Achats auprès du STPA : les grands groupes gagnent en maturité
Séduits par la qualité des prestations des EA et Esat, les directions achats, prescripteurs et responsables RSE, en font des partenaires sur le long terme. Témoignages.
Je m'abonneLe recours au secteur du travail protégé et adapté s'intègre souvent dans une politique globale de RSE qui peut aller très loin, en témoigne XPO Logistics qui a créé sa propre entreprise sociale en 2011 (voir encadré en page 2 de cet article). Le groupe Seb travaille, lui, avec le secteur depuis une centaine d'années dans le cadre de sa responsabilité économique et sociale au sein de ses territoires d'implantation. "Au-delà des emplois que nous générons, nous soutenons le développement d'entreprises locales, parmi lesquelles des acteurs de l'ESS", souligne Joël Tronchon, directeur développement durable. Au départ, c'était plutôt le rôle des directeurs industriels et RH locaux car les directions achats et insertion n'existaient pas. En 2011, on a bâti avec le directeur des achats notre première politique d'achats responsables en intégrant des clauses sociales dans les appels d'offres où cela a du sens".
L'entreprise de services numériques Econocom fait aussi appel au STPA depuis longtemps. "Notre objet est à la fois sociétal et environnemental, précise Véronique di Benedetto, vice-présidente France. Une grande part de la sous-traitance porte sur le reconditionnement et recyclage du matériel informatique loué à notre clientèle. Les prestations de sourcing de personnes handicapées pour des contrats projets avec nos clients en constituent le second pan." L'ESN collabore notamment pour ce sourcing avec le groupe d'EA Arcesi qui a présenté une candidate aux derniers Trophées "Femmes en EA". Trophées qui reviennent cette année : les inscriptions sont d'ailleurs ouvertes jusqu'au 15 janvier (voir sur le site handireseau.fr)
Au sein du groupe Adecco, le recours aux EA et Esat est l'un des piliers de leur politique en faveur de la diversité et de l'inclusion. "Elles nous fournissent par ailleurs un service de qualité à un tarif compétitif et nous faisons appel à elles comme à n'importe quel autre prestataire, affirme Johan Titren, directeur diversité et inclusion. Il est important de le rappeler car des représentations d'un autre âge sur les services des EA peuvent subsister". Le groupe travaille avec une cinquantaine de fournisseurs du secteur, en majorité des EA.
Pour Amandine Noureldin, directrice des achats responsables du groupe Alstom, la sous-traitance au STPA s'inscrit directement dans la responsabilité sociale du groupe. "Dès lors que ces entreprises sont en mesure de répondre à nos besoins de services ou de production, ce sont des partenaires comme les autres et elle sont les premières à le revendiquer", souligne-t-elle.
Une collaboration renforcée avec le STPA
En France, Alstom travaille avec plusieurs dizaines d'EA. "La direction achats les fait rentrer dans le même circuit de sélection que les autres fournisseurs à ceci près que, voilà deux ans, un processus spécifique a été mis en place pour un certain nombre de familles d'achats, identifiées avec les acheteurs comme particulièrement du ressort des EA, raconte-t-elle. Dans ces familles, nous demandons aux acheteurs de présenter au moins une EA dans leur sélection. C'est une façon d'augmenter leur visibilité". Tout comme la mise à disposition d'annuaires d'EA sur la plateforme d'Alstom dédiée aux acheteurs. Cette visibilité s'est encore accrue grâce à la remise du prix du public des trophées 2020 "Femmes en EA", remporté par Marlène Martinvalet, déléguée par l'EA AP'AIPS, à l'accueil d'un des trois bâtiments du siège d'Alstom. Spécialisée dans les services généraux, AP'AIPS se pose comme l'inventeur de la co-traitance. "A défaut de prendre un marché complet pour lequel un donneur d'ordre pourrait hésiter, nous nous positionnons en rang 2 avec un partenaire de rang 1 - un prestataire métier -, explique Dominique Lafont, son directeur d'exploitation. Pour Alstom, c'est avec Bouygues Energies et Services, qui nous a contactés pour répondre à l'appel d'offres avec lui, que nous avons obtenu trois temps pleins en 2012, passés depuis début 2020 à quatre".
Au sein d'Adecco, la direction achats a le lead sur les appels d'offres et identifie les besoins. Un comité de pilotage des achats inclusifs a été mis en place cette année réunissant l'équipe achats et celle de la direction Inclusion. "Hormis des achats assez classiques et la mise à disposition de personnel, nous collaborons avec certaines EA pour créer de nouvelles activités, et en particulier des EA de travail temporaire", confie Joël Titren. Handishare Intérim, filiale de l'EA Handishare est la première EATT soutenue par le groupe.
Lire la suite en page 2 : Toujours plus d'engagement / "Forcer la porte" en mettant systématiquement le STPA en consultation / ADTP, partenaire historique du groupe Seb
Toujours plus d'engagement
"Nous travaillons avec Adecco depuis début 2015 et au fil des ans, nous avons réalisé que nous avions des valeurs communes, raconte Patricia Gros, présidente d'Handishare et lauréate des trophées "Femme en EA" en 2018. A la création d'Handishare Intérim en novembre 2019, nous les avons contactés et ils nous ont conseillé de nous rapprocher du groupe ID, qui fait partie du réseau d'entreprises de travail temporaire d'insertion Adecco Inclusion". La directrice d'Handishare Intérim, Maud Georget (candidate aux trophées 2020 "Femmes en EA" ) a ainsi pu s'immerger pendant 2 jours dans cette ETTI.
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Le groupe Seb a également instauré avec le secteur des partenariats sur le long terme. "Nous nous inscrivons en général dans la durée d'autant que les EA et Esat ont développé un très bon niveau de savoir faire et de qualité de service, assure Joël Tronchon. On peut même co-investir et une EA investir, quand elle sait qu'elle a une visibilité sur plusieurs années avec le groupe Seb". Bel exemple, celui d'ADTP (voir encadré ci-dessous).
Chez Econocom, pour le sourcing de profils de qualité, les opérationnels font remonter les besoins dans le cadre d'appels d'offres et les achats référencent ensuite les fournisseurs. "De plus en plus de clients nous demandent de travailler avec des EA" souligne Véronique di Benedetto. Pour le reconditionnement, c'est le département opérationnel qui gère les EA, peu nombreuses, capables de fournir ces prestations. Deux EA et une entreprise de l'ESS assurent 80 % du chiffre d'affaires "reconditionnement" de l'ESN. L'EA ATF Gaia, la plus importante, rachète le matériel à l'ESN et le reconditionne avant de le mettre en vente sur son site de e-commerce. "Elle a accès à une clientèle BtoC alors que l'activité d' Econocom se situe, elle, sur le bob", explique la vice présidente France. Leur collaboration dure depuis 23 ans. "Les grands donneurs d'ordres qui recourent aujourd'hui à une EA ne le font pas pour le plaisir mais pour répondre à une problématique, assure Sylvain Couthier, président du groupe ATF. Ils travaillent avec une entreprise comme la nôtre pour sa performance. Nous répondons à un cahier des charges suivant une contrainte économique, un délai de réalisation et un niveau de service. Sur ce, notre statut d'entreprise sociale de l'économie circulaire donne du sens à leur action et c'est en quelque sorte la cerise sur le gâteau".
L'avis de Dominique du Paty de Clam - "Forcer la porte" en mettant systématiquement le STPA en consultation
Dominique du Paty de Clam, fondatrice d'Handiréseau qui organise chaque année les trophées "Femmes en EA" -(en savoir plus, cliquer sur ce lien), livre les bonnes pratiques pour une collaboration efficiente entre grands comptes et STPA: Le préalable est l'envie de mettre en place une politique achats responsables et l'envie des différentes parties prenantes du groupe, - direction achats, prescripteurs, mission Handicap... de travailler ensemble, car ils n'ont pas tous les mêmes objectifs. On tentera ensuite de mettre en place un vrai process d'achat centralisé et de l'automatiser afin de pouvoir anticiper les opportunités d'achats au STPA, tout en essayant de déléguer à certains ambassadeurs de l'entreprise la possibilité de propulser le STPA. La rédaction d'un cahier des charges fonctionnel, communiqué simultanément au secteur et aux autres fournisseurs potentiels, s'impose, car il s'adapte bien au secteur. En l'absence d'une politique achats responsables mature, il est nécessaire d'un peu "forcer la porte" en mettant systématiquement le STPA en consultation. Arrivé à maturité, un grand groupe n'interroge plus les fournisseurs parce qu'ils sont du secteur mais parce qu'ils sont bons.
Les Trophées Femmes en EA auront lieu, cette année, le 11 mars. Les directions achats peuvent d'ores et déjà présenter le dossier d'une femme en EA ou ESAT avec laquelle ils travaillent et qui a apporté une vraie valeur ajoutée à leur collaboration pour en savoir plus et proposer un dossier: cliquer ici
Témoignage - ADTP, partenaire historique du groupe Seb
A la fois EA et Esat, ADTP a toujours travaillé avec Tefal, bien avant que le fabricant soit racheté par le groupe Seb en 1968. "Ce n'est pas un client mais un partenaire", affirme Edouard Amaral, chargé d'affaires. ADTP assure collage, assemblage et montage de différents composants, contrôle sur produits finis, stockage, gestion des flux, et conditionnement. Depuis quinze ans, l'EA/Esat travaille uniquement pour le site industriel de Tefal de Rumilly. Elle dispose de cinq sites industriels en Haute-Savoie dont trois comptent Tefal parmi leurs clients : une usine EA et une usine Esat sur le site de Cran et une usine EA/Esat sur le site d'Annemasse. "Nous avons toujours industrialisé nos tâches en EA et cela s'intensifie depuis 15 ans en Esat, souligne Edouard Amaral. "Nous travaillons très en amont avec la R&D, le service technique, le développement et le service achats afin que les produits, une fois assemblés, soient du meilleur rapport qualité-prix possible". Voilà 4 ans, Seb a mis 400 000 euros sur la table pour co-développer avec ADTP trois nouveaux robots qui ont été installés dans une des usines d'ADTP. Par ailleurs, l'EA/Esat a investi 500 000 euros pour développer deux nouvelles lignes de production afin répondre à la forte croissance des ventes d'un produit Tefal.
Focus - Log'ins, une passerelle vers l'emploi
Bernard Vehbe, directeur général supply chain d'XPO Logistics France et Suisse, l'affirme, "Log'ins va plus loin qu'une entreprise adaptée. Non seulement elle permet aux personnes handicapées de travailler dans un entrepôt qui leur est dédié, mais c'est aussi un tremplin vers le monde du travail". Log'ins forme les stagiaires aux métiers de la logistique et aux compétences utiles pour réussir dans un environnement de travail traditionnel. Ils travaillent entre 6 et 18 mois dans l'entrepôt de Villabé où XPO opère pour deux clients, et effectuent occasionnellement des missions sur d'autres sites XPO, notamment lors des pics d'activité. "Sur certaines lignes de production, leur efficience est égale voire plus haute que les salariés non handicapés", souligne Bernard Vehbe. Selon lui, 77% des élèves passé chez Log'ins ces deux dernières années ont trouvé un emploi stable.
"Sandrine Amoroso, qui a reçu un trophée "Femme en EA", en juillet, est un bel exemple du rôle de passerelle de Log'ins. Grâce à son énergie et sa volonté de s'intégrer à la société, elle a été embauchée chez XPO".