritaires ? Qu'est-ce qui fait "vibrer" les acheteurs ?
L'enquête annuelle réalisée par le cabinet Demos en partenariat avec votre magazine Décision Achats apporte des réponses, sur la base de témoignages de plus de 250 acheteurs (privés et publics) issus majoritairement du secteur industriel (56,8 %).
Le profil type des répondants : un acheteur (61,2 %) masculin (56,8 %) âgé de moins de 30 ans (31,6 %), de 30 à 35 ans (25,2 %) et de 41 à plus de 45 ans (29,6 %), d'un niveau d'études bac +4/5 (39,8 % sont issus d'une école de commerce, contre 16,5 % d'un cursus achat et 14,6 % d'une école d'ingénieur).
"Les profils issus d'écoles de commerce sont intéressants pour la fonction achat."
"Comme l'acheteur doit aujourd'hui avoir une vision supply chain, les profils issus d'écoles de commerce sont intéressants pour la fonction achat", souligne Muriel Guillemot, consultante Demos et formatrice achat et supply chain.
Tour d'horizon des six grandes tendances relevées pour 2015-2016...
Sans surprise, la réduction des coûts ou "optimisation des dépenses" reste la priorité pour 47,1 % des répondants. Les acheteurs se concentrent donc sur les leviers opérationnels classiques, tels que la généralisation des contrats-cadres (12,3 %) ou la réduction du panel fournisseurs (4,4 %).
Muriel Guillemot note néanmoins que cette démarche a évolué avec la montée en puissance de nouvelles préoccupations. "Aujourd'hui, on demande aussi à l'acheteur de créer de la valeur et être garant des risques." La preuve en chiffres : la création de valeur est citée par 9,3 % des répondants et 29,6 % ont déclaré avoir mis en place une cartographie des risques. "Ces résultats sont encore timides, mais cela progresse, constate Muriel Guillemot. Les acheteurs commencent à prendre conscience que traquer la niche leur permettra de mieux acheter, donc de mieux vendre et s'inscrire ainsi dans un processus pérenne."
Centre de profit
Pauline Emma est responsable achats chez Vacances Bleues. Elle rappelle que si la volonté initiale du directeur général était de créer une direction des achats pour massifier et faire des économies, "l'objectif fixé à moyen terme était d'en faire un centre de profit, qui travaille en collaboration avec les autres services sur les projets de l'entreprise". "La création de valeur a été identifiée très rapidement chez nous", poursuit-elle.
L'enquête révèle en revanche qu'accroître la reconnaissance de la fonction auprès des clients internes n'est cité comme priorité numéro un que par 1,5 % des répondants (1,7 % l'an dernier). En ce qui concerne l'intervention des achats plus en amont dans la définition des besoins, elle est au premier rang des priorités pour 8,3 % des personnes interrogées (contre 6,9 % en 2014).
Mieux évaluer et encadrer les risques fournisseurs arrive en deuxième position des priorités citées pour les acheteurs. "On voit que le risque est de plus en plus en avant : sécurité des données, fournisseurs, dépendance...", observe Muriel Guillemot (Demos).
Pourtant, 51,9 % des répondants déclarent ne pas avoir mis en place de cartographie pour la gestion des risques. La raison selon elle ? "Les acheteurs qui font à la fois de l'achat et de l'approvisionnement sont dans l'opérationnel et n'ont pas le temps d'avoir une vision "macro", donc stratégique. Dans les grands groupes, les acheteurs sont moins multicasquettes et ont donc plus le temps pour se pencher sur le marketing achat et donc développer une approche stratégique pour gérer les risques et déployer une cartographie."
Vigilance
Le risque lié aux fournisseurs arrive en tête (76,5 % contre 69,5 % en 2014) et illustre bien la crainte des entreprises face aux fluctuations du prix des matières premières, au risque de défaillance du fournisseur ou encore de rupture de supply chain. Deuxième risque : la dépendance à un seul fournisseur, citée par 64,7 % d'entre eux (61 % l'an dernier). Pour contrer ce risque nuisible pour l'une comme pour l'autre partie, les acheteurs ont accru leur vigilance. À noter enfin que le risque lié à la sécurité des données arrive en troisième position (61,8 %).
Voilà un domaine qui confirme bien la professionnalisation de la fonction achat dans le privé : celui de la recherche d'innovation et d'actions de codéveloppement avec les fournisseurs. Ainsi, 60,2 % des répondants déclarent avoir déjà mis en place des démarches de codéveloppement ou de coconception avec leurs partenaires.
Pour 44 % d'entre eux, le panel fournisseurs est innovant parce qu'il prouve leur aptitude au codéveloppement.
"Ces résultats confirment que les acheteurs ont bien pris en compte la nécessité de créer de la valeur", appuie Muriel Guillemot. Pour elle, le fait que la majorité des répondants provient d'écoles de commerce ne peut, en partie, expliquer ces résultats.
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Voici un domaine qui stagne. Au sein de services achats créés pourtant il y a plus de cinq ans (72,3 %) et en charge de la gestion d'un volume d'achats de plus de 100 millions d'euros (37,4 %), les outils et logiciels utilisés datent encore, pour la plupart, de l'âge de pierre. 82,4 % utilisent Excel et 70,6 % les traditionnels ERP.
"Je suis encore stupéfaite de l'utilisation encore massive de logiciels maison (23,5 %), mais c'est en train de changer, observe Muriel Guillemot. Cela va dépendre de la vision et de la stratégie de l'acheteur. S'il comprend qu'il faut dématérialiser pour optimiser les coûts indirects, le changement s'opérera. Mais l'investissement est tellement important que cela nécessite une certaine maturité et être conscient que le ROI ne se fera pas avant cinq ans." Des phases intermédiaires moins coûteuses existent néanmoins, comme le recours aux SRM (11,8 % contre 10 % en 2014).
ROI incertain
En matière de projets Cloud, 52,9 % ont déclaré ne pas avoir engagé de démarche (contre 38,2 % de oui). Pour 46,2 % d'entre eux, il doit s'agir d'un projet de groupe. Si 30,8 % estiment qu'un tel investissement est positif, ils sont 15,4 % à penser qu'il est difficile de définir le ROI. À noter que des craintes persistent concernant la sécurisation des données et dans la localisation de l'emplacement de stockage de ces dernières.
Alors que 35 % des sondés l'an dernier déclaraient n'intégrer aucun critère RSE dans leurs appels d'offres, ils sont aujourd'hui 56,3 % (contre 43,7 %). Net recul, donc, et notamment dans le privé, les acheteurs publics s'étant emparés du dossier sur demande de Bruxelles.
Selon Muriel Guillemot (Demos), "s'il n'y a pas un intérêt même pour l'activité, les acheteurs privés ne le font pas". Cependant, elle estime que pour booster la création de valeur, "l'économie circulaire pourrait permettre de faire bouger les choses". Une préoccupation, pour l'heure, encore embryonnaire, même si certaines initiatives commencent à voir le jour au sein de grands groupes aux process achats matures.
Démarche onéreuse
Un tiers déclarent posséder une certification ISO 26000 et/ou réaliser des audits environnementaux et sociaux chez leurs fournisseurs. Une démarche onéreuse que certains, à l'instar de la direction des achats du groupe Haribo, réalisent pour leurs achats directs, car stratégiques. Le covoiturage pour les déplacements professionnels recule également (près d'un tiers en 2014, 20,4 % cette année) et seulement 14,3 % des sondés disent avoir intégré des véhicules électriques à leur flotte automobile (contre 16 % l'an dernier).
36 % des répondants déclarent avoir choisi les achats avant tout pour la position stratégique de la fonction dans l'entreprise (56,3 % rendent compte directement à la direction générale), puis pour les opportunités de carrière du secteur (32,5 %) et 44,9 % pour le salaire (plus de 45 000 euros pour 32,5 % d'entre eux).
Concernant le variable : "Il est en progression de 2 % par rapport à l'année dernière et toujours inférieur à 50 % (la part variable se situant environ autour de 10-15 % du brut, NDLR). Les KPI sont les clés de ce variable, car ils doivent montrer notre efficacité, à savoir l'optimisation des coûts, et montrer l'efficience de nos démarches de création de valeur et de garantie des risques." Seuls 6,4 % expliquent que devenir acheteur n'était pas vraiment délibéré.
Formation continue
Par ailleurs, une personne interrogée sur deux souhaite progresser hiérarchiquement au sein de son service achats (61,2 % des répondants étant actuellement acheteurs) et seulement 17 % manifestent l'envie de rejoindre une autre fonction dans l'entreprise. 36,4 % des répondants aimeraient en outre prendre en charge d'autres familles d'achats et 24,8 % partir à l'international.
Pour monter en compétences et diversifier leurs missions, 29,1 % ont profité d'une formation continue (37 % en 2014), dont 56,7 % pour renforcer leurs compétences métier (hard skills) et 36,7 % pour développer leurs compétences transverses (soft skills). "Le savoir-être est aujourd'hui aussi important que le savoir-faire", conclut Muriel Guillemot.