Chanel et DIAM : Deux directions achats au coeur d'un modèle de co-innovation

Achats Connect, organisé par le magazine Décision Achats, a réuni à Paris les acteurs majeurs des achats pour une journée riche en débats et perspectives. Une table ronde composée de Sylvie Barrée, CPO chez Chanel, Brice Pain, Directeur Achats au sein du groupe DIAM et le chercheur, spécialiste des questions d'innovation et d'achats, Romaric Servajean-Hilst et animée par Geoffroy Framery, rédacteur en chef de Décision Achats a particulièrement captivé l'audience en explorant les liens entre innovation, co-création entre achats et fournisseurs et création de valeur. S'approprier un concept telle que l'innovation et l'appliquer à une stratégie et à un plan d'action achats... Cela semble parfois plus complexe que de faire de la prose, sans le savoir. Romaric Servajean-Hilst, Directeur académique du MAI Executive Education chez Kedge Business School circonscrit : "Pour les acheteurs, pragmatiquement, c'est ce qui permet d'avoir du crédit impôt recherche. C'est aussi ce qui apporte de la valeur soit "la somme des bénéfices sur la somme des ressources consommées", soulignant ainsi son caractère stratégique pour les achats." Pour Sylvie Barrée, innovation et création de valeur sont intrinsèquement liées. "Il n'y a pas d'innovation sans création de valeur. Il s'agit d'identifier des besoins ou des problèmes et de mettre en oeuvre une stratégie pour y répondre efficacement tout en générant de la valeur."

Chanel et DIAM : un modèle de co-innovation

L'expérience de collaboration entre Chanel et le Groupe DIAM illustre les bénéfices de la co-innovation. À son arrivée chez Chanel, Sylvie Barrée a cherché à professionnaliser les achats tout en intégrant des enjeux environnementaux et sociétaux dans la stratégie du groupe. L'un des projets marquants fut le passage de 30 % à 100 % de plastiques recyclés dans les supports de PLV (publicité sur lieu de vente,ndlr). "Ce projet a nécessité des échanges réguliers avec les équipes de DIAM pour surmonter des obstacles techniques. En moins de deux ans, nous avons trouvé des solutions pragmatiques, comme réutiliser les chutes de matière," a-t-elle expliqué. Cette démarche a ouvert la voie à un programme d'économie circulaire, "Back to DIAM", qui permet de récupérer, démanteler et recycler les équipements en points de vente. Brice Pain, directeur achats du groupe DIAM souligne l'importance d'une approche collaborative et d'un alignement stratégique. "Nous avons mis en place une équipe dédiée à l'innovation et impliqué l'ensemble des parties prenantes, du fournisseur au client final. C'est cette transparence et cette recherche constante d'équilibre qui permettent de bâtir des relations de confiance ».

Dans le détail, le besoin fut à l'origine exprimé par la partie business France qui a sollicité les achats. Les achats de Chanel sont ensuite rentrés en contact avec la DG du groupe DIAM pour ainsi monter un pilote d'innovation. "En termes d'économie circulaire, le modèle économique est complexe. Pour le formaliser, un expert pour chaque maillon de la chaîne de valeur fut sollicité. "On avait quelqu'un qui était très branché sur le marché, quelqu'un du corporate, des achats, et notre fournisseur. Ensemble on a commencé à co-construire et à se mettre d'accord sur les sujets. Back to DiIAM nous à permis de lancer une dynamique positive et de commencer à créer des partenariats. Cela m'a permis de faire venir mes directions artistiques et mes équipes directement et de créer des plateformes d'échange. Faire rentrer l'équipe achats avec un fournisseur permet d'appréhender différemment le rang2 qui peut représenter parfois 60 à 70% de la valeur."

Côté fournisseur, Brice Pain ajoute: "Chez DIAM, l'innovation est un élément de différenciant sur notre marché. C'est une culture qui est insufflée par notre direction depuis plus de 10 ans. Avoir la DG en sponsor est essentiel, d'autant que nous demeurons une entreprise où parler avec le CEO est relativement simple. Ce projet d'innovation avec Chanel nous a permis d'aborder un sujet supply de façon plus large pour ainsi mieux sécuriser une partie de nos achats et d'en assurer un nouveau cycle de vie qui allait jusqu'au réusage". Une méthode de co-innovation qui sort des sentiers battus, selon les dires du Directeur Académique du MAI Executive Education de Kedge Business School: "Deux directions achats au centre de l'innovation, c'est autant idéal qu'atypique. Mais le caractère très innovant d'un point de vue organisationnel, c'est le fait que la direction achats du fournisseur soit en contact avec le client."

Conditions de succès pour innover dans les achats

Romaric Servajean-Hilst, fort de ses travaux de recherche sur l'innovation, a rappelé les trois piliers essentiels : un leadership fort, un droit à l'expérimentation et une cohésion au sein des équipes achats. "Le soutien institutionnel et la capacité à travailler ensemble face aux défis sont fondamentaux pour que les achats deviennent un moteur d'innovation," a-t-il déclaré. Malgré les succès évoqués, les invités de cette table ronde reconnaissent la complexité des arbitrages entre contraintes économiques et innovation. "L'innovation demande de la persévérance, mais aussi un bon timing et une compréhension fine des besoins des clients," confie Sylvie Barrée. Pour Brice Pain, le défi réside également dans l'intégration des fournisseurs à chaque étape. "Nous organisons des suppliers' days pour partager nos attentes en matière de RSE et co-construire des solutions innovantes. Il s'agit de sortir d'une simple relation commerciale pour bâtir de véritables partenariats." Enfin, Romaric Servajean-Hilst a partagé un aperçu de ses recherches sur l'identification des "champions de l'innovation" au sein des organisations. "Grâce à des outils de machine learning et des tests de personnalité, nous pouvons repérer les profils les plus aptes à porter des projets innovants," a-t-il révélé. Un grand pas en avant pour détecter ces moutons à cinq pattes.